dimanche 7 février 2021

Lignes N°61

L'Europe à Weimar        Par Franco Berardi

"Mais l'internationalisme a été écrasé par la loi Darwinienne de la suprématie de la nature sur la volonté, permettant aux groupes humains les mieux entrainés au crime de dominer."

"La réalité s'est imposée, et m'a obligé à reconnaitre que l'Europe est seulement ce qu'elle est: le coeur noir de l'ethnonationalisme global."

"Après les élections européennes du 26 mai 2019, après le sommet des grandes puissances à Osaka, où les ethno-nationalistes dirigés par Poutine et Trump ont déclaré ouvertement la chute de la démocratie libérale, et après la défaite de Syriza qui marque la fin de tout espoir pour la gauche, il est grand temps de reconnaitre que l'Union européenne n'est rien d'autre que le mariage de la violence financière et de l'ethno-nationalisme, synthèse belliqueuse et instable des nationalismes nationaux."

"Anders Breivnik symbole de l'UE.

En 2011, un Norvégien nommé Anders Breivnik tua 77 jeunes socialistes de plusieurs nationalités: c'était sa façon de protester contre le multiculturalisme. Anders Breivnik a été condamné pt la justice norvégienne, mais ce qui m'intéresse dans son histoire, c'est surtout la déclaration d'indépendance européenne que l'assassin publia sur Internet. Dans cette déclaration, Anders Breivnik explique qu'une invasion musulmane venant du sud est en cours avec la complicité du féminisme et du marxisme culturel, et qu'il faut défendre l'identité de la race blanche et la culture judéo-chrétienne contre son danger. De façon explicite, Anders Breivnik déclare ne pas se considérer comme un nazi, parce que, explique-t-il, Adolf Hitler n'avait pas compris que le danger ne vient pas des juifs, mais des musulmans, et en général des races inférieures qui menacent la culture judeo-chrétienne. Cet horrible mélange de sottises racistes fut rapidement oublié après que l'assassin a été condamné, mais, à l'époque, un député italien nommé Mario Borghezio, appartenant à la Lega Nord ( le parti de Matteo Salvini) fit scandale en déclarant que, si l'action d'Anders Breivnik était certe discutable, sa pensée était partagée par une centaine de millions de citoyens européens.
Quelques années après, il faut bien reconnaitre que Borghezio n'était pas tellement loin de la vérité, si l'on pense au triomphe des partis nationalistes, xénophobes, et ouvertement racistes depuis juin 2016, le moment du Brexit marquant le début de la grande régression.
Quelques années après, cet idiot criminel d'Anders Breivnik peut se réjouir de son succès dans la confortable cellule d'une prison norvégienne, son action est le meilleur symbole de l'unité européenne.
L'ethno nationalisme est la vérité de l'Europe."

"Tout d'abord il faut arrêter avec la rhétorique de la démocratie. Ce mot ne signifie rien d'autre qu'une méthodologie de la décision politique fondée sur la volonté de la majorité du peuple. De ce point de vue, Matteo Salvini est la démocratie en Italie, Marine le Pen la démocratie en France et Mitsotakis la démocratie en Grèce, comme Adolf Hitler était la démocratie en Allemagne en 1933."

"Impuissants à se soustraire à l'austérité, à l'humiliation et à l'appauvrissement, les Européens se sont résignés à défendre les privilèges accumulés grâce à leur domination coloniale, et ils font pour cela confiance aux mouvements nationalistes qui prétendent les défendre contre l'agression néo-libérale et globaliste, mais, en réalité, qui se bornent à les défendre contre la migration et à exciter leur désir de vengeance.
Les jeux sont faits, l'histoire de la démocratie libérale est terminée, il n'y aura jamais de retour de la gauche démocratique, jamais de retour de l'esprit solidaire. Une alliance du capitalisme financier et de l'ethno-nationalisme suprématiste est l'avenir de l'Europe et du monde."

"Mais pourquoi alors, hier encore, me définissais-je comme un européiste, pourquoi beaucoup d'intellectuels et d'activistes continuent-ils à se définir comme européistes?
La première réponse est facile à comprendre: la désintégration de l'Union ouvrirait la porte à la barbarie déchainée des nationalismes. Un argument raisonnable en principe, mais malheureusement vidé de sens parce que la barbarie a déjà occupé le champ, et la poursuite de l'agression financière, qui est l'âme de l'européisme macroniste, ne fait qu'alimenter de plus en plus le nihilisme nationaliste."



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