Le dimanche 9 avril 1950, dimanche de Pâques, un homme se faufile et va jusqu’à la chaire et déclame :
« Aujourd’hui, jour de Pâques
en l’année sainte, ici,
Dans l’insigne Basilique de
Notre-Dame-de-Paris,
J’accuse
L’église catholique
universelle du détournement mortel de nos forces vives en faveur d’un ciel
vide,
J’accuse l’Eglise catholique
d’escroquerie.
J’accuse
L’Eglise catholique d’infecter
le monde de sa morale mortuaire,
D’être le chancre de l’Occident
décomposé.
En vérité je vous le dis :
Dieu est mort.
Aujourd’hui, jour de pâques
en l’année sainte,
Ici, dans l’insigne
basilique Notre-Dame de France, nous clamons la mort du Christ-Dieu pour qu’enfin
vive l’homme »
Il fut embarqué par la
police. Il s’appelait Michel Mourre et avait fait partie du mouvement
surréaliste de Breton sans que celui-ci le soutienne dans son geste. »
« Ainsi, par exemple,
que cet étrange esclandre survint cinquante ans exactement après la mort de
Nietzsche. Autrement dit, il aura fallu
cinquante ans pour que l’écho de la sombre prophétie nietzschéenne retentit à
paris, et retentit, qui plus est, sous les voûtes de Notre-Dame. Le disant
ainsi, on ne fait jamais que prêter à cet esclandre et à la prophétie dont il
est l’écho lointain un caractère idéaliste, si ce n’est théâtral. Idéaliste ou
théâtral, parce qu’il n’y avait personne en 1950, pas plus qu’en 1900, ni pour
croire que Dieu était mort ni, sérieusement, à tenir l’histoire pour débarrassée
de son imposante dépouille. Et c’est ce que tendent à démontrer les réactions
en effet embarrassées qui ont suivi l’esclandre de Michel Mourre et de ses amis
lettristes.
A la fin, qu’est-ce que
celui-ci pouvait signifier ? Que Dieu était mort, donc. Mais pouvait-on
encore penser qu’il ne l’était pas depuis que les armées soviétiques et
américaines avaient « libéré » les camps ? Et quel Dieu alors,
celui des chrétiens ou n’importe lequel pourvu qu’il répondît au besoin dans
lequel chacun se trouvait ? La question vient subrepticement : en
somme, la croyance ne cherchait-elle pas, comme l’humanisme, à sortir indemne
de la guerre ? Ce qui ne serait que logique, d’ailleurs : Dieu ne
serait-il pas justifié de rester le même si l’homme lui-même l’était ?
Il faut donc l’accepter :
c’est parce qu’on veut, après la guerre, que l’homme soit le même qu’avant qu’on
refuse, même obscurément, que Dieu ne le soit plus.
Encore moins –ou, surtout
pas : « qu’il ne soit plus » «
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