mardi 3 octobre 2023

Article de "Contre-attaque : Travailleurs vous êtes trahis! de georges Bataille

 Développant partout les restrictions et l'angoisse, le nationalisme étend peu à peu sa nuit sur toute la terre. Au nationalisme des pays pauvres, répond, dans les pays riches le nationalisme de la peur. 

Aveuglés par l'avidité et la panique, les troupeaux humains.

Dans cet affolement de la nature humaine tout entière, quelles voix font entendre ceux qui s'étaient dressés autrefois avec la résolution de délivrer le monde de ses sanglantes pratiques militaires?

Nous nous rappelons que les masses humaines ont été une fois soulevées par le parti communiste opposant au capitalisme et à sa guerre l'arme brisante du défaitisme révolutionnaire.

Une confusion nouvelle semble s'ajouter aujourd'hui à la stupeur générale. Sous prétexte du maintien de la paix, ceux qui s'élevaient jusque là contre la guerre sont ouvertement entrés dans l'un des camps. "L'humanité" enregistre aujourd'hui sans réserves le message belliqueux de Sarraut. Elle répond à cet appel par un mot d'ordre abject: l'union de la nation française...

La guerre entre les chiens impérialistes soulevait le dégoût, les communistes s'emploient aujourd'hui à la camoufler en croisade. Ils brandissent sur un monde accablé le drapeau d'une croisade antifasciste: annonciateur d'une duperie sanglante...

Dans la nuit où toute chose humaine déraillent lentement, les communistes se sont réduits au rôle de défenseurs du status quo fixé à Versailles. Ils se préparent à servir demain d'aboyeurs à l'état major français, quand cet état-major enverra au poteau à tous ceux qui n'auront pas oublié ce qu'ils ont lu L'humanité d'hier.

L'armée allemande envahit aujourd'hui une région allemande au mépris des traités...

Conformément aux traités, l'armée française, en 1923, envahissait la Rhur.

la forfanterie illégale de Hitler répond à la brutalité légale de la France. les policiers de Versailles et de la Ruhr, afin de mieux assurer la sécurité française, ont accouché  l'Allemagne d'Hitler! Nous n'avons rien de commun avec la démence infantile du nationalisme allemand, rien de commun avec la démence sénile du nationalisme français. 

Dans ce monde obscur, où se heurtent des stupidités qui se composent et se complètent l'une l'autre, nous ne pouvons que nous reconnaitre formellement étrangers.

Lorsque Monsieur Sarraut refuse "de laisser placer Strasbourg sous le feu des canons allemands ", nous comprenons que nous sommes situés en dehors d'un monde où une telle phrase peut être énoncée sans soulever la répugnance ou même le rire.

Lorsque Staline couvre de son autorité l'armement français, lorsque Radek excite les nationalistes de ce pays à la haine de l'Allemagne, nous nous considérons comme trahis; nous refusons d'emboîter le pas derrière ceux qui s'apprêtent au massacre mutuel. 

Nous n'envisagerons pas, dans ce premier texte, les conséquences pratiques et l'efficacité que l'action des masses donnera un jour à un tel refus. La lutte qui nous oppose au tumulte général nous la mènerons jusqu'à la limite de nos forces. mais quel que soit ce résultat, heureux, ou, pour un temps, misérable, nous maintiendrons face à l'abrutissement des nationalistes de tous pays, de tous partis, l'intégrité d'une volonté inaccessible à la panique. Nous méconnaissons les liens formels qui prétendent nous attacher à une nation quelconque : nous appartenons à la communauté humaine trahie aujourd'hui par Sarraut comme par Hitler et par Thorez, comme par La Rocque.

La réalité inébranlable et dominante de cette communauté sera maintenue même par une minorité d'hommes, au-dessus des crimes des nationalistes de tous les pays: jusqu'au jour où les peuples, épuisés par les déments qui les conduisent, reconnaitront l'issue libératrice.



Georges Bataille, Jean Bernier, André Breton, Lucie Colliard, Paul Eluard, Maurice Heine, P. Kaan, Marcel Martinet, Georges Michon, Alphonse Milsonneau, Pierre Monatte, Jean Rollin, Pierre Ruff, André Weill.

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