lundi 27 avril 2020

Le journal d'une femme de chambre Par Octave Mirbeau





« ce qui rend ce désordre social encore plus injustifiable, et partant inacceptable, c'est que les prédateurs et les parasites qui tiennent le haut du pavé, bien loin d'être les meilleurs et les plus méritants, comme le proclament les darwiniens apologistes du libéralisme économique, tels que Leroy-Beaulieu, nous donnent le piteux exemple d'êtres qui ne se définissent que négativement, par l'absence de toute sensibilité, de toute émotion esthétique, de toute espèce de conscience morale, de spiritualité et d'esprit critique. »

« En posant de la sorte le problème social de la servitude domestique de la belle époque, Mirbeau espère peut-être aider les opprimés à prendre conscience de leur misérable condition, quoique sans la moindre illusion sur leurs capacités d'action collective, mais il entend surtout susciter dans l'opinion publique un scandale tel qu'il oblige les gouvernants à intervenir pour mettre un terme à cette turpitude permanente. »

« Tout d'abord, l'image y est donnée de la gent domestique n'a rien de gratifiant pour elle et ne lui laisse guère entrevoir des lendemains qui chantent. Atomisés, et de surcroit conditionné par leurs maitres et leurs complices ensoutanés, qui oblitèrent leur conscience de classe, les « gens de maison », comme on les appelait, empruntent aux nantis leurs vices et leurs préjugés, et sont majoritairement réactionnaires, à l'instar de Joseph ou de William. Au lieu d'unir leurs forces contre l'ennemi commun, ils passent une bonne part de leurs temps à se jalouser et à se tirer dans les pattes, amoindrissant ainsi les potentialités de résistance. La haine de ceux qui leur sucent le sang, au lieu d'être le moteur d'une lutte émancipatrice et de déboucher sur une révolte collective, est soigneusement refoulée, par peur de perdre un emploi précieux, ou, on l'a vu, s'effiloche en de symboliques vengeances, comme celle dont on se gargarise Célestine. Comme le dit le misérable jardinier qu'elle croise, ils n'ont « de courage que pour souffrir ». »

« Si tu veux devenir vraiment un homme du monde, apprends d’abord à être un imbécile ou à te taire… »



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