mardi 28 mai 2019

FRANCHISME Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Mot créé par Jean Barral, directeur de la Revue L'Ecole Franchiste, défendant les thèses se rattachant à « l'ordre naturel de l'économie sociale ». Cet « ordre naturel de l'économie sociale » se base sur l'introduction du sol, du numéraire (monnaie) et du commerce francs, connus sous les lettres lapidaires de F.F.F. F.F.F. - Sol franc, Monnaie franche, Economie (commerce) franche. INTRODUCTION. - La question sociale ou de l'exploitation. Demandez aux individualistes, anarchistes, communistes ou même aux bourgeois, ce qu'ils entendent par réformes sociales, et votre analyse de fond découvrira qu'ils renonceraient volontiers (à part les fanatiques) à leurs revendications de titre, pourvu que soient réalisées leurs exigences économiques. Intuitivement ils se rendent compte que ce sont ces exigences économiques qui forment la pierre fondamentale de leur « milieu ». Les sociologues qui n'apportent pas leur attention primordiale à l'égoïsme naturel de l'homme et, par extension, de la masse, font fausse route. Dans cet égoïsme naturel de l'homme sont comprises toutes ses aspirations. Elles sont en tout premier lieu des aspirations ou besoins physiologiques primordiaux, tels que : satisfaction sexuelle, manger, boire et dormir. Viennent ensuite les besoins que crée et développe la civilisation à différents degrés. Dans notre économie sociale capitaliste - et les révolutionnaires ne s'en rendent généralement pas assez compte - nous jouissons de toutes les libertés imaginables, pourvu que nous possédions les moyens de les « payer » (Quand la bourse est vide, c'est alors qu'on pousse le cri de liberté!). C'est ça que sentent instinctivement les prolétaires (c'est-à-dire les exploités, travailleurs de n'importe quel métier), sans s'en rendre compte au juste, et de là leur pensée, leur esprit « capitalisé ». Il n'y en a que fort peu ayant saisi la question de l'exploitation dans ses vraies causes. Ce sont aussi les seuls qui sauront montrer le bon chemin pour l'avènement de la société en accord avec nos tendances anarchiques naturelles. Les milieux dits avancés stigmatisent le programme capitaliste par : exploitation de l'homme par l'homme. La première question à solutionner reste donc toujours : comment, par quoi et quand se fait-elle, cette exploitation? Ensuite, quels sont les meilleurs moyens pour anéantir les causes de l'exploitation et comment devra être le système économico-social naturel? Car un tel système doit garantir des bases égales de lutte pour la vie, enfin la libre concurrence pour tous. Cette société nouvelle portera inscrit sur son seuil : « A chacun selon ses efforts ». Exploitation et revenu sans travail sont synonymes. Là où il n'y a pas d'exploitation il ne peut y avoir de revenu sans travail et inversement. Ce revenu du travail est une partie frustrée (50 % jusqu'à 75 % et plus suivant les périodes de hausse ou de baisse économiques) sur le revenu intégral du travail. C'est sur le pourcentage de ce prélèvement qu'on pourra mesurer, pour ainsi dire, la somme de misères des classes laborieuses. La question du revenu du travail est l'être ou le non être de l'exploité. Mais peut-on mesurer et fixer le revenu intégral du travail? Certes, c'est par le libre jeu de l'offre et de la demande que se fixera et se mesurera librement et individuellement ce revenu intégral. Dans la société (économie) capitaliste, la concurrence libre n'existe pas, et c'est pourquoi il y a exploiteurs et exploités. Le revenu du travail n'est ni le produit du travail (machine, pièce détachée, labourage, écrit, musique, etc.), ni le numéraire ou la monnaie en compensation de ce travail. Le revenu intégral ou partiel du travail est la quantité de produits qui peuvent être utilisés, consommés en échange du travail fourni. Ce n'est donc pas le produit du travail qui intéresse l'ouvrier en général, vu qu'il ne saura l'utiliser directement (à part peut-être le produit agricole), et le salaire n'est pas, non plus, le revenu du travail, puisque les prix des marchandises sont variables. Si tous les produits que nous consommons ou utilisons (et ils passent par une foule de manipulations partielles : à la mine, à la fabrique, au transport, à la vente, etc.), n'étaient vendus qu'au prix comprenant uniquement les salaires pour les travaux multiples exécutés à la confection, vente, etc., de ceux-ci, nous n'aurions plus à subir d'exploitation, vu que nous payerons alors seulement les travaux effectivement rendus, et tout travail vaut salaire ou compensation. Cependant nous payons bien plus et nous subissons l'exploitation. Donc nous devons analyser le prix des produits, à savoir si, en dehors des salaires de travail, y sont contenus d'autres éléments. Pour répondre à cette question il nous faut partir, non d'un individu isolé, mais de la collectivité des producteurs, respectivement de la totalité du revenu collectif. Maintenant il s'agit de connaître les lois qui régissent la répartition du produit intégral de l'économie sociale, afin de savoir qu'elles peuvent être les déductions en dehors des salaires effectifs. Les lois de la répartition du produit collectif dépendent des trois facteurs principaux de l'économie sociale, à savoir : a) Sol et sous-sol, y compris les matières premières ; b) Capital (monnaies, moyens d'échange, de production, etc.) ; c) Travail. Nous savons maintenant que le produit se réalise par l'entente de ces trois facteurs et nous allons aussi comprendre plus loin que le marxisme, dont se réclament, directement ou indirectement, presque tous les socialistes, est sur une fausse route. Aussi, l'hypothèse bien marxiste de ce que le capitalisme était à son apogée, qu'il se tuait soi-même, qu'il disparaîtrait de par la loi inhérente en lui, etc., est absurde. Ce capitalisme ne nous causerait probablement, à l'heure actuelle, plus de souci, si Marx avait eu raison. Le fait est le contraire : le capitalisme est aujourd'hui plus puissant que jamais et les crises économiques et politiques ont plutôt l'air de le rajeunir et de le fortifier. Donc, le partage de la production collective se fait par ces trois facteurs : 1. Sol et sous-sol..... Rente foncière 2. Capital ................ Intérêt sur le capital
3. Travail................. Salaire La production sociale totale doit donc laisser deux parts aux éléments improductifs qui sont : 1°) La rente foncière que perçoivent les propriétaires du sol et du sous-sol ; 2°) L'intérêt sur le capital, que perçoivent les détenteurs du capital et seulement une part reste à la disposition du travail productif. Cette troisième part (revenu par le travail) de la production totale ne se partage pas plus équitablement entre les travailleurs (producteurs), car le partage est faussé par le système même qui a créé le « monopole » de l'éducation, la douane et tant d'autres restrictions artificielles à la libre concurrence. Le droit arbitraire de disposer des richesses du sol et du sous-sol, enfin des richesses naturelles et du capital (prélèvement d'intérêt), donne aux propriétaires de ces deux facteurs économico-sociales le pouvoir sur tout ce qui dépend de l'économie à base de division du travail. Le travail peut se faire seulement quand le sol (et sous-sol) et le capital le permettent. Cette permission est la réalisation du revenu sans travail (rente foncière et intérêt sur capital), mais aux dépens de revenu par le travail. Rien n'échappe, tout doit payer son tribut, l'Etat lui-même, le consommateur, le producteur, enfin tout. Ce que représentent les tributs réclamés par le rentier et le capitaliste est mis en lumière par ces quelques considérations et exemples : le sol et sous-sol avec ses richesses naturelles appartiennent à tous les hommes sans exception, car ils ne sont pas créés par eux et ainsi leur bien propre ; mais ils leur sont laissés naturellement et « pour rien » de par la Nature (je ne veux pas discuter ici la valeur du terme « Nature », sans importance pour la question). Le prix que l'homme paye pour le sol ou le sous-sol à un prétendu propriétaire représente la « rente foncière capitalisée », de même aussi le loyer, etc., pour l'exploitation du sol et des matières premières. Le « prix » d'une propriété se base sur le calcul suivant : Exemple : Revenu annuel sans travail (rente foncière) : 15.000 francs. Taux d'intérêt : 5 %. Prix du terrain : 15.000 x 100 : 5=300.000 francs. Ou inversement, lorsqu'il faut payer une propriété 300.000 francs le successeur prendra le taux d'intérêt du jour, dans ce cas 5 %, et saura que le terrain, etc., doit rapporter 15.000 francs de revenu sans travail, en dehors du travail productif qu'il y rendra ou fera rendre. La propriété lui doit représenter une sorte de banque, où, son capital de 300.000 francs déposé, lui sont garantis les mêmes 15.000 francs, augmentés de 5 %. De là aussi l'interchangeabilité du sol et du capital. Les banques, par exemple, prennent le plus volontiers des sûretés foncières. Le capitaliste prête son argent (capital-monnaie) à l'économie sociale quand il rapporte, c'est-à-dire quand le taux d'intérêt du jour (qui sera toujours aussi haut que le marché le permet) lui est garanti (y compris les dividendes ou l'intérêt hypothécaire), sans cela il se retire et les travaux (la production) ne se font pas. Un autre exemple probant est fourni par les loyers des demeures qui se composent généralement de 4/5 de rente foncière et d'Intérêt sur capital et 1/5 seulement est affecté par l'usage et suffirait à la restitution des salaires et matériaux. A noter que, la restitution faite, elle sera liquidée et ne resteront plus que les frais occasionnés par la détérioration naturelle ; mais la rente foncière et l'intérêt sur capital continuent leur vie parasitaire. Le fait le plus probant vient encore : Prenez n'importe quel pays en exemple et voyez quelle est l'évaluation de la fortune nationale. Quelle soit par exemple de 500.000 millions de francs « or », si vous préférez. Et maintenant? C'est facile, au taux d'intérêt de 5 % (le soi-disant taux normal, puisque assez constant depuis des siècles) nous trouvons qu'annuellement les travailleurs, sans exception, doivent laisser de leur revenu du travail 25.000 millions « or » en forme de rente foncière et d'intérêt sur capital, c'est-à-dire cette somme formidable est contenue dans les prix des marchandises et directement payée par les consommateurs, dont font partie en nombre infime et avec une consommation minime (quoique relativement très grande) les classes des exploiteurs. Ce n'est pas tout : dans l'espace de tous les 20 à 25 ans, tous les ouvriers (manuels et de tête) doivent produire à nouveau aux capitalistes et rentiers fonciers la fortune nationale entière, c'est-à-dire : fabriques, maisons, chemins de fer, vaisseaux, mines, enfin tout. Encore si ce n'était que cela! Ces sommes formidables de revenu sans travail ne sont rien contre l'autre côté du mal que font le rentiérisme et le capitalisme à l'économie sociale tout entière. Car pour qu'ils puissent se maintenir ils ont besoin d'une armée constante de sans-travail (chômeurs) qui maintiennent, par leur seule présence, les salaires au niveau voulu ; ils ont besoin que l'économie sociale côtoie toujours les crises économiques ou qu'elle s'y engouffre. Si l'on compte un peu ce que peut être la quantité d'objets utilisables dont la production a été empêchée, la somme de bienêtre perdue par les crises économiques chroniques ou aiguës, les frais énormes (inclus dans les prix des marchandises) occasionnés par les difficultés faites à l'échange des produits, alors nous aurons une idée des méfaits du capitalismerentiérisme. Jamais encore il n'y a eu « surproduction »! Ceux qui prétendent cela sont ou bien des ignorants ou des « intéressés »! Quand le dernier des hommes a-t-il pu satisfaire tous ses besoins (seulement matériels) et même davantage? Alors ?... Le progrès vers la lumière, vers le bien-être, vers la liberté et l'âge noir de l'homme primitif, l'ignorance et la misère, balancent autour de l'état économique de l'humanité. La production sans frein, toujours croissante, c'est la mort du capitalisme. Wenn alle Raeder laufen, muss das Kapital ersaufen ! - Quand toutes les roues marcheront, les capitalistes (le capitalisme) se noieront !
C'est au génial Silvio Gesell que nous devons enfin la connaissance parfaite des causes de l'exploitation. Nous savons maintenant qu'elle a sa source dans le capital primitif (capital par excellence) et dans la propriété privée du sol et du sous-sol. Mais Silvio Gesell nous a donné un cadeau encore plus précieux, le plus précieux que l'humanité puisse désirer : ce sont les moyens pour rendre impossible à jamais l'exploitation et pour donner un nouvel essor à la production humaine, voire à son ascension vers ses plus chers idéaux. Qu'est-ce que c'est qu'une invention, si le capital et le sol refusent leur concours? Que sont les aspirations humaines dans le domaine intellectuel, moral ou matériel, si capitalisme et rentiérisme n'y voient leur intérêt ou qu'ils y risquent la peau? Les théories F.F.F. de Silvio Gesell peuvent se résumer à peu près en ces deux grandes lignes : 1°) Abolition de l'exploitation par intérêt sur capital et les profits de hausse et de baisse, en introduisant la monnaie franche, liée à une cotisation stable. Cette dernière travaillera de concert avec une Société Internationale de Change (cotisation). - (I.V.A. ou International Valuta Association) ; 2°) Abolition de l'exploitation par la rente foncière privée en déchirant les titres de propriété arbitraire sur le sol, le sous-sol et leurs richesses naturelles (non créées par l'homme), c'est-à-dire en faisant la terre franche. Avec ces deux lignes vont de pair le commerce libre et la dissolution de l'Etat (comme résultantes) et, comme conclusion : expansion et appréciation de l'individualité ; liberté du domicile (aller et venir franc), concurrence libre sur des bases égales pour tous : « A chacun selon ses efforts! » LA MONNAIE FRANCHE. - Le problème de la monnaie et sa solution. L'économie primitive (producteur et consommateur en la même personne) ne permettait guère de satisfaire des désirs outre les besoins vitaux primordiaux. En faisant lentement place à l'économie à base d'échange, le travail et les produits devenaient un objet de commerce. Tant que l'écoulement des produits devait s’opérer directement par échange entre consommateur et producteur à la fois, il y avait encore énormément de frein à l'évolution humaine. L'usage d'un moyen d'échange conventionnel a donné du coup un essor vigoureux au développement humain et a permis d'accomplir ce que l'économie primitive ne pouvait faire et ce que l'échange direct ne faisait encore possible qu'en partie infime. Point de culture, aucun progrès humain sans division du travail : point de division du travail sans monnaie (moyen d'échange!), et j'ajoute : plus ce moyen d'échange reste neutre, c'est-à-dire limité dans ses fonctions désignées, davantage aussi s'assurera le bien-être du producteur. Nous nous servons actuellement de la monnaie métallique et en papier que l'Etal déclare comme tel et qu'il protège contre les falsifications. C'est une erreur de croire que la monnaie soit « couverte » ou « garantie » en or. Cette prétendue « sûreté métallique » est un vaste bluff. L'unique sûreté de la monnaie est et reste sur le marché des produits, où l'on peut échanger (acheter) ce numéraire contre des marchandises (objets utilisables). Si la sûreté mercantile (des produits) vient à faire défaut, la meilleure des cotisations en or ne pourra nous servir de quelque chose. Des équivalents de monnaie (chèque, traite, etc.) se basent eux-mêmes sur la monnaie et n'ont pas du tout les avantages d'une circulation directe de monnaie. Ce qui intéressera le travailleur quant à son budget, ce sera le prix moyen des marchandises (nombre, indice ou index), duquel il peut partir pour savoir si son revenu du travail s'est amélioré ou non. En temps de hausse la production va en s'intensifiant, les prix montent et les fabricants et commerçants ont confiance et tout le monde trouve un gagne-pain. Il s'agit ici d'une hausse normale, qu'il ne faut pas confondre avec l'inflation monétaire (hausse de circulation ou de quantité monétaire) telle qu'elle a passé et passe encore sur les Etats européens. En temps de hausse, la monnaie circule plus vite, les banques ne détiennent que la quantité de monnaie indispensable ; tout le monde veut acheter, espérant de vendre mieux - on spécule ; les chômeurs deviennent moins nombreux, car la production est en mouvement ascendant. Par contre, en temps de baisse il y a chute des prix ; les banques regorgent de monnaie ; les crédits sont refusés et révoqués (méfiance commerciale) ; la monnaie circule plus lentement ; on n'achète plus (ergo on ne produit plus), car demain déjà on peut réaliser meilleur marché ; le chômage s'accentue, c'est la misère qui s'accroît. Il y a hausse quand la quantité de monnaie en circulation (monnaie métal ou monnaie papier reste, en principe, indifférent) est augmentée. Effet : prix moyen croissant. Les découvertes de mines d'or le prouvent. L'inflation, par exemple le temps des assignats ou celui d'après-guerre, où les machines à imprimer les billets de banque travaillaient jour et nuit. En Allemagne (le pays de l'inflation monétaire par excellence) où, depuis 1914 à 1923, l'office monétaire jetait de plus en plus fiévreusement de la monnaie papier en circulation, la quantité monétaire en juillet 1914 était d'environ 5.760 millions de marks, pour atteindre, fin 1923, environ 400 quadrillions (environ 70.000 millions de fois plus), pendant que les prix des marchandises montaient graduellement à environ 1 billion et demi de fois. L'accroissement des prix, plus considérable en pour 100 que celui de la quantité monétaire, était dû à la diminution graduelle de la production et avant tout à la vitesse de circulation monétaire qui allait dans l'impossible. En diminuant la quantité de monnaie disponible d'un pays, l'index diminue également ; il y a baisse. Le passé en fournit des preuves sérieuses. Le moyen-âge et le manque de mines d'argent (l'argent était alors la matière monétaire) sont inséparables. Les falsifications monétaires (Schinderlinge : pièces dont le poids en argent était moindre) des seigneurs apportèrent un relèvement ; l'époque glaciale dans la culture humaine allait se terminer. La période de 1907-1908 était caractérisée par une formidable crise économique mondiale, dont le fomenteur était Pierpont Morgan. Il avait retenu d'énormes quantités d'or monéifié et déclenché une chute de prix inquiétante. Qui de nos sociologues s'est douté, en dehors des physiocrates, que la crise économique mondiale actuelle (elle date surtout de 1920) est due à ce que l'Entente et des pays neutres ont retiré une partie de l'argent dépensé en cours de guerre? Et la politique de déflation, responsable de stabilisation? Et les Etats-Unis de l'Amérique? Le dollar-or a subi une dépréciation notable, car actuellement le nombre indice vacille autour de 150 % contre 100 % d'avant-guerre. En Allemagne, il est environ 135. Ces deux chiffres se réfèrent à l'index du commerce général, car pour l'Allemagne l'index de cherté de vie est même à 145. Consultons les statistiques des pays et nous saurons qu'elle est la baisse du bien-être en pour % moyens depuis la guerre... Mais que veut dire tout cela ?... Qu'en Amérique il faut donner en moyenne 160 dollars de ce qui coûtait avant la guerre environ 100 dollars, et ainsi de suite. Les oscillations autour du nombre indice sont la mare aux spéculants et agioteurs. Cependant ce n'est aucunement améliorer la chose que de punir ces derniers ; il suffit de changer dûment la monnaie et ils disparaîtront tout seuls, sans peine ni rien. La moindre augmentation, même en % de l'index apporte des profits fabuleux à la haute finance (voyez la fortune nationale) et des pertes égales aux travailleurs, dont le salaire ne suit pas, et de même aux créditeurs, dont la valeur intrinsèque de leur monnaie prêtée diminue. L'inflation est l'orgie des rapaces de la haute finance. Le prix de la marchandise dépend de la quantité de monnaie disponible (effectivement en circulation - la monnaie dans les coffres-forts ou bas de laine, ou l'or en bijoux, sont morts) et de la vitesse de circulation. En opérant savamment avec les deux facteurs « quantité » et « vitesse de circulation », on tient la clef des crises. Les deux facteurs peuvent opérer seuls ou en conjonction. De ce qui précède on sait que la matière (métal ou papier), dont est faite la monnaie, n'est pas l'essentiel, au contraire, c'est uniquement l'administration scientifique de la monnaie. Cependant, pour la fabrication de la monnaie, il est préférable de se servir du papier, car le métal se prête plus facilement à des usages étrangers (donc dangereux) qu'à la vraie mission du numéraire, pendant que le papier imprimé devient comme tel sans valeur. Les accapareurs de la monnaie (or, argent) faussent le marché, où marchandises et monnaie doivent s'échanger ; ils sont directement criminels pour l'économie sociale. La monnaie franche est enfin la liquidation radicale avec le système monétaire actuel, cause de toutes les misères. La monnaie franche est administrée de façon à maintenir toujours le nombre indice au même niveau. La façon pour ce faire a été indiquée déjà plus haut : réglementation scientifique de la quantité et de la vitesse de circulation monétaire. La monnaie franche est un pur moyen d'échange, donc aucun « objet de valeur », aucun « capital ». A cet effet elle a subi une dépréciation continuelle sur la « valeur nominale ». Elle n'a plus rien de supérieur quant à la marchandise qu'elle doit aider à écouler mieux. Pendant que les marchandises subissent des dépréciations de toutes sortes (elles diminuent de poids, de qualités, sont rongées, pourrissent, occasionnent des frais d'emmagasinage, etc.), la monnaie-or (monnaie capitaliste) rapporte au contraire. Avec la monnaie franche qui se déprécie lentement, mais sûrement, tout le monde, par pur intérêt (ô, comme l'égoïsme est bienfaisant !) cherchera à se procurer des marchandises (la production s'amplifiera), pour éviter la perte sur la valeur nominale de son bien monétaire. Le taux de dépréciation nominale est de 5 %, car l'histoire nous montre que ce taux de 5 % ou à peu près, a été toujours la condition capitaliste depuis de longs siècles. La forme de la monnaie franche est ou bien tabellaire (les taxes de dépréciation respectant la valeur nominale est indiquée sur le billet aux différentes dates, par exemple chaque semaine ou quinze jours), ou bien elle porte des carrés avec dates hebdomadaires ou de quinze en quinze jours, dans lesquels seront collés des timbres équivalant à la dépréciation nominale. C'est surtout l'expérience qui décidera laquelle des deux formes sera la meilleure. Le jeu des agioteurs, etc., sera fini ; qu'ils amassent la monnaie franche (ce qui ne va pas sans pertes préalables) et ils n'auront encore rien de gagné, car l'office monétaire, sous le contrôle de tous les intéressés, - et ce sont les producteurs et les consommateurs - n'aura qu'à émettre plus de monnaie ou augmenter le taux de dépréciation (ce qui accélère la vitesse de circulation). Lorsque les ennemis des producteurs, c'est-à-dire les défenseurs du revenu sans travail voudront déverser leur stock de monnaie franche, afin de déclencher une crise économique, leur tour sera déjoué, du moment que l'office monétaire retirera la quantité nécessaire de billets (le ralentissement de la circulation par baisse du taux de dépréciation agit aussi dans ce sens). Par la monnaie franche il n'y aura plus de chômeurs en dehors de ceux qui ne voudront pas travailler, et ces derniers ne pourront exister. Un autre bienfait économico-social sera l'usage de payer comptant (pour éviter la perte), rabaissant ainsi les frais de commerce et augmentant de ce fait le revenu du travail. La monnaie franche ne sera donc plus « capital » ou « moyen d'économie », mais la possibilité d'économiser ne sera pour cela point du tout enlevée, bien au contraire. Aujourd'hui l'ouvrier qui porte la moindre somme d'argent à la banque et qui reçoit de l'intérêt contre, est-ce qu'il sait qu'il vole le surplus à lui-même et aux camarades? Ne devrait-il pas le faire? L'homme est égoïste, est intéressé ; alors, inutile de le blâmer d'une qualité qui lui est naturellement innée! Oui, on peut aussi et mieux économiser en économie franche, car le revenu du travail étant intégral et les marchandises moins chères, l'on peut placer ses épargnes dans des entreprises ou bien les porter à la banque, où seront vendus des titres (obligation). Pendant que la monnaie diminue en valeur le pécule en banque gardera sa valeur nominale. Aujourd'hui on distingue à la Bourse des papiers valeur « al pari » (pair) au-dessus ou au-dessous du pair, c'est-à peut rapporter à la vente en Bourse soit 500 francs (au pair), soit moins ou plus (suivant le cours « au-dessous ou au-dessus du pair »). Le même papier peut subir d'énormes « changements de valeur ». La banque, en économie franchiste, délivrera des papiers à valeur nominale, c'est-à-dire qu'ils porteront l'intérêt du jour, mais ne baisseront jamais au-dessous de la valeur nominale, et celle-ci garde toujours sa puissance d'achat par les opérations de l'office monétaire, c'est-à-dire par le nombre indice constant. A mesure que l'économie franche sera sortie du gâchis social (dettes, etc.) occasionné par le capitalisme, à mesure baissera le taux d'intérêt pour descendre à zéro. Cela veut dire à mesure que baissera le taux d'intérêt en économie franche, à mesure augmentera la somme du bien-être des franchistes. Les sommes formidables que doivent verser annuellement les contribuables ne sont englouties qu'en infime partie (que les révolutionnaires réfléchissent bien) par l'administration, le militarisme, les constructions de voies de communications, écoles, etc. C'est le capitalisme-rentiérisme qui dévore la plus grosse part sous forme de rentes et intérêts sur capital, sur les dettes publiques, L'Etat est une bonne vache à lait et fait en même temps encore les services de garde champêtre. Et qu'est-ce que c'est que l'Etat en somme? Les dettes publiques ne sont pas à ignorer par l'économie franche, du moins tant qu'elle n'est pas générale ; mais un impôt unique dans le pourcentage nécessaire sur les valeurs mobilières y remédiera. Pour les relations internationales, il faudrait encore quelques mesures spéciales, dont se chargera l'Association internationale de cotisation, mesures très simples et efficaces, cependant, pour plus de détails, il faudrait consulter la littérature physiocrate déjà nombreuse. Je peux à peine dessiner ici le plus saillant du revenu intégral sur travail, eu égard à la place limitée d'une Encyclopédie. TERRE FRANCHE (sol et sous-sol avec richesses naturelles). L'introduction de la monnaie franche ne sera qu'une œuvre imparfaite sans « terre franche ». Le sol et sous-sol avec ses richesses naturelles est directement la seule possibilité à l'existence humaine et de ce fait nous avons comme « terriens » un droit absolu à la « terre ». Cependant le droit romain met notre existence entre les mains des propriétaires privés. Les bienfaits par la monnaie franche seront accaparés en grande partie par le rentiérisme si nous ne faisons pas table rase de ce côté-ci. La terre (à entendre tout ce qui n'est pas créé par l'homme) doit être reconnue propriété collective, avec droit absolu pour chaque humain d'en profiter. La rente foncière ne pouvant disparaître entièrement, elle sera socialisée ou collectivisée et l'exploitation du sol et sous-sol passera aux mains privées par voie d'enchère publique. La rente foncière ne peut être abolie parce que la terre est restreinte, c'est-à-dire nous ne pouvons augmenter la quantité de sol disponible. Celle-ci est régie par l'offre et la demande. La demande va naturellement en s'accentuant avec la population croissante et la rente en sera plus forte. Pour anéantir la rente foncière, il faudrait anéantir les avantages naturels des différents terrains, enfin toute culture et civilisation - c'est absurde! Si l'on ne peut détruire la rente foncière, on peut du moins lui enlever le pouvoir de rendre les hommes esclaves, justement par l'abolition de la propriété privée, en la transformant en « rente de mères ». Les mères du pays la recevront proportionnellement au nombre d'enfants qu'elles auront à élever. Ce droit de rente pour un enfant pourra aller jusqu'à l'âge de 16 ans de celui-ci. Les mères ont un droit naturel sur cette recette, vu que la naissance des enfants est le facteur qui garantit et augmente aussi la rente foncière. Les propriétaires fonciers actuels ne peuvent être punis pour leur position, car ce n'est pas eux qui ont créé cet état de chose, ils en profitent seulement. Les déshérités ne valent en rien mieux qu'eux - que feraient-ils à leur place? Il ne s'agit donc pas ici d'un vol aux propriétaires actuels au profit des autres citoyens ; ce serait changer le titre de propriété privée quant au nom du possesseur ; non, le sol franc sera constitué par voie de simple expropriation. Des obligations à valeur nominale (voir plus haut sous monnaie franche) formeront le rachat pour autant de ce que la liquidation des dettes publiques aura pu laisser. Les guerres ont toujours été de nature économique et la dernière plus encore que les autres n'a servi qu'aux appétits du capitalisme et rentiérisme. Le sol franc est la réalisation de la paix. Sans lui il n'y a pas la liberté d'aller et de venir, sans lui pas dé commerce franc (libre), parce que les douanes, les restrictions de toutes sortes en forme de passeports, droit d'importation et d'exportation, etc., etc., enfin cette affreuse protection du commerce national, etc., ne sont que des moyens qu'emploient les rentiers pour protéger et garantir leur puissance, voir : « le revenu sans travail ». Pour plus de détails, et pour approfondir les aperçus généraux ci-dessus, je renvoie à nouveau à la lecture de la littérature franchiste (physiocrate) et je peux dire que : La réalisation du revenu intégral par le travail, c'est la solution de la question sociale, il n'y en a pas d'autre.
- Charles RIST

FRANCHISE n. f. (de franc) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Sincérité, loyauté. Parler avec franchise. « La franchise est une sincérité sans voile » (Vauvenargues). La franchise est une belle qualité, surtout en notre siècle de fourberie et de mensonge, où les hommes francs deviennent de plus en plus rares. La fausseté, la dissimulation, l'hypocrisie règnent en maîtresses sur le monde, à un tel point que l'homme du peuple habitué à être trompé ne veut plus écouter celui qui lui parle loyalement et avec franchise. Le jésuitisme a pénétré partout et le mensonge a été élevé en symbole. « La fin justifie les moyens » et pour atteindre le but on n'hésite plus à mentir et à tromper. C'est le résultat de la morale bourgeoise enseignée depuis des siècles. Ce qu'il y a de plus horrifiant, c'est que des organisations d'avant-garde, des organisations se réclamant du prolétariat et faisant figure révolutionnaire considèrent également la franchise comme une faiblesse et, par leur propagande, poursuivent consciemment ou inconsciemment, une œuvre de corruption sociale. Le peuple s'apercevra-t-il, avant qu'il soit trop tard, de son erreur, et se tournera-t-il enfin vers ceux qui lui sont attachés, qui le défendent, et qui, en toute occasion, agissent avec probité et franchise?

vendredi 24 mai 2019

La guerre des mots

Des gens qui me suivent me disent que lorsque je balance sur ma page les définitions qui proviennent de l'Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure, c'est long et fastidieux.

Pourquoi le faire?

D'abord, si c'est fastidieux à lire , c'est aussi fastidieux à préparer avant de les publier. Ensuite, je lis aussi ces définitions.

Ensuite, c'est la guerre sémantique. Lorsque le président des réactionnaires appelle son livre "Révolution", ce n'est pas pour rien. Et c'est la valse des mots. On les vide de leur substance primaire pour les remplacer par les définitions que nous en donnent les publicitaires.

Qui fait encore de la politique dans le groupe de têtes que nous voyons se débattre? Aucun, chacun avance son pion pour tel ou tel groupe. Chacun est chapeauté par des pros de la com, donc  des jongleurs de mots.

C'est la "liberté" de s'aliéner à une voiture pour avoir la " liberté" de rouler.
La révolution lorsqu'un aspirateur aspire la poussière.
Les syndicats qui se battent pour défendre les salariés, deviennent pour certains d'entre eux des "partenaires sociaux" avec qui "on discute", on "co-construit".

On lisse les discours afin que les plus passionnés qui parlent avec vie et vivacité deviennent des "radicaux". Des syndicalistes véhéments deviennent des radicaux prêts à n'importe quoi, ce sont les radicaux du syndicalisme, il y a les radicaux de l'islam. etc...

Ceux qui gardent les vieux mots, (les "clients" remplacent les "usagers", ) sont des vieux  réactionnaires qui ne veulent pas de changements.

On invente des termes pour dédouaner des partis politiques peu recommandables. Le Rassemblement National, ramassis d'antisémites, nostalgiques de l'Algérie Française, monarchistes ou cathos intégristes sont l'extrême droite. Pour dédouaner ces gens qui ne méritent que la prison, et que le RN devienne un parti "républicain", on invente l'Ultra Droite, qui sont les mêmes qui votent RN.

Bref. Cette encyclopédie redonne le sens des mots et si il devait en donner un biaisé, pourquoi ne donnerait-il pas le sens qu'en donne les anarchistes.

J'en suis à la page 2634 sur 8450, ce qui veut dire qu'il m'en reste 5816. A raison de 10 mots par semaines, il me reste 581.6 semaines et à raison 52 semaines par an, il me reste 11 ans pour finir cet encyclopedie.

Donc accrochez vous!






FRACTION n. f. (du latin fractio, rupture) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Portion. Partie. La fraction est une partie d'un tout. Le centime est une fraction du franc. « Les individus, dit Lachâtre, sont des fractions souffrantes de l'humanité ». C'est justement parce que le peuple est divisé en fractions que le capitalisme qui l'exploite se permet tous les abus. Ce travail de fractionnement de la classe ouvrière est l'œuvre de la politique. C'est elle qui a divisé le prolétariat, c'est elle qui l'a fractionné afin de mieux s'en servir pour des fins inavouables. Aujourd'hui la classe ouvrière est brisée. Une fraction est organisée en France au sein de la C.G.T. (Confédération générale du Travail), une autre fraction adhère à la C.G.T.U. (Confédération générale du Travail Unitaire), et enfin une fraction adversaire de toute politique socialiste ou communiste a formé la C.G.T.S.R. (Confédération générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire). Mais la plus large fraction des travailleurs français reste inorganisée. Alors que le capitalisme, en raison même du développement économique, se centralise de plus en plus, il est pénible de constater que les classes laborieuses continuent à se déchirer au lieu de faire bloc contre l'ennemi commun. Tant que la classe ouvrière sera divisée en fractions, la bourgeoisie aura encore de beaux jours à vivre, car ce n'est que dans l'union que les travailleurs trouveront la force de vaincre.

FOYER n. m. (du latin focus) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Le foyer est le lieu, l'endroit de la pièce où l'on fait le feu. Le feu luimême. Allumer un foyer. Eteindre un foyer. Le foyer de la cheminée. Le foyer du fourneau. Par extension on donne le nom de foyer à la maison, la demeure, le domicile, l'endroit où l'on réside, le lieu où se trouve réunie la famille, ou encore à la famille elle-même. Se créer un foyer ; aimer son foyer ; être attaché à son foyer. « Que d'idées antiques et touchantes s'attachent à notre seul mot de foyer », dit Chateaubriand. C'est en effet au foyer familial qu'après une rude journée de labeur, le travailleur trouve un peu de bonheur ; c'est là qu'il se repose des fatigues et des misères de la vie, et c'est là aussi qu'il rencontre la sympathie, l'amitié et l'amour de la compagne et des enfants. L'homme n'est pas un animal solitaire, il a besoin de s'accoupler, de s'associer matériellement et sentimentalement à des êtres qui lui sont chers. Il a besoin d'une compagne, il a besoin d'un foyer. C'est au foyer qu'il partage ses joies et ses souffrances, ses espérances et ses déboires, ses désirs et ses aspirations. C'est au sein de la famille, du foyer qu'il panse les plaies douloureuses de son cœur et qu'il puise le courage nécessaire à poursuivre la lutte contre toutes les forces mauvaises qui écrasent l'opprimé. Quelle misère pour l'individu qui n'a pas de foyer et vit isolé, détaché de toute attache familiale! A l'aube de la vie, l'homme jeune peut dans une certaine mesure se passer du foyer. Le besoin d'activité, de mouvement, le désir de savoir et de connaître l'entraîne parfois hors de la maison ; mais un âge arrive où l'homme a déjà parcouru la plus grande partie de sa route et alors il est heureux de trouver un asile pour reposer sa tête et ses membres las. Certains absolutistes prétendent que le foyer familial est une entrave à la liberté. C'est une profonde erreur. Certes, les anarchistes ne sont pas sans ignorer que bien souvent le militant est déchiré entre son foyer et la lutte pour l'émancipation. Mais la cause en est l'exploitation féroce que subit la classe productrice et, si la division règne au foyer, toute la cause en incombe encore à la bourgeoisie. L'anarchiste ne conçoit pas la famille et le foyer tels que les conçoivent les ignorants imbus de préjugés et de croyances ; il a une conception particulière et libre de la vie familiale, et s'il ne peut pas toujours mettre ses principes en application, c'est que la société ne permet pas la libre évolution de l'individu. Tout se tient dans la société, qui imprime son autorité sur les moindres actes, sur les moindres gestes de la vie des hommes, et si le foyer prolétarien retentit parfois de disputes, c'est que la misère y pénètre et que l'on n'y trouve pas toujours du pain dans le buffet et du bois dans l'âtre. Sans crainte de se tromper, on peut dire que la plupart des discordes qui divisent les familles ouvrières sont d'ordre économique et puisent leurs sources dans la misère qui étreint les malheureux. Un foyer où il y a, non pas l'abondance, mais l'aisance, est un foyer heureux, car le foyer prolétarien n'est pas encore corrompu comme l'est celui de la bourgeoisie, et n'est pas constitué à la suite d'un marchandage honteux entre deux parties qui s'unissent. Mais, hélas! bien souvent, trop souvent, quand le chômage ou la maladie pénètrent dans le foyer et que les économies péniblement amassées sont englouties, lorsqu'au bien-être fait place une situation désespérée, alors tout se détache, tout se brise et le foyer est détruit. Dans une société bien organisée, d'où aura disparu l'inégalité économique, où chacun pourra travailler et consommer librement, les foyers n'offriront plus le spectacle de la désunion. Ce sera l'association d'êtres animés l'un pour l'autre de sentiments réciproques et pouvant librement se donner sans crainte de voir leur union brisée par de mesquines questions d'ordre matériel. On donne également le nom de foyer à certaines maisons où les miséreux viennent chercher un asile. Ce sont généralement des œuvres créées et soutenues par des œuvres philanthropiques, mais on sait trop que la philanthropie est une action inopérante en raison même du nombre de misères qu'il faudrait soulager en régime capitaliste. D'autre part, aucune liberté n'est tolérée au sein de ces « foyers » et il faut se soumettre, lorsque l'on y est admis, aux règlements souvent arbitraires qui régissent ces maisons. En Angleterre et en Amérique où « l'Armée du Salut » exerce une influence considérable, cette organisation protestante a créé pour les sans-familles des refuges auxquels on a donné le nom de « foyers ». Quelques-uns de ces « foyers » ont également été établis en France par la même organisation. En vérité, l'Armée du Salut est une entreprise commerciale et ses foyers ne sont en réalité que des casernes qui ne rappellent en rien la demeure familiale. Ce sont des hôtels d’un prix un peu plus modique que les autres. On emploie encore le mot foyer comme synonyme de centre actif, de siège principal : un foyer de révolte ; un foyer d'épidémie. Au théâtre, on appelle foyer l'endroit où se réunissent les auteurs, les acteurs et où sont également admis quelques privilégiés. Le foyer du théâtre ; le foyer de la danse.

FOULE n. f. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Grande multitude ; agglomération de personnes assemblées dans un même lieu et qui se pressent les unes contre les autres : « Une grande foule. Une foule énorme, compacte, considérable, innombrable. Se tirer de la foule. Se jeter dans la foule. Il y a foule à ce spectacle. Percer la foule ». Etc... Au figuré, on dit : « Une foule d'idées, d'impressions, de souvenirs ». Par extension, en parlant des choses : « Une foule de réclamations, de pétitions, de décrets, de mesures, de compétitions, d'ambitions, de plaisirs, etc., etc. » Quand le mot Foule est isolé et précédé seulement de l'article la : « la Foule », il signifie le vulgaire, le commun, la multitude, la masse, et, en argot, le populo. Il est, alors, le plus souvent, pris dans un sens péjoratif. C'est ainsi que, fréquemment, on dit : « La foule ignorante, crédule, veule, superstitieuse, servile, etc. » Que de fois j'ai entendu, en réunion publique, prononcer contre la Foule les réquisitoires les plus violents, dont l'âpreté frisait l'exagération et, partant, l'injustice! Pour l'orateur chez qui le désir de se tailler un succès l'emporte sur la volonté d'exposer et de développer une idée, une thèse ou une doctrine, c'est un procédé commode ; et celui qui, s'adressant à l'assemblée, engueule (qu'on me pardonne ce mot) les auditeurs et les traite de crétins, d'idiots, d'abrutis et de lâches, a l'avantage de se faire frénétiquement applaudir par ceux-là même qu'il accable de ses invectives. On peut même affirmer - fait étrange, mais exact - que plus ses reproches sont cinglants, plus ses insultes sont grossières, plus il est ovationné. Lorsque, prêt à l'action et pénétré de l'urgence et de la nécessité de celleci, un militant constate que la foule demeure sourde à ses appels, je conçois qu'il en ressente une profonde irritation et que, celle-ci, doublée d'une légitime indignation, lui arrache des paroles de flétrissure et des cris de réprobation. Mais est-ce à dire qu'il est juste et utile de recourir, en toutes circonstances, à propos de tout et de rien, à de tels procédés oratoires? J'ai recherché la cause de l'état d'esprit que je signale et qui est très répandu dans les milieux d'avant-garde. Cet état d'esprit procède d'un regrettable et injuste dédain de la masse, dédain qui va, chez certains, jusqu'au mépris et, chez d'autres, jusqu'à la haine. A force de répéter et d'entendre dire que la foule est ignorante, qu'elle est lâche et servile, qu'elle n'a, au fond, que le sort qu'elle mérite, on a fini par en concevoir le mépris. Découragés par les risques et les difficultés de la lutte quotidienne et, enfin, par la lenteur des résultats de la propagande, beaucoup de militants en ont trop hâtivement conclu que la foule est irrémédiablement passive, stupide et veule, et qu'il n'y a décidément rien à attendre d'elle. Je prie nos camarades de comparer nos forces à celles de notre adversaire : le Capitaliste. Pouvoir, Richesse, Presse, Ecole, Caserne, Eglise, celui-ci possède tout. Nous, nous ne possédons rien que notre profonde conviction et l'excellence de notre cause. Nous sommes une poignée, sans argent, sans situation, presque sans journaux, surveillés, traqués, persécutés, mis à l'index, marqués à l'encre rouge. Nos adversaires ont des ressources énormes, des situations de tout repos, tous les journaux à fort tirage ; ils disposent de toutes les puissances de ténèbres et de toutes les forces de mensonge, sans compter le feuilleton, le théâtre, le cinéma, le dancing et le cabaret. Nous sommes dans la situation d'un enfant de cinq ans ayant en main un mauvais pistolet de vingt sous et luttant contre un colosse armé d'une mitrailleuse. La lutte est prodigieusement inégale. Nous devrions être écrasés presque sans combat. Et, cependant, nous gagnons du terrain, lentement, péniblement, mais nous en gagnons. Et pourtant, nous entamons la masse, difficilement, insensiblement, mais nous l'entamons. Y a-t-il lieu de nous décourager, de désespérer ? Evidemment non. Je prie en outre les camarades de se livrer à un scrupuleux examen de conscience et de se demander s'ils n'ont aucun reproche à s'adresser. Chacun de nous a-t-il fait, pour la propagande, tout ce qu'il a pu faire? N'a-t-il négligé aucune occasion de s'affirmer? A-t-il, en toutes circonstances, accompli son devoir, tout son devoir? Peut-il se rendre à lui-même le témoignage que, pour éclairer cette foule à qui il ne ménage pas le reproche, pour l'éduquer, pour la convaincre, pour l'amener à nous, il a fait tout l'effort de patience, de persévérance, d'énergie et de prosélytisme dont il est capable? Enfin, est-il bien assuré que si la foule, cette foule à qui il jette si délibérément le blâme, est aussi ignorante, aussi moutonnière, aussi lâche qu'il le prétend, il ne lui en revient pas la moindre responsabilité? N'oublions pas que l'homme est ainsi bâti, qu'en présence d'un fait qui le chagrine, l'inquiète ou nuit à ses intérêts, il en cherche toujours la cause hors de luimême et qu'il ne consent à s'en accuser que lorsqu'il ne peut plus faire autrement. Gardons-nous de dédaigner, de mépriser et, plus encore, de haïr la foule. En maintes circonstances, elle a prouvé qu'elle ne méritait ni d'être haïe, ni d'être méprisée, ni d'être dédaignée ; elle a montré qu'elle valait mieux qu'on ne le croyait, qu'elle était supérieure à l'opinion qu'on avait d'elle et que, si elle a bien des défauts, elle possède aussi de précieuses qualités, de merveilleux ressorts et qu'elle est, à certaines heures, capable des élans les plus admirables et des vertus les plus fécondes. Au cours de ma vie déjà longue et fort mouvementée, j'ai observé les milieux bourgeois et les milieux populaires ; j'ai pu les comparer et je n'hésite pas à dire que les milieux bourgeois sont bien plus corrompus, hypocrites, obséquieux, lâches, cupides et méchants que les milieux populaires. Je n'hésite pas à déclarer que les masses ouvrières sont, le plus souvent, supérieures en intelligence, en activité, en courage, en solidarité, en désintéressement, à ceux qui les mènent et en ont le dédain, le mépris ou la haine. Moi, j'aime la foule parce que je sais qu'elle est la grande persécutée, l'éternelle victime. Je l'aime, parce que je sais qu'elle recèle, à son insu, d'incalculables trésors de bonté, de dévouement et d'héroïsme. Je l'aime, parce que je sais qu'un jour viendra où cette éternelle victime se révoltera et puisera dans son héroïsme et sa vaillance la force de terrasser ses bourreaux. Je l'aime, parce que je sais que, si je fais, pour l'affranchir, tout ce qu'il m'est possible de faire, c'est elle qui, bientôt, je l'espère, en s'émancipant elle-même, me libérera.
- Sébastien FAURE

FORUM n. m. (mot latin) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




A l'origine, ce mot servait à désigner toute place découverte. Par la suite, à Rome, on donna le nom de forum à la place où se dressait la tribune aux harangues et où le peuple venait discuter publiquement des affaires l'intéressant. Au forum se débattaient toutes les grandes causes politiques ou judiciaires et des tribunes s'écoulaient des flots d'éloquence. C'est au forum que les tribuns venaient tromper le peuple. C'est aussi au forum qu'on célébrait les fêtes religieuses, qu'on organisait des réjouissances et des festins publics. Le mot forum est employé aujourd'hui péjorativement pour désigner un parlement ou toute assemblée d'hommes prétendant représenter le peuple et où se discutent les affaires publiques. Il n'y a pas grand-chose de changé au point de vue politique depuis que s'est écroulée la civilisation romaine et si, dans le passé, on trafiquait et on spéculait sur la misère du peuple en pleine place publique, aujourd'hui on trafique et on spécule à l'intérieur des palais qui servent de repaires à d'audacieux parasites. Le Palais-Bourbon, le Sénat, n'ont rien à envier au Forum de l'antiquité. Les parlements modernes ne sont que des Forums où tout se vend, où tout s'achète, même les consciences ; ce ne sont que de vastes foires où le peuple, hélas, envoie encore des mandataires qui le grugent.