Plus près de toi maman, plus près de toi
(Pièce en trois actes)
Marc Authouart
Acte I scène I
Un homme assis à une table. Il a un certain âge. Une femme âgée est assise dans un canapé. Il lit et la femme le regarde sans rien faire.
L’homme : Tu n’as pas autre chose à faire qu’à me regarder…C’est insupportable.
(Elle baisse un moment la tête mais la relève aussi vite).
La femme : je n’ai rien d’autre à faire.
L’homme : je le regrette…Je préférais quand tu sortais…ça faisait un temps où je ne te voyais pas…ou je ne partageais pas un espace avec toi…
La femme : tu es chez moi, je te le rappelle…
L’homme : je compte partir le plus vite possible.
La femme : mais pour l’instant tu es là…
L’homme : fous moi la paix…Tais-toi…Crois-tu que cela me fasse plaisir de me retrouver chez toi après ces 20 années où l’on ne se parlait plus…Rien n’a été oublié ni pardonné.
La femme : j’aurais pu refuser de te recevoir.
L’homme : mais fallait le faire…fallait le faire…J’aurais compris qu’après 20 ans de silence tu refuses de me recevoir chez toi…
La femme : je peux encore le faire :
L’homme : tu veux que je parte tout de suite ?…Je cherche à me loger, à partir le plus vite possible.
(Elle se lève et se rapproche)
La femme : peut-être pourrions-nous profiter de ta présence ici pour un temps pour parler de ce que tu me reprochais, me reproche peut-être encore ?
(L’homme se lève à son tour et s’éloigne)
L’homme : il n’est plus temps d’en parler, de pardonner, de s’expliquer, de justifier…Tout cela est passé et est inscrit dans mon esprit comme des actes qui ne sont plus pardonnables…
La femme : je pense que j’ai le droit de savoir.
(il se retourne brusquement)
L’homme : mais il n’est plus temps si cela t’avait gêné un tant soit peu à l’époque, il était toujours temps de demander des explications….rien n’a été fait…tu as acté la séparation tu as du me coller tout sur le dos …
La femme : tu crois vraiment que j’ai pu faire ce que tu me reproches ?
L’homme : je te connais tu n’as jamais reconnu aucune erreur jamais tu n’analyses ce que tu fais ou ne fait pas tu fuis tu fuis tu pars en voyage en vacances les horreurs tu les laisses aux autres enfin pas à tous…l’autre a toujours été protégé toujours c’était le meilleur…
La femme: je vous ai toujours traité de la même manière je n’avais pas de préférence…
L’homme : arrête…arrête…je ne veux plus que tu me parles…je vais partir très vite d’ici je ne veux pas te faire croire que tout est pardonné que tu n’es responsable de rien…
(La femme se dirige vers la cuisine)
La femme : veux-tu que je te prépare à manger quelque chose ?
L’homme : non je vais manger dehors…je ne veux pas te voir ce soir.
Acte I scène II
L’homme : pourquoi je n’ai pas pu faire autrement ? Ma lâcheté… j’étais sûr qu’elle accepterait elle ne pouvait me laisser dehors…mais il faut que je parte que je parte…
(Elle revient).
La femme : es-tu vraiment sur de ne pas vouloir manger un morceau ?
L’homme : non je ne veux rien…je vais partir manger. Je vais rentrer tard. A demain.
La femme : sais-tu au moins ce que tu me reproches encore après tant d’années ?
L’homme : l’existence de la souffrance que tu m’as imposée et fait subir n’est plus très net dans ma conscience mais elle est une plaie qui ne se referme pas. Ce sont des bribes des ressentis et des attitudes dont je me rappelle…Mais je sais qu’il y a en moi une douleur insupportable et insurmontable…Je n’aurais ni le courage ni l’envie de faire un quelconque effort pour te pardonner…
La femme : tout cela est très imprécis…
(Il se tourne vers elle avant de sortir.)
L’homme : je ne peux dire exactement ce que représente ce souvenir dans ma mémoire mais je sais qu’il est les prémices de tout le reste et peut-être que c’est là que le rejet a été le plus violent.
La femme : et quel est-il ?
L’homme : c’est le souvenir d’une porte de la cuisine fermée avec toi d’un côté et moi de l’autre qui pleure.
(Et il sort).
Acte I scène III
(Elle le regarda partir)
La femme : de quelle période me parle-t-il ? Si je ne m’en souviens pas, que puis-je faire ? Il me faut m’en rappeler…je dois m’en rappeler…il le faut je ne peux pas partir seule…Il faut que je l’attende…
(Elle s’installe dans le canapé et attend la rentrée de le l’homme)
Acte II scène I
(Elle sursaute car elle entend la clé dans la serrure).
L’homme : que fais-tu là ? Tu devrais être couchée ? J’espérais que tu serais couchée.
La femme : je veux que tu m’aides à me souvenir de ce moment. Je veux trouver, je veux pouvoir me justifier si cela est possible….cela doit être possible…Je ne peux imaginer que je puisse te laisser devant une porte close en pleurs sans que cela ne m’affecte un peu sans que je ne m’en souvienne…
L’homme : pourtant, pourtant, ca a existé…ce n’était pas un cauchemar…d’ailleurs si c’en était un pourquoi ne m’as-tu jamais consolé et que cela me poursuive encore…Allons on verra un autre jour…
La femme : je ne vais pas pouvoir dormir tant que je ne comprendrais pas ce qu’il s’est passé…que tout est parti de là…
L’homme : il n’y a pas eu que cela…cela est le point de départ mais il y eut le reste…
La femme : commençons par cela alors…trouvons…interrogeons nos mémoires.
L’homme : et pourquoi t’aiderais-je ? Pourquoi ne me l’as-tu jamais demandé avant, c’est cela aussi qui est en jeu…Tu as accepté tout ce que je t’ai fait subir sans chercher à comprendre à te faire expliquer, tu as accepté comme quelque chose que tu comprends par rapport à toi…si cela t’était paru injuste, sans doute aurais-tu du venir vers moi te faire expliquer ? Et si tu n’as pas cherché à me parler, peut-être que cette distance arrangeait tes affaires…sans doute…
La femme : la porte fermée, je ne peux la comprendre et me l’expliquer …le reste on verra après…
L’homme : il faut comprendre aussi que je n’ai peut-être plus envie d’en parler, que le temps est passé, que je reste avec cette blessure et que cette distance m’a également aidé à vivre. Me rapprocher de toi et je dois de nouveau affronter ce à quoi j’ai été confronté… je vais me coucher…
La femme : je veux que le temps tu restes là, on fait la clarté sur tout cela…il le faut…je vais bientôt mourir et je ne veux pas partir avec cette charge…
L’homme : pourquoi ? tu as peur de la mort ? tu as peur de l’enfer ? Tu n’as jamais cru en Dieu donc la peur de la mort te fait croire en lui maintenant ? Il ne pourra t’aider, il ne pourra t’aider…Tu as toujours fuit donc tu fuiras la mort comme tu as toujours fui…Tu trouveras le moyen de fuir ta propre mort…Et je dois découvrir si j’ai envie de t’aider ou pas…si je veux que tu affrontes la mort seule, sans pardon, sans aucune planche de salut…je dois me poser la question : est-ce que je t’aime encore pour avoir la volonté de t’aider ? Elle est là la véritable question. Et es-tu suffisamment aimable pour que j’en éprouve l’envie ou le besoin…Quand je m’impose ta mort à l’esprit, je m’invente alors ma propre fuite et je m’aperçois que c’est la facilité…Tu as toujours fui devant tous les problèmes, de toutes les manières possibles, ca a toujours été très
facile pour toi…Il n’y a qu’une seule fois où tu n’as pas eu le temps de fuir c’est lorsque l’on t’a annoncé la mort de ton mari…tu n’as pas eu le temps, comme malade tu l’aurais eu, non, là, ça a été un horrible accident et là tu t’es trouvé face à la nouvelle…je pense que c’est à ce moment-là que tu as inconsciemment décidé de ne plus affronter les problèmes mais de fuir…sans arrêt sans arrêt…d’ailleurs cette distance t’a permis de ne pas chercher pourquoi elle t’aidait profitable cette distance…Mais tu me dis que tu vas mourir, devant le jugement dernier, tu ne peux plus fuir, il te faut t’absoudre de toutes tes fautes, tes péchés…mais je peux, par ma volonté de ne pas t’aider, à fuir définitivement une dernière fois : tu fuiras par ma faute le paradis…et tu erreras…c’est ce qui te sera promis si tu arrives sans pardon…
La femme : tu me hais tant…tu me hais tant…Le mal que je t’ai fait est en toi, ancrée avec force et tu as la volonté de l’entretenir jusqu’à ma fin…jusqu’à ma mort…je ne vais pas m’en sortir…tu me refuses même le repos…
L’homme : sans doute aurait-il fallu que tu y réfléchisses un peu avant. Tu te trouves à la dernière limite et tu as peu de temps…la vie m’a obligé à te revoir et tu m’apprends que c’est pour te voir mourir…Mais je ne voulais pas assister à ta mort…et je vais peutêtre être obligé de la subir…Maintenant, je vais aller me coucher et j’espère pouvoir partir avant que tu ne meures car, comme je ne t’aurais pas aidée, tu vas souffrir tout ce que tu n’as pas souffert avant…Bonne nuit.
(La femme le regarde sortir).
(Comme le dit Werner Schwab en parlant d’une mère dans sa pièce « le ciel mon amour ma proie mourante ». Tu es cette connasse que je n’ai jamais pu souffrir, tu es une abjection purulente que la vie m’a imposée. Je ne peux plus supporter ta présence, même si elle avait été lointaine. Elle est présence insupportable, elle a le don de réduire le temps de MA vie. )
Acte II scène II
(L’homme est allongé sur lit. Il n’arrive pas à dormir.)
L’homme : est-ce vraiment dans la pièce de Schwab que ces choses sont dites ou sont-ce les horreurs que je prononce contre ma propre mère ? Il est vrai que la voir ou l’apercevoir au détour d’une rue, marchant en biais, comme pour esquiver on ne sait quel obstacle, démarche qui me donne la nausée. Tout cela m’insupporte. Cette connasse qui se traine sans raison, elle n’aime pas, elle n’aime plus peut-être, elle n’est pas aimée, elle est encombrante. On sait quoi en faire. Mais personne n’arrive à la jeter. Alors pourquoi pas croire que Dieu existe et serait suffisamment bienveillant pour la rappeler à lui…ou l’envoyer là où il voudra mais que ce soit définitif et loin de moi. Ce n’est pas un jeu de souhaiter la mort de quelqu’un, évidemment, mais le soulagement de savoir que tout cela prendrait fin à sa disparition.
J’ai encore le souvenir de cette année-là qui ne dura qu’une semaine. Le complexe d’Œdipe ne fut pas cette année-là que la pensée philosophique elle devint presque effective terriblement oppressante suffisamment mémorable pour que le souvenir vienne encore me perturber. Comme je lui en veux d’avoir permis que les cartes se brouillent ainsi que le jeu de la puberté fut celui de la vengeance à l’homme qu’elle a haï plus qu’elle n’a aimé le premier. Nous étions couple sans rapport charnel sans rapport charnel …peut-être parce qu’elle était laide suffisamment pour que sa laideur lutta à arme égale avec la puissance du complexe…Elle n’a jamais été autant ma mère que cette semaine où elle ne pouvait pas non plus être ma première femme…Elle ne fut jamais la première en quoi que ce fut…Elle fit toujours en sorte que ce soit mon frère qui ait la sensation qu’elle était sa mère alors que je devais ne penser jamais être vraiment à ma place. Schwab mit sa mère à la place que toute chienne devrait avoir c’est-à-dire à distance afin de ne faire de mal à personne…et surtout pas à un enfant qui ne cherchait que l’amour de sa mère quand celle-ci ne pensait qu’à tout faire pour ne jamais être véritablement une mère.
Je n’ai pas de souvenir continue de cette vie avec elle avec eux…ce sont des bribes qui ne me construisent pas complétement…elles ne font que permettre le passage d’un trou de mémoire à un autre…C’est elle qui me créa les souvenirs qu’elle ne voulut pas que j’eus jusqu’à cette histoire de porte fermée devant laquelle je pleure de ne pouvoir rejoindre celle que je prenais pour ma mère et qui pleurait également…Qui étions nous alors à cet instant précis ? Deux être séparés dans un espace relativement étroit mais si hermétiquement clos de par la volonté dont je ne savais qui…Allait-elle pouvoir me dire ce que c’était ? Je n’ai pas l’impression que cela ne se passa qu’une fois…Ce fut suffisamment long que ce fut un deuil mais de quel deuil pouvait-on parler puisque mon père était déjà mort sans doute quelques années auparavant ? je lui avais posé la question une seule fois et elle ne m’a jamais répondu prétextant ne plus se souvenir…Est-elle autant dans le présent que la douleur du passé n’a plus sa place ? Avait-elle le pouvoir de vivre au jour le jour sans se surcharger d’un passé douloureux ? Ou alors quel est donc ce secret qu’elle ne peut me dire alors que cela me guérirait surement de quelques douleurs silencieuses qui trainent dans ma mémoire ? Comme je la soupçonne de ne pas avoir été une femme fidèle… J’ai au
moins 3 personnes que je soupçonne aujourd’hui d’avoir été ses amants…Elle a vécu les histoires sordides de coucheries hors mariages…Elle fut la triste héroïne de sordides cinq à sept sans espoir, sans amour juste du cul pour oublier qu’on fut mal mariée que l’on a fait une erreur que l’on subit mais que l’on ne peut plus réparer ? En fait, qui es-tu femme que je ne connais pas parce que pendant longtemps je t’ai regardé avec les yeux d’un enfant pour ensuite te bannir sans vraiment savoir pourquoi ? Tu as été celle qui fut génitrice mais pas mère…Finalement, il faut peu de choses pour qu’une femme échappa à son rôle de mère pour n’être qu’une génitrice encombré de deux enfants..
Si je fus une lourde charge pendant très longtemps je ne serais pas celui qui te permettra de partir en paix…Si vraiment tout cela te trouble t’attriste si il faut le pardon, mon pardon, pour que tu partes en paix et bien je ne te le donnerais jamais…Tu partiras tourmentée parce que je ne vécus pour ne jamais avoir eu de mère…
J’ai vu des photos de ma « famille » faire de grands repas, très arrosés…Jamais nous ne sommes présents les enfants comme cela se fait dans les familles parce que les enfants ne veulent pas dormir lorsque pas loin la fête bat son plein. Sommes-nous déjà couchés avec l’interdiction de sortir de la chambre ? Sous quelle sanction ? Ou bien alors encore pire : nous n’étions pas présents. On nous envoyait chez des gens pour ne pas gêner la beuverie.
Je n’arrive plus à me souvenir de quel âge je pouvais avoir pour cette histoire de porte fermée devant moi…J’en ai conscience donc je n’ai pas les 3 semaines de la mort de mon père…Ou alors il n’est pas mort trois semaines après ma naissance mais bien plus tard…Je ne me rappelle pas si c’est ma mère qui me mets derrière la porte pour être avec quelqu’un d’autre que moi…ne pas m’imposer sa tristesse sa douleur mais ne souffrais-je pas plus chassé loin de ma mère…Est-ce elle ou bien ces personnes qui sont là et qui m’éloignent d’elle ? Et qui sont-ils ? Je ne les reconnais pas mais ils sont les ombres qui embarrassent le désespoir de ne pas voir celle qui pleure. Ne futelle plus ma mère de ce rejet ? ne fut-elle plus celle que j’aurais eu comme si elle m’avait laissé être à ses côtés si nous avions mêlé nos larmes...N’aurions-nous pas pleuré pour les mêmes causes que nous l’aurions fait ensemble…dans la cuisine pendant que derrière la porte seraient restés ceux qui voulaient nous séparer…nous aurions été ensemble…Et j’ai moins de deux ans puisque je n’ai pas de souvenir que mon demi-frère ait vécu la même chose…Donc résumons je vis une scène dont je ne connais pas l’origine dont je ne connais pas les acteurs dont je ne connais rien si ce n’est cette porte…et une mère qui ne s’en rappelle plus…Lorsque j’aperçois ma génitrice, je ne pense qu’à cette porte, elle n’est pas ouverte elle n’a jamais été ouverte cette porte est restée fermée avec d’un côté ma mère qui pleure et moi de l’autre côté qui pleure également. ..Ma mère n’a pas de souvenirs de cette histoire, elle n’en a pas…ou alors elle fuit encore quelque chose qui la dépasse ou la peur de souffrir encore inutilement sur passé qu’elle veut oublier et dont je lui demande de s’en souvenir…
Ou alors…Ou alors…j’ai construit cette haine pierre après pierre sur un cauchemar…un horrible cauchemar qui m’a fait cette cicatrice indélébile…je n’ai pas le droit de douter de ce que j’ai vécu…Alors pourquoi ne m’a-t-elle jamais réconforté
afin que je l’oublie…jamais assez réconforté pour qu’il ne reste que le cauchemar d’une nuit et non de la vie.. ;de ma vie…de notre vie…Je ne peux déconstruire cette haine sur le doute que je ressens aujourd’hui….elle dit ne pas avoir connu ces moments qui ne furent pas un instant mais des instants des heures…surement dehors il faisait nuit n’étions-nous pas encore dans l’autre ville mais dans la première où ma mère apprit le décès de mon père…alors étais-je encore un bébé sur lequel s’est gravé ces moments horribles…personne ne songeant que je m’en rappellerais des années après que je n’en ai jamais été consolé car ils comptaient sur l’oubli…
(En fin de compte il s’endormit sans penser qu’il allait être reposé lorsqu’il se réveillera).
Acte III Scène I
(La mère est dans la cuisine, elle prépare le déjeuner.)
La mère : Il a dormi. Il a pleuré mais il a dormi…je n’ai pas pleuré mais je n’ai pas dormi…je ne peux pleurer ce dont je ne me souviens plus…ce dont je doute de l’existence…je ne peux m’excuser pour quelque chose qui ne m’appartient pas…cette haine est la sienne et je ne peux pas la faire mienne…Il se débat et il ne veut pas s’en sortir…s’en sortir serait de me pardonner ce que je n’ai peut-être pas fait…ce que nous n’avons jamais vécu ni l’un ni l’autre…Nous devrions confronté nos amnésies afin de savoir qi nous sommes tombés dans le même trou…J’ai survécu à l’incendie de l’immeuble…J’ai survécu à sa tentative de meurtre…j’aurais pu lui en vouloir mais j’ai compris pourquoi il avait fait…pourquoi il m’a haï à cet instant suffisamment pour tenter de me tuer…D’ailleurs je n’étais qu’à peine en vie…J’ai toujours voulu vivre près de lui sans le voir sans lui parler de loin comme un danger que je garde à l’œil…pour ne pas l’avoir dans le dos…Mais je veux encore tenter de croire que nous serons apaisé à un moment ou à un autre…Il ne pourra pas être indifférent à ma mort…le lien est fort…le lien maternel est terriblement fort il m’enserre maintenant que je suis devenue mère parce que la mort s’approche qu’elle me tient presque la main…je tente de la faire patienter mais elle devient véritablement une ombre qui ne me lâche pas…(elle se tourne vers la porte)…Allez rentre …Lui il a pu expliquer vous expliquer ce qu’il a ressenti ce qu’il a vécu ou penser qu’il a vécu…Mais qui puis-je si je n’ai pas vécu pareil au même niveau ou dans le même espace…ce que j’ai pu vivre je l’ai pleuré peut-être ce jour ou les suivants…L’ai-je exclu de mes pleurs ? Et pourquoi pas ? Pourquoi si je ne l’aimais pas je l’aurais introduit dans les mêmes douleurs que les miennes…Et qu’étaient-elles ? Je ne m’en souviens plus…Devrais-je m’en souvenir pour me rapprocher de nouveau de celui dont je n’ai jamais réellement voulu l’approche…Je ne voulais pas être proche de lui il n’était pas l’enfant que l’on peut rêver d’avoir…Il est le miroir qui m’a renvoyé cette image que je ne voulais jamais voir…L’image de celle que j’étais qui fuyait…qui était toujours de dos...Je l’ai aimé comme celle qui ne pouvait aimé quiconque ou personne…L’autre enfant n’a jamais eu aucun poids sur ma vie…il ne s’occupait que de la sienne…il ne m’imposait que ce que je voulais accepter qu’il m’impose…Nous ne nous sommes jamais aimés comme une mère aime un enfant…par contre nous nous sommes toujours opposé comme les amants se disputent sur l’avenir de leur non-couple…Pour mon salut, hypothétique, soyons franche, j’y crois comme je ne veux plus croire à la peur…Pour mon salut hypothétique, je supplie un rapprochement qui me déchire et qui véritablement m’indispose ne m’intéresse pas…je fais semblant pour tromper un œil qui ne l’ai jamais trompé qui voit tout qui comprend…Qui trompe-je dans ce jeu absurde ? Personne même pas moi mais il semble que je ne puisse faire autrement…Il semble que ma route que toutes les routes peut-être ont cette trajectoire et que quel que soit le caractère la force de caractère ou la mauvaise foi ou rien ou tout, on ne peut y échapper…On est obligé de s’y astreindre sans chance d’y échapper…Il approche et je ne veux pas qu’il me voit et pourtant et pourtant, je vais le supplier d’entrer et de s’asseoir afin de tenter de parler de ce que je ne me souviens plus…de ce qui fut non seulement ma douleur mais aussi la sienne que je m’autorise pas à lui offrir une
explication ou un repentir ou une bribe de souvenir…Tout est devenu stérile je rejette involontairement mais avec d’autant plus de violence ce passé que je n’ai jamais aimé dont je ne veux pas m’encombrer et qui pourtant devrait être ce qui va m’apaiser au dernier moment…Le voilà…Le drame le drame qui ne se dénouera jamais c’est que je ne peux lui offrir quoique ce soit puisque je ne veux pas me souvenir…Feindre…
L’homme : (il entre dans la cuisine et s’arrête dès qu’il aperçoit la mère. Il va pour faire demi-tour.)
La mère : Ne pars pas…entre…et assoies toi, je t’en prie…parlons…
L’homme : De quoi veux-tu parler ? De ce que tu fuis ce passé que tu n’aimes pas parce qu’il est ta personne il est ton caractère il est ce que tu fus et ce que tu es devenue…Je ne peux t’aider puisque toi tu refuses de m’aider…Je vais donc repartir sans n’avoir aucune réponse…tu vas partir également définitivement sans que l’on se soit réconcilié sur un passé rejeté sur un néant donc sur ce vide qui a été notre relation ce qui a soudé à nos pas ce rejet mutuel…Le tien fut le premier le géniteur de celui que je te jettes au visage aujourd’hui…
La mère : Demain je serais morte et mon cadavre sera à jamais ce que tu verras au moment de ton départ.
L’homme : L’ai-je dit assez ou trop que jamais tu ne mourras assez pour que jamais je ne puisse dire au monde que je ne t’ai jamais connu que je fus un enfant issu de quelque humaine qui ne m’a donné ni passé ni futur et qui ne m’aura jamais donné de l’amour…Même le nom n’est pas le sien…Elle n’aura donc aucune existence dans une mémoire qui se veut sélective…Demain je constaterais ta mort et ce serait le début d’une autre naissance…Bonne nuit.
(Il sortit sans se retourner.)
La mère : (Elle le regarda partir sans tenter de le retenir).Voilà…tout est dit…Et le silence se fera…Je vais aller m’allonger et tout ce parcours se terminera cette nuit…
(Le lendemain, l’homme entra dans la chambre de la mère non sans avoir frappé à la porte comme pour vérifier qu’on ne lui demandera jamais d’entrer. Il s’approcha du corps. Il aperçut sur le visage une terrible grimace. Comme prévu, comme espéré, la mort fut douloureuse, désespérée, non apaisée. Il retint un sourire. Il s’assit à côté d’elle et passa quelques heures à la regarder. Il voulait inscrire ce souvenir dans la mémoire qu’il effacera rapidement dès qu’il sortira de la maison. Il n’ira pas à l’enterrement. L’adieu se fera à cet instant. Il se leva sans se presser. Il referma la porte derrière lui. )
…
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