mercredi 3 septembre 2025

PSYCHOLOGIE n. f. (du grec : psukhé, âme, et logos, discours) encyclopedie anarchiste de Sebastien Faure



La psychologie est l’étude de l’âme, entendez par là non ce principe abstrait dont parlent les théologiens, mais l’ensemble des phénomènes qui se passent dans chaque individu. C’est toute la personne humaine, avec ses émotions, ses passions, son intelligence, sa volonté, etc., qui est du ressort de la psychologie. « La psychologie est l’étude scientifique des faits de conscience », disait Th. Ribot. On entend par « fait de conscience » des groupes de phénomènes que nous avons soin de distinguer les uns des autres, tels que les sensations, les sentiments, etc. Une question se pose dès qu’on aborde l’étude des phénomènes psychologiques : c’est celle de la méthode. Emploieronsnous, pour les étudier, la méthode subjective, ou la méthode objective, la première constituant une méthode d’introspection (regarder au-dedans) ou d’observation interne ; la seconde une méthode d’observation externe, le sujet cessant de se confondre avec l’objet, examinant du dehors, faisant appel à toutes les sciences pour se connaître et connaître les êtres qui l’entourent ? Chacune de ces méthodes offre des avantages et des inconvénients, mais en les associant, les combinant, les complétant l’une par l’autre, le psychologue diminue les chances d’erreur qui peuvent se glisser dans son observation. La psychologie est devenue une partie si importante de la philosophie qu’elle a fini par se substituer à celle-ci : certains philosophes ont réduit la philosophie tout entière à la psychologie. En même temps qu’ils faisaient de la psychologie une science indépendante de la philosophie, dont le rôle se bornait à l’étude de problèmes généraux, d’ordre métaphysique, ils l’annexaient à la physiologie. Sans doute, on ne peut expliquer certains « faits de conscience » sans avoir recours à la physiologie, mais il s’en faut de beaucoup que cette dernière soit l’unique explication de ces faits. Il y a là une exagération qui exige une mise au point. Cette conception d’une psychologie physiologique ou d’une physiologie psychologique a donné naissance à de nombreuses « monographies » présentant un certain intérêt. Qu’il me soit permis de dire que l’analyse, si légitime qu’elle soit, dans les recherches scientifiques ou littéraires, n’est rien par elle-même : elle ne vaut que par la synthèse. C’est la synthèse seule qui donne la vie au document, vivifie l’observation et l’expérimentation, communique de l’intérêt aux travaux les plus terre-à-terre. Sans la synthèse, la science s’arrête à mi-chemin. Par la synthèse, elle rejoint la vie. Les problèmes que soulève la psychologie sont extrêmement variés. On les range en trois groupes se rapportant à la vie intellectuelle, affective et active. Tour à tour, on examinera, en employant la méthode génétique, qui explique le supérieur par l’inférieur, les rapports du physique et du moral, les sensations, les perceptions, la mémoire, l’association des idées, l’imagination reproductrice et l’imagination créatrice, l’attention, la réflexion, le jugement, le raisonnement, l’abstraction, les signes et le langage, les principes rationnels de finalité, de substance, de causalité, de raison suffisante, d’identité, les concepts, les idées de la raison (l’espace et le temps), l’effort intellectuel, le plaisir et la douleur, les émotions, les affections, les passions, la sympathie, l’imitation, les inclinations, les sentiments, l’instinct, l’habitude, la volonté, la personnalité, l’idée du

moi, etc. La psychologie anormale et pathologique apportera son concours à la psychologie normale, complétant celle-ci par l’étude des fous, des dégénérés, des malades. Nous y joindrons la psychologie de l’enfant, celle du sauvage, et jusqu’à celle des animaux, nos « frères inférieurs ». L’animal est plus intelligent que certains hommes. Mais les hommes qualifient d’instinct l’intelligence des animaux, et donnent à leur instinct le nom d’intelligence. Bien peu de choses séparent l’homme de l’animal. Celui-ci a son langage, sa philosophie, son art. L’homme est un animal plus compliqué, voilà tout. Nous examinerons un chapitre nouveau de la psychologie, désigné par Pierre Janet sous le nom d’automatisme psychologique. Il y a un grand nombre de gestes inconscients et subconscients, que nous accomplissons sans nous en rendre compte. Ils ont cependant leurs lois, comme les phénomènes conscients. Les anciens philosophes se préoccupaient exclusivement des formes les plus élevées de l’activité humaine, méprisant ou, plutôt, ne soupçonnant pas ses formes inférieures : les nouveaux philosophes étudient la conscience et la sensibilité dans leurs formes élémentaires les plus simples, les plus rudimentaires (les lois de la maladie étant les mêmes que celles de la santé). Il faudra, désormais, compter avec l’inconscient, dont beaucoup de gens parlent inconsciemment. On sait quelle place a pris l’inconscient depuis quelques années dans la philosophie. On a cherché dans l’inconscient l’explication d’un grand nombre de phénomènes. En même temps que l’inconscient, dont le rôle avait été seulement pressenti par quelques philosophes, le sentiment était réhabilité, avec l’instinct. On opposait à la raison l’inconscient. Le pragmatisme trouvait dans l’inconscient sa justification ; au nom de l’inconscient on mettait en doute la valeur de la science. Il est certain que le rôle joué par l’inconscient dans la conscience humaine est considérable et ne peut être nié. Qu’est-ce au juste que l’inconscient ? Est-ce une conscience confuse, comme le croient les panpsychistes

? Ou s’explique-t-il par la psychologie ou la physiologie ? Les philosophes sont loin

d’être d’accord. Quoi qu’il en soit, l’inconscient est un fait. Il y aurait dans l’individu un moi conscient et un moi que Myers a appelé subliminal (au-dessous du seuil) : ce dernier, analogue au moi ancestral, à celui des animaux supérieurs et des primitifs, constituerait une sorte de vie végétative. L’inconscient et le conscient réagissent l’un sur l’autre. L’acte automatique joue un rôle dans la vie humaine, comme l’acte conscient. On constate chez l’être le plus intelligent des actes demi conscients. Psychologues, psychiatres, occultistes, métaphysiciens, sociologues, etc., ont dû tenir compte de l’inconscient dont ils ont étudié les effets dans la vie morale, intellectuelle et sociale de l’humanité. Nous venons de parler de psychologie anormale. Elle a été le point de départ de recherches intéressantes. De nouvelles méthodes lui ont apporté leur concours. La psychothérapie a l’ambition de guérir les maladies de l’âme. Elle les traite comme des maladies du corps et s’efforce d’en prévenir le retour. La psychiatrie les constate et met en lumière différentes psychopathies. Les psychiatres font souvent fausse route. Ils ont les défauts de tous les spécialistes : ils ne voient qu’un aspect de la réalité. Les psychiatres mettent les artistes au nombre des « paranoïaques ». Tout ce qui sort de l’ordinaire est, par eux, traité de folie. Ainsi, la psychologie envisage l’homme dans toutes ses attitudes. Elle le dissèque, le pèse, l’analyse, le triture en tous sens. Ce qui est dangereux, c’est l’abus qu’on fait de la psychologie. La psychologie des écrivains et celle des philosophes ne se ressemblent guère ; cependant, à ne faire que de la psychologie, objective ou subjective, expérimentale ou non, on risque d’être obsédé par l’idée fixe, qui est elle-même un cas fort curieux de psychologie anormale et pathologique.


Gérard de LACAZE-DUTHIERS.

PSYCHOLOGIE

La psychologie a été incorporée à la philosophie en compagnie de la logique, de la morale et de la métaphysique. C’est là un reste de la confusion pri mitive, où les connaissances scientifiques, la religion, la morale et la politique formaient un tout indivis. On a même nié la psychologie ; Auguste Comte voulait en faire une partie de la sociologie, partant du fait que l’homme est un être social. C’est une erreur. On pourrait plutôt rattacher la morale à la sociologie. Parce que la morale, science de ce qui doit être et non de ce qui est, gouverne le rapport des hommes entre eux. On a voulu aussi faire de la psychologie une annexe de la physiologie, sous prétexte que le cerveau, organe de l’esprit, est une partie du corps. Là aussi on s’est trompé, conduit par un matérialisme mal compris. Le sphygmographe peut nous enseigner que le pouls précipite ses battements sous l’influence d’une émotion, mais il ne nous dit rien de l’émotion elle-même. Le vrai est que la psychologie comporte une méthode spéciale, l’introspection, qui la rend très difficile, parce que le sujet de l’expérience en est en même temps l’objet. De là le peu de progrès fait par la psychologie depuis Aristote qui, déjà, avait découvert l’association des idées, dont l’étude fut complétée de nos jours par Stuart Mill. La vieille théorie des facultés de l’âme : sensibilité, intelligence, volonté, n’a pas pu être remplacée. L’introspection est complétée par l’extrospection, c’est-à-dire par l’observation des autres : enfants, vieillards, aliénés, idiots, hommes d’intelligence diverse. Mais nous ne pouvons connaître de l’âme des autres que ce qu’ils veulent bien nous en livrer ; en outre, il est peu de personnes vraiment capables de s’observer elles-mêmes ; le connais-toi toi-même socratique est rare. Les faits psychologiques ont été étudiés aussi par leurs contours, si on peut s’exprimer ainsi.

On a pu mesurer le temps qu’ils mettaient à se produire. C’est quelque chose ; mais cela ne dévoile pas le mécanisme intime de la pensée qui, peut-être, échappera toujours à la connaissance humaine. On a étudié avec plus de fruit ce qu’on pourrait appeler la psycho-sociologie, étude de l’influence du milieu social sur l’individu. La psychanalyse de Freud est venue donner une vigueur nouvelle à la psychologie endormie dans les vieilles formules. On s’est livré à des interrogatoires très minutieux pour découvrir l’origine d’une obsession, d’une phobie ou d’une idée fixe. Freud, comme tous les auteurs de systèmes, a eu le tort de pousser à l’exagération l’influence de la sexualité dans la constitution de l’âme humaine.

Certes, le besoin sexuel, venant après les besoins de nourriture et de sommeil, ne peut pas ne pas avoir un rôle important dans l’esprit humain. Néanmoins, il n’y a pas que le sexe dans la vie mentale. Freud, néanmoins, a rendu et rendra de grands services en portant à faire attention aux paroles, notamment en matière d’éducation. Il est des paroles qui ont la nocivité de poisons. Un enfant sera à jamais incapable, parce qu’on lui aura répété qu’il est incapable. En l’humiliant de

manière constante, on provoque en lui des complexes d’infériorité qui pourront le diminuer sa vie entière. Nos pères et nos grands-pères se conduisaient à cet égard comme des barbares. Ils croyaient avoir fait tout leur devoir en donnant à leurs enfants le vivre et le couvert. Ils passaient sur eux leur mauvaise humeur, leur volonté de puissance, s’ingéniant à les humilier. La psychologie a été aussi appliquée à l’orientation professionnelle. Par des tests, on évalue les aptitudes des enfants et on leur conseille d’entreprendre une profession en rapport avec leurs

dons naturels. Mais ces études sont encore bien loin d’être au point, d’autant mieux que, dans la société présente, c’est la situation et la fortune des parents, et non les aptitudes de l’enfant, qui déterminent son avenir.


Doctoresse PELLETIER.

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