samedi 28 octobre 2023

Michel Surya : « La révolution rêvée »

 


 

Il parle de l’Histoire :

 

« Qu’elle n’ait qu’un sens, qu’elle puisse n’en avoir qu’un, c’est à quoi se tiennent tous ceux qui l’embrassent, qu’ils l’embrassent sous sa forme dogmatique – le communisme – ou qu’ils en embrassent les diverses hérésies. L’Histoire n’a qu’un sens, disent en somme les uns et les autres, quoique le sens qu’elle a n’engage pas chacun de la même façon. Autrement dit, quoiqu’elle ne les entraine pas pareillement à consentir aux formes de l’observance qu’elle appelle. Les communistes sont des religieux de stricte observance ; les autres, non. Aux premiers, il est beaucoup demandé ; aux seconds, peu. Sur les premiers, règne un appareil doctrinal inspirant la crainte ; des seconds, on n’a jamais vu qu’ils fussent plus que les doctrinaires accommodants de leur propre expérience.

Et cette différence a un sens considérable : en effet, s’il a été possible de parler de religion, s’agissant du communisme, ce n’est pas tant parce que le communisme a voulu faire de ceux qui le revendiquaient des coreligionnaires, que parce que ceux qui le revendiquaient voulaient ne pas revendiquer moins que la règle des religions. On a beaucoup dit que les partis communistes furent intraitables ; ils l’étaient sans doute. On n’a pas assez dit cependant que, longtemps, il y eut peu de communistes à vouloir qu’il en fût autrement. Le parti exigeait-il qu’on se donnât sans réserve à lui ? Sans doute, mais c’est sans réserve que ce sont spontanément donnés à lui tous ceux qui l’ont rejoint. Si parler de religion a du sens dès lors, c’est en cela : on a vu les intelligences les meilleures faire le sacrifice d’elles-mêmes, non pour que le communisme devînt lui-même intelligent, mais pour que l’intelligence intrinsèque et suréminente du communisme ne les exclût pas du salut qu’il promettait. »

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