dimanche 6 octobre 2024

Thomas l'obscur. De Maurice Blanchot

 Thomas se glissa donc vers ces couloirs dont il s'approcha sans défense jusqu'à l'instant où il fut aperçu par l'intime du mot. Ce n'était pas encore effrayant,  c'était au contraire un moment presque agréable  qu'il aurait voulu prolonger.  Le lecteur considérait joyeusement cette petite étincelle de vie  qu'il ne doutait pas d'avoir éveillée. Il se voyait avec plaisir  dans cet œil qui le voyait.  Son plaisir même devint très grand.  Il devint si grand , si impitoyable qu'il le subit avec une sorte d'effroi  et que, s'étant dressé, moment insupportable, sans recevoir de son interlocuteur un signe complice,  il aperçut toute l'étrangeté qu'il y avait à être  observé par un mot, comme par un être vivant,  et non seulement par un mot,  mais par tous les mots qui se trouvaient dans ce mot,  par tous ceux qui l'accompagnaient et qui a leur tour contenaient en eux-mêmes  d'autres mots,  comme une suite d'anges s'ouvrant à l'infini jusqu'à l'œil de l'absolu.

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