samedi 1 juin 2024

Le Monde diplomatique de Mai 2024

 Extraits de l'article de Alain Gresh  ""Tsahal" dans votre salon"


"Le mensonge n'est un vice que quand il fait du mal. C'est une très grande vertu quand il faut du bien () Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas un temps, mais hardiment et toujours. () Mentez mes amis, mentez, je vous le rendrai dans l'occasion", professait jadis Voltaire. Cela pourrait être le mantra de tous les dirigeants militaires, partout dans le monde. Mais Israël a porté l'application de cette maxime au niveau d'un art inégalé dans les pays dits démocratiques, avec la conviction solidement ancrée d'être le paragon du bon droit, de la justice, de mentir "pour le bien". Et avec un avantage que n'ont pas les autres Etats, qui est que les responsables et les médias occidentaux pensent, à priori, qu'Israël dit la vérité. M. Rafowicz profère des contre-vérités de manière éhontée, avec l'assurance d' n'être que rarement contredit: il a repris les fables sur la femme enceinte éventrée ou celles sur les enfants israéliens mis en cage. Il a nié, contre l'évidence, que l'armée israélienne fut à l'origine des morts du "massacre de la farine", le 29 février, durant lequel plus de cent civils ont été tués par balle. Cependant, malgré ses mensonges attestés, il conserve l'écoute accueillante et complaisante de nombre de médias français, qui ne contestent qu'exceptionnellement ses propos. Pourquoi s'en priverait-il?

M. Rafowicz dispose d'un atout maitre, l'inénarrable Bernard-Henri Lévy : "Pratiquement à chaque crise d'envergure internationale qui oppose Israël à ses voisins, BHL me rejoint et est présent sur le terrain". BHL c'est l'homme qui a couvert les guerres contre Gaza juché sur la tourelle d'un char ou dans un bureau du commandement israélien, toujours "embarqué" par l'armée. Il n'a jamais rien vu, aucun crime, aucune violation du droit international. Pour justifier son soutien, il brandit l'argument massue : "l'armée la plus morale du monde". C'est la même rhétorique, les mêmes soutiens de l'armée française en Algérie -Pierre Chaunu, Henry de Monfreid, Roger Nimier, Jules Romains, Antoine Blondin, Roland Dorgelès, Jean Paulhan et quelques autres noms prestigieux (à l'époque) qui dénonçaient le Front de libération nationale algérien et ses alliés français dans des termes qu'on pourrait, mutatis mutandis, appliquer à la Palestine : "C'est une imposture d'écrire que la France combat le peuple algérien dressé pour son indépendance. la guerre en Algérie est une lutte imposée à la France par une minorité de rebelles fanatiques, terroristes et racistes, conduits par des chefs armés et soutenus financièrement par l'étranger".

Israël a toujours excellé dans la "hasbara", la propagande, se présentant comme la victime de ses ennemis arabes, propageant des fake news qui ne seront démenties qu'après avoir produit des effets pour partie irréversibles. France-Soir, sur la foi d'une dépêche venue de Tel Aviv, annonçait ainsi à l'aube du 5 juin 1967 que l'Egypte avait attaqué Israël ( c'est le contraire qui s'était passé). Plus récemment, quand la journaliste palestinienne Shirine Abou Aklech est assassinée le 11 mai 2022 à Jénine, dans les territoires occupés, l'armée israélienne explique d'abord qu'elle a sans doute été tuée par des "terroristes", puis qu'elle a été prise dans un échange de tirs avec eux, avant de reconnaitre qu'un soldat israélien avait tiré 5 balles en direction de la victime, mais sans la viser! Plusieurs enquêtes, dont celle de la chaine câble news network, concluent qu'elle a été très probablement tuée de manière délibérée. Si son cas a connu une publicité exceptionnelle, cela est dû à sa nationalité américaine et à sa célébrité. La plupart du temps, le récit israélien n'est jamais mis en cause, et ceux qui tuent des civils ou des journalistes dans les territoires occupés bénéficient d'une immunité totale. Israël figure ainsi, en 2023, parmi les dix premiers pays quant à l'emprisonnement de journalistes, selon le comité pour la protection des journalistes au même niveau que l'Iran. Tel Aviv dispose, sur place et à travers le monde, d'un nombre impressionnant d'ambassadeurs et de propagandistes plus ou moins talentueux, parlant couramment la langue du pays où ils travaillent, connaissant les arcanes du pouvoir et des médias et faisant passer le message, souvent mensonger, de leur gouvernement. Israël possède un autre atout : c'est un pays "occidental" qui bénéficie à priori d'un capital de confiance. Un journaliste de CNN déroule les conséquences de ce biais :" Les mots "crime de guerre" et "génocide" sont tabous. Les bombardements israéliens à Gaza seront rapportés comme des "explosions" dont personne n'est responsable, jusqu'à ce que l'armée israélienne intervienne pour en accepter ou en nier la responsabilité. Les citations et les informations fournies par l'armée israélienne et les représentants du gouvernement ont tendance à être approuvées rapidement, tandis que celles provenant des Palestiniens ont tendance à être minutieusement examinées et traitées avec une grande prudence".



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