Cet
ouvrage a été attribué à Bakounine alors qu'il semblerait que le
véritable auteur de ce fascicule soit Netchaiev.
Je
vais vous retranscrire cet ouvrage entièrement.
Principes
généraux
Négation
de l'existence d'un Dieu réel, extra mondial, personnel, er par
conséquent aussi de toute révélation et de toute intervention
divine dans les affaires du monde et de l'humanité. Abolition du
service et du culte de la divinité. Remplaçant le culte de Dieu par
le respect et l'amour de l'humanité, nous affirmons la raison
humaine, comme critérium unique de la vérité ; la conscience
humaine, comme base de la justice ; la liberté individuelle et
collective, comme unique créateur de l'ordre de l'humanité. La
liberté, c'est le droit absolu de tout homme ou femme majeurs, de ne
point chercher d'autres sanctions à leurs actes que leur propre
conscience et leur propre raison, de ne les déterminer que par leur
volonté propre et de n'en être par conséquent responsables que
vis-à-vis d'eux-mêmes d'abord, et ensuite vis à vis de la société
dont ils font partie. Il n'est point vrai que la liberté d'un homme
soit limitée par celle de tous les autres. L'homme n'est réellement
libre qu'autant que sa liberté, librement reconnue et représentée
comme par un miroir par la conscience libre de tous les autres,
trouve la confirmation de son extension à l'infini dans leur
liberté. L'homme n'est vraiment libre que parmi les autres hommes
également libres ; et comme il n'est libre qu'à titre
d'humain, l'esclavage d'un seul homme sur la terre, étant une
offense contre le principe même de l'humanité, est la négation de
la liberté de tous. La réalisation de la liberté dans l'égalité
du droit et du fait est la justice. Il n'existe qu'un seul dogme,
qu'une seule loi, qu'une seule base morale pour les hommes, c'est la
liberté.
Respecter
la liberté de son prochain, c'est le devoir ; l'aimer, l'aider,
le servir, c'est la vertu. Exclusion absolue de tout principe
d'autorité et de raison d'état. -La société humaine ayant été
primitivement un fait naturel, antérieur à la liberté et au réveil
de l'humaine pensée, devenue plus tard un fait religieux, organisé
selon le principe de l'autorité divine et humaine, doit se
reconstituer aujourd'hui sur la base de la liberté, qui doit devenir
désormais le seul principe constitutif de son organisation politique
aussi bien qu'économique. L'ordre dans la société doit être la
résultante du plus grand développement possible de toutes les
libertés locales, collectives et individuelles. L'organisation
politique et économique de la vie sociale doit partir, par
conséquent, non plus comme aujourd'hui de haut en bas et du centre à
la circonférence par principe d'unité et de centralisation forcées,
mais de bas en haut et la circonférence au centre, par principe
d'association et de fédérations libres.
Organisation
politique
Il
est impossible de déterminer une norme concrète, universelle et
obligatoire pour le développement ultérieur et pour l'organisation
politique des nations ; l'existence de chacune étant subordonnée à
une foule de conditions historiques, géographiques, économiques
différentes et qui ne permettront jamais d'établir un modèle
d'organisation, également bon et acceptable pour toutes. Une telle
entreprise, absolument dénuée d'utilité pratique, porterait
d'ailleurs atteinte à la richesse et à la spontanéité de la vie
qui se plaît dans la diversité infinie et, ce qui plus est, serait
contraire au principe même de la liberté. Pourtant il est des
conditions essentielles, absolues en dehors desquelles la réalisation
pratique et l'organisation de la liberté seront toujours
impossibles. Ces conditions sont : L'abolition radicale de toute
religion officielle et de toute Église privilégiée ou seulement
protégée, payée et entretenue par l'État. Liberté absolue de
conscience et de propagande pour chacun, avec la faculté illimitée
d'élever autant de temples qu'il plaira à chacun, à ses dieux,
quels qu'ils fussent, et de payer, d'entretenir les prêtres de sa
religion. Les Églises, considérées comme corporations religieuses,
ne jouiront d'aucun des droits politiques qui seront attribués aux
associations productives, ne pourront ni hériter, ni posséder des
biens en commun excepté leurs maisons ou établissements de prière,
et ne pourront jamais s'occuper de l'éducation des enfants, l'unique
objet de leur existence étant la négation systématique de la
morale, de la liberté et la sorcellerie lucrative. Abolition de la
monarchie, république. Abolition des classes, des rangs, des
privilèges et de toutes sortes de distinctions. Égalité absolue
des droits politiques pour tous, hommes et femmes ; suffrage
universel. Abolition, dissolution et banqueroute morale, politique,
judiciaire, bureaucratique et financière de l'État tutélaire,
transcendant, centraliste, doublure et alter ego de l'Église, et
comme telle, cause permanente d'appauvrissement, d'abrutissement et
d'asservissement pour les peuples. Comme conséquence naturelle :
abolition de toutes les universités de l'État, le soin de
l'instruction publique devant appartenir exclusivement aux communes
et aux associations libres ; abolition de la magistrature de l'État,
tous les juges devant être élus par le peuple ; abolition des codes
criminels et civils qui sont actuellement en vigueur en Europe, parce
que tous, également inspirés par le culte de Dieu, de l'État, de
la famille religieusement ou politiquement consacrée, et de la
propriété, sont contraires au droit humain, et parce que le code de
la liberté ne pourrait être créé que pour la seule liberté.
Abolition des banques et de toutes les institutions de crédit de
l'État. Abolition de toute administration centrale, de la
bureaucratie, des armées permanentes et de la police de l'État.
Élection immédiate et directe de tous les fonctionnaires publics,
judiciaires et civils, aussi bien que de tous les représentants ou
conseillers nationaux, provinciaux et communaux, par le peuple,
c'est-à-dire par le suffrage universel de tous les individus, homme
et femmes majeurs. Réorganisation intérieure de chaque pays en
prenant pour point de départ et pour base la liberté absolue des
individus, des associations productives et des communes.
Droits
individuels
Droit
pour chacun, homme ou femme, depuis la première heure de sa
naissance jusqu'à l'âge de sa majorité, d'être complètement
entretenu, surveillé, protégé, élevé, instruit dans toutes les
écoles primaires publiques, secondaires, supérieurs, industrielles,
artistiques et scientifiques, aux frais de la société. Droit égal
pour chacun d'être conseillé et soutenu par cette dernière, dans
la mesure du possible, au commencement de la carrière que chaque
individu, devenu majeur, absolument libre, n'exercera plus sur lui ni
surveillance ni autorité aucune et, déclinant vis-à-vis de lui
toute responsabilité, ne devra plus que le respect et, au besoin, la
protection de sa liberté. La liberté de chaque individu majeur,
homme et femme, doit être absolue et complète, liberté d'aller et
de venir, de professer hautement toutes les opinions possibles,
d'être fainéant ou actif, immoral ou moral, de disposer en un mot
de sa propre personne ; liberté de vivre, soit honnêtement de son
propre travail, soit en exploitant honteusement la charité ou la
confiances privée, pourvu que cette charité et cette confiance
soient volontaires et ne lui soient prodiguées que par des individus
majeurs. Liberté illimitée de toute sorte de propagande par le
discours, par la presse, dans les réunions publiques et privées,
sans autre frein à cette liberté que la puissance salutaire
naturelle de l'opinion publique. Liberté absolue d'associations,
sans exempter celles qui par leur objet seront ou paraîtront
immorales et même celles qui auront pour objet la corruption et la
[destruction] [Illisible sur le manuscrit de Nettlau.] de la liberté
individuelle et publique. La liberté ne peut et ne doit se défendre
que par la liberté ; et c'est un contresens dangereux que de vouloir
y porter atteinte sous le prétexte spécieux de la protéger ; et,
comme la morale n'a pas d'autre source, d'autre stimulant, d'autre
cause, d'autre objet que la liberté, et comme elle n'est elle-même
rien que la liberté, toutes les restrictions qu'on a imposées à
cette dernière dans le but de protéger la morale ont toujours
tourné au détriment de celle-ci.
La
psychologie, la statistique et tout l'histoire nous prouvent que
l'immoralité individuelle et sociale a toujours été la conséquence
nécessaire d'une mauvaise éducation publique et privée, de
l'absence et de la dégradation de l'opinion publique qui n'existe et
ne se développe et ne se moralise jamais que par la seule liberté ;
et la conséquence surtout d'une organisation vicieuse de la société.
L'expérience nous apprend, dit l'illustre statisticien Quételet
[Bakounine avait écrit : « L'illustre statisticien français
Crételet. » En fait, il s'agit du Belge A. Quételet (1798-1831),
statisticien et sociologue.] que c'est la société qui prépare
toujours les crimes et que les malfaiteurs ne sont que les
instruments fatals qui les accomplissent. Il est donc inutile
d'opposer à l'immoralité sociale les rigueurs d'une législation
qui empiéterait sur la liberté individuelle. L'expérience nous
apprend, au contraire, que le système répressif et autoritaire,
loin d'en avoir arrêté les débordements, l'a toujours plus
profondément et plus largement développée dans les pays qui s'en
sont trouvés atteints, et que la morale publique et privée a
toujours descendu et monté à mesure que la liberté des individus
se rétrécissait ou s'élargissait. Et que, par conséquent, pour
moraliser la société actuelle, nous devons commencer d'abord par
détruire de fond en comble toute cette organisation politique et
sociale fondée sur l'inégalité, sur le privilège, sur l'autorité
divine et sur la méprise [le mépris ? » de l'humanité ; et après
l'avoir reconstruite sur les bases de la plus complète égalité, de
la justice, du travail, et d'une éducation rationnelle uniquement
inspirée par le respect humain, nous devons lui donner l'opinion
publique pour garde et, pour âme, la liberté la plus absolue.
Pourtant la société ne doit point rester complètement désarmée
contre les individus parasites, malfaisants et nuisibles. Le travail
devant être la base de tous les droits politiques, la société,
comme une province, ou nation, chacune dans sa circonscription
respective, pourra en priver [de ces droits » tous les individus
majeurs qui n'étant ni invalides, ni malades, ni vieillards, vivront
aux frais de la charité publique ou privée, avec l'obligation de
les leur restituer aussitôt qu'ils recommenceront à vivre de leur
propre travail. La liberté de chaque individu étant inaliénable,
la société ne souffrira jamais qu'un individu quelconque aliène
juridiquement la liberté, ou qu'il l'engage par contrat vis-à-vis
d'un autre individu Catéchisme révolutionnaire autrement que sur le
pied de la plus entière égalité et réciprocité. Elle ne pourra
pourtant pas empêcher qu'un homme ou qu'une femme, dénués de tout
sentiment de dignité personnelle, ne se mettent sous contrat
vis-à-vis d'un autre individu, dans un rapport de servitude
volontaire, mais elle les considérera comme des individus vivant de
la charité privée et par conséquent destitués de la jouissance
des droits politiques, pendant toute la durée de cette servitude.
Toutes les personnes qui auront perdu leurs droits politiques seront
également privées de celui d'élever et de garder leurs enfants. En
cas d'infidélité à un engagement librement contracté ou bien en
cas d'attaque ouverte ou prouvée contre la propriété, contre la
personne et surtout contre la liberté d'un citoyen, soit indigène
soit étranger, la société infligera au délinquant indigène ou
étranger les peines déterminées par ses lois. Abolition absolue de
toutes les peines dégradantes et cruelles, des punitions corporelles
et de la peine de mort, autant que consacrée et exécutée par la
loi. Abolition de toutes les peines à terme indéfini ou trop long
et qui ne laissent aucun espoir, aucune possibilité réelle de
réhabilitation, le crime devant être considéré comme une maladie
et la punition plutôt comme une cure que comme une vindicte de la
société. Tout individu condamné par les lois d'une société
quelconque, commune, province ou nation, conservera le droit de ne
pas se soumettre à la peine qui lui aura été imposée, en
déclarant qu'il ne veut plus faire partie de cette société. Mais
dans ce cas celle-ci aura à son tour le droit de l'expulser de son
sein et de le déclarer en dehors de sa garantie et de sa protection.
Retombé ainsi sous la loi naturelle œil pour œil, dent pour dent,
au moins sur le terrain occupé par cette société, le réfractaire
pourra être pillé, maltraité, même tué sans que celle-ci s'en
inquiète. Chacun pourra s'en défaire comme d'une bête malfaisante,
jamais pourtant l'asservir ni l'employer comme esclave.
Droits
des associations
Les
associations coopératives ouvrières sont un fait nouveau dans
l'histoire ; nous assistons aujourd'hui à leur naissance, et nous
pouvons seulement pressentir, mais non déterminer à cette heure
l'immense développement que, sans aucun doute, elles prendront et
les nouvelles conditions politiques et sociales qui en surgiront dans
l'avenir. Il est possible et même fort probable que, dépassant un
jour les limites des communes, des provinces et même des États
actuels, elles donnent une nouvelle constitution à la société
humaine tout entière, partagée non plus en nations, mais en groupes
industriels différents, et organisés selon les besoins non de la
politique, mais de la production. Ceci regarde l'avenir. Quant à
nous, nous ne pouvons poser aujourd'hui que ce principe absolu : quel
que soit [leur] objet, toutes les associations, comme tous les
individus, doivent jouir d'une liberté absolue. La société, ni
aucune partie de la société : commune, province ou nation, n'a le
droit d'empêcher des individus libres de s'associer librement dans
un but quelconque : religieux, politique, scientifique, industriel,
artistique ou même de corruption sur elle et d'exploitation des
innocents et des sots, pourvu qu'ils ne soient point mineurs.
Combattre les charlatans et les associations pernicieuses, c'est
uniquement l'affaire de l'opinion publique. Mais la société a le
devoir et le droit de refuser la garantie sociale, la reconnaissance
juridique et les droits politiques et civiques à toute association,
comme corps collectif, qui, par son objet, ses règlements, ses
statuts serait contraire aux principes fondamentaux de sa
constitution,, et dont tous les membres ne seraient pas mis sur un
pied d'égalité et de réciprocité parfaites, sans pouvoir en
priver les membres eux-mêmes seulement pour le fait de leur
participation à des associations non régularisées par la garantie
sociale. La différence entre les associations régulières et
irrégulières sera donc celle-ci : les associations juridiquement
reconnues comme corps collectifs auront, à ce titre, le droit de
poursuivre devant la justice sociale tous les individus, membres ou
étrangers, aussi bien que toutes les autres associations régulières,
qui auront manqué à leur engagement envers elles. Les associations
juridiquement non reconnues n'auront point ce droit à titre de corps
collectifs ; aussi elles ne pourront être soumises, à ce titre, à
aucune responsabilité juridique, tous leurs engagements devant être
nuls aux yeux d'une société qui n'aura point sanctionné leur
existence collective, ce qui pourtant ne pourra ne libérer aucun de
leurs membres des engagements qu'ils auront pu prendre
individuellement. Catéchisme révolutionnaire
Organisation
politique nationale
La
division d'un pays en régions, provinces, districts et communes, ou
en départements et communes comme en France, dépendra,
naturellement de la disposition des habitudes historiques, des
nécessités actuelles et de la nature particulière de chaque pays.
Il ne peut y avoir ici que deux principes communs et obligatoires
pour chaque pays, qui voudra organiser sérieusement chez lui la
liberté. Le premier : c'est que toute organisation doit procéder de
bas en haut, de la commune à l'unité centrale du pays, à l'État,
par voie de fédération. La seconde : c'est qu'il y ait entre la
commune et l'État au moins un intermédiaire autonome : le
département, la région ou la province. Sans quoi, la commune, prise
dans l'acception restreinte de ce mot, serait toujours trop faible
pour résister à la pression uniformément et despotiquement
centralisatrice de l'État, ce qui ramènerait nécessairement chaque
pays au régime despotique de la France monarchique, comme nous en
avons eu deux fois l'exemple en France, le despotisme ayant eu
toujours sa source beaucoup plus dans l'organisation centralisante de
l'État que dans les dispositions naturellement toujours despotiques
des rois. La base de toute l'organisation politique d'un pays doit
être la commune, absolument autonome, représentée toujours par la
majorité des suffrages de tous les habitants, hommes et femmes à
titre égal, majeurs. Aucun pouvoir n'a le droit de se mêler dans sa
vie, dans ses actes et dans son administration intérieure. Elle
nomme et destitue par élection tous les fonctionnaires :
administrateurs et juges, et administre sans contrôle les biens
communaux et les finances. Chaque commune aura le droit incontestable
de créer indépendamment de toute sanction supérieure sa propre
législation et sa propre constitution. Mais, pour entrer dans la
fédération provinciale et pour faire partie intégrante d'une
province, elle devra absolument conformer sa charte particulière aux
principes fondamentaux et la constitution provinciale et la faire
sanctionner par le parlement de cette province. Elle devra se
soumettre aussi aux jugements du tribunal provincial et aux mesures
qui, après avoir été sanctionnées par le vote du parlement
provincial, lui seront ordonnées par le gouvernement de la province.
Autrement elle sera exclue de la solidarité, de la garantie et
communauté, [s'étant mise] hors la loi provinciale. La province ne
doit être rien qu'une fédération libre de communes autonomes. Le
parlement provincial comprenant, soit une seule chambre composée de
représentants de toutes les communes, soit de deux chambres, dont
l'une comprendrait les représentants des communes, l'autre les
représentants de la population provinciale tout entière,
indépendamment des communes., le parlement provincial, sans
s'ingérer aucunement dans l'administration intérieure des communes,
devra établir les principes fondamentaux qui devront constituer la
charte provinciale de devront être obligatifs (sic) pour toutes les
communes qui voudront participer au [parlement provincial] [Ici, dans
le manuscrit de Nettlau, plusieurs mots illisibles.]. [Prenant les
principes du présent catéchisme, pour base], le parlement codifiera
la législation provinciale par rapport tant aux devoirs et aux
droits respectifs des individus, des associations et des communes,
qu'aux peines qui devront être imposées à chacun en cas
d'infraction aux lois par lui établies, laissant pourtant aux
législations communales le droit de diverger de la législation
provinciale sur des points secondaires, mais jamais dans la base ;
tendant à l'unité réelle, vivante, non à l'uniformité, et se
confiant, pour former une unité encore plus intime, à l'expérience,
au temps, au développement de la vie en commun, aux propres
convictions et nécessités de la commune, à la liberté en un mot,
jamais à la pression ni à la violence du pouvoir provincial, car la
vérité et la justice même, violemment imposées, deviennent
iniquité et mensonge. Le parlement provincial établira la charte
constitutive de la fédération des communes, leurs droits et leurs
devoirs respectifs, ainsi que leurs devoirs et droits vis-à-vis du
parlement, du tribunal et du gouvernement provinciaux. Il votera
toutes les lois, dispositions et mesures qui seront commandées, soit
par les besoins de la province tout entière, soit par des
résolutions du parlement national, sans perdre jamais de vue
l'autonomie provinciale ni l'autonomie des communes. Sans jamais
s'ingérer dans l'administration intérieure des communes, il
établira la part de chacun, soit dans les impôts nationaux, soit
dans les impôts provinciaux. Cette part sera répartie par la
commune elle-même entre tous ses habitants valides et majeurs. Il
contrôlera enfin tous les actes, sanctionnera ou rejettera toutes
les propositions du gouvernement provincial, qui sera mutuellement
toujours électif. Le tribunal provincial, également électif,
jugera sans appel toutes les causes entre individus et communes,
entre associations et communes, entre communes et communes, et en
première instance toutes les causes entre la commune et le
gouvernement et le parlement de la province. La nation ne doit être
rien qu'une fédération de provinces autonomes. Le parlement
national comprenant, soit une seule chambre composée des
représentants de toutes les provinces, soit deux chambres dont l'une
comprendrait les représentants des provinces, l'autre les
représentants de la population nationale tout entière
indépendamment des provinces, le parlement national, dans s'ingérer
aucunement dans l'administration et dans la vie politique intérieure
des provinces, devra établir les principes fondamentaux qui devront
constituer la charte nationale et qui seront obligatoires pour toutes
les provinces qui voudront participer au pacte national. Le parlement
national établira le code national, laissant aux codes provinciaux
le droit d'en diverger sur les points secondaires, jamais sur la
base. Il établira la charte constitutive de la fédération des
provinces, votera toutes les lois, dispositions et mesures qui seront
commandées par les besoins de la nation tout entière, établira les
impôts nationaux et les répartira entre les communes respectives,
contrôlera enfin tous les actes, adoptera ou rejettera les
propositions du gouvernement exécutif national qui sera toujours
électif et, à terme, formera les alliances nationales, fera la paix
et la guerre, et seul aura le droit d'ordonner pour un terme
déterminé la formation d'une armée nationale. Le gouvernement ne
sera que l'exécuteur de ses volontés. Le tribunal national jugera
sans appel toutes les causes des individus, des associations, des
communes entre [eux et la] province, aussi bien que tous les débats
entre provinces. Dans les causes entre la province et l'État, qui
seront également soumises à son jugement, les provinces pourront en
appeler au tribunal international, s'il se trouve un jour établi.
La
Fédération internationale
La
Fédération comprendra toutes les nations qui se seront unies sur
les bases ci-dessus et ci-dessous développées. Il est probable et
est fort désirable que, lorsque l'heure de la grande Révolution
aura de nouveau sonné, toutes les nations qui suivront la lumière
de l'émancipation populaire se donnent la main pour une alliance
constante et intime contre la coalition des pays qui se mettront sous
les ordres de la réaction. Cette alliance devra former une
fédération universelle des peuples qui, dans l'avenir, devra
embrasser toute la terre. La fédération internationale des peuples
révolutionnaires avec un parlement, un tribunal et un comité
directeur internationaux, sera basée naturellement sur les principes
mêmes de la révolution. Appliqués à la politique internationale,
ces principes sont : Chaque pays, chaque nation, chaque peuple, petit
ou grand, faible ou fort, chaque région, chaque province, chaque
commune ont le droit absolu de disposer de leur sort ; de déterminer
leur exigence propre, de choisir leurs alliances, de s'unir et de se
séparer, selon leurs volontés et besoins sans aucun égard pour les
soi-disant droits historiques et pour les nécessités politiques,
commerciales ou stratégiques des États. L'union des parties en un
tout, pour être vraie, féconde et forte, doit être absolument
libre. Elle doit uniquement résulter des nécessités locales
intérieures et de l'attraction mutuelle des parties, attraction et
nécessités dont les parties sont seules juges. Abolition absolue du
soi-disant droit historique et de l'horrible droit de conquête comme
contraires au principe de la liberté. Négation absolue de la
politique d'agrandissement, de gloire et de puissance de l'État,
politique qui, faisant de chaque pays une forteresse qui exclut de
son sein tout le reste de l'humanité, le force pour ainsi dire [à]
se suffire absolument à lui-même., à s'organiser en lui-même
comme un monde indépendant de toute humaine solidarité et [à]
mettre sa prospérité et sa gloire dans le mal qu'il fera aux autres
nations [Sur le manuscrit de Nettlau, « de » au lieu de « à ».].
Un pays conquérant est nécessairement un pays intérieurement
esclave. La gloire et la grandeur d'une nation consistent uniquement
dans le développement de son humanité. Sa force, son unité, la
puissance de sa vitalité intérieure se mesurent uniquement par le
degré de sa liberté. En prenant la liberté pour base, on arrive
nécessairement à l'union ; mais de l'unité on arrive
difficilement, sinon jamais, à la liberté. Et si l'on y arrive, ce
n'est qu'en détruisant une unité qui a été faite en dehors de la
liberté. La prospérité et la liberté des nations comme des
individus sont absolument solidaires, et par conséquent liberté
absolue de commerce, de transaction et de communication entre tous
les pays fédérés. Abolition des frontières, des passeports et des
douanes. Chaque citoyen d'un pays fédéré doit jouir de tous les
droits civiques et doit pouvoir facilement acquérir le titre de
citoyen et tous les droits politiques dans tous les autres pays
appartenant à la même fédération. La liberté de tous, individus
et corps collectifs étant solidaires, aucune nation, aucune
province, aucune commune et association ne sauraient être opprimées,
sans que toutes les autres ne soient et ne se sentent menacés dans
leur liberté. Chacun pour tous et tous pour chacun, telle doit être
la règle sacrée et fondamentale de la Fédération internationale.
Aucun des pays fédérés ne pourra conserver d'armée permanente, ni
d'institution qui sépareront le soldat du citoyen. Causes de ruine,
de corruption, d'abrutissement et de tyrannie intérieurs, les armées
permanentes et le métier de soldat sont [en outre] une [menace]
contre la prospérité et l'indépendance de tous les autres pays.
Chaque citoyen valide doit au besoin devenir soldat pour la défense
soit de ses foyers, soit de la liberté. L'armement matériel doit
être organisé dans chaque pays par commune et par province, à peu
près comme dans les États-Unis de l'Amérique et en Suisse. Le
parlement international, composé soit d'une seule chambre,
comprenant les représentants de toutes les nations, soit deux
chambres, comprenant l'une ces mêmes représentants, l'autre les
représentants directs de toute la population comprise par la
Fédération internationale, sans distinction de nationalité, le
parlement fédéral, ainsi composé, établira le pacte international
et la législation fédérale que lui seul aura encore la mission de
développer et de modifier selon les besoins du temps. Le tribunal
international n'aura d'autre mission que de juger en dernière
instance entre les États et leurs provinces Catéchisme
révolutionnaire respectives. Quant aux différents qui pourront
surgir entre deux États fédérés, ils ne pourront être jugés en
première et en dernière instance que par le parlement international
qui décidera encore sans appel, dans toutes les questions de
politique commune et de guerre, au nom de la fédération
révolutionnaire tout entière, contre la coalition réactionnaire.
Aucun État fédéré ne pourra jamais faire la guerre à un autre
État fédéré. Le parlement international ayant prononcé son
jugement, l'État condamné dot s'y soumettre. Sinon tous les autres
États de la fédération devront interrompre leurs communications
avec lui, le mettre en dehors de la loi fédérale, de la solidarité
et de la communion fédérale et, en cas d'attaque de sa part,
s'armer solidairement contre lui. Tous les États faisant partie de
la fédération révolutionnaire devront prendre une part active à
toute guerre que l'un d'eux ferait à un État non fédéré. Chaque
pays fédéré, avant de la déclarer, doit en avertir le parlement
international, et ne la déclare que si celui-ci trouve qu'il y a une
raison suffisante pour la guerre. S'il le trouve, le directoire
exécutif fédéré prendra la cause de l'État offensé et demandera
à l'État agresseur étranger, au nom de toute la fédération
révolutionnaire, prompte réparation. Si au contraire le parlement
jugeait qu’il n’y a pas eu d’agression, ni d’offense réelle,
il conseillerait à l'État qui se plaint de ne point commencer la
guerre, en l'avertissant que s'il la commence, il la fera tout seul.
Il faut espérer qu'avec le temps les États fédérés renonçant au
luxe ruineux de représentations particulières se contenteront d'une
représentation diplomatique fédérale. La fédération
internationale révolutionnaire restreinte sera toujours ouverte aux
peuples qui voudront y entrer plus tard, sur la base des principes et
de la solidarité militante et active de la Révolution ci-dessus et
ci-dessous exposés, mais sans jamais faire la moindre concession de
principes à aucun. Par conséquent ne pourront être reçus dans la
fédération que les peuples qui auront accepté tous les principes
récapitulés [dans le présent catéchisme révolutionnaire].
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