dimanche 27 janvier 2019

LA PREMIERE ENFANCE (de 0 à 3 ans) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Dès les premiers jours de son existence l'enfant exprime quelques émotions : plaisir, déplaisir, désir, crainte.
La peur se manifeste très tôt et accompagne les impressions nouvelles brusques et intenses qu'il importe d'éviter à l'enfant : bruits violents, secousses brusques. Plus tard la peur est provoquée par des impressions visuelles : visages ou êtres inconnus. Tout d'abord les peurs de l’enfant ne sont pas motivées, l'enfant ne connaît pas le danger. Ensuite ses craintes deviennent plus motivées, l'imagination y joue un grand rôle.
L'éducateur doit s'efforcer de corriger les enfants de ce sentiment. D'abord ils ne le provoqueront pas eux-mêmes, donc pas de menaces, pas de violences, pas de railleries, pas de contes fantastiques ou d'histoires dramatiques. Ensuite par leur exemple, leur appel à la confiance, une action lente, méthodique, progressive pour les habituer à l'obscurité, aux bruits, par la suggestion, ils s'efforcent de guérir l'enfant et de le persuader qu'il n'est pas peureux.
II en est de la peur comme de la colère, elle dépend en une certaine mesure des conditions physiques et il convient de s'attaquer à toutes ses causes ; il faut donc, lorsque besoin est, rendre l'enfant plus fort, mieux portant, plus souple soit par l'alimentation, soit par des exercices de gymnastique et des jeux de plus en plus violents, soit au besoin grâce à des médicaments fortifiants et toniques du système nerveux.
Certains enfants sont tout à la fois timides et peureux ; mais la vraie timidité est distincte de la peur et s'observe beaucoup plus chez les adolescents que chez les enfants. Dans la plupart des cas elle est le fruit d'une éducation trop sévère qui n'a pas permis le développement normal de la personnalité enfantine. La colère ne se manifeste d'ordinaire que vers deux ou trois mois, elle est généralement brève et intense ; l'enfant trépigne, crie, frappe du pied, se roule par terre, veut donner des coups, etc... La colère dépend de la nervosité, de l'état atmosphérique, elle est souvent provoquée par les gronderies, les emportements des éducateurs (parents et maîtres) ou leurs faiblesses... La guérison de la colère s'obtient en s'attaquant aux causes de la colère qui proviennent de l'enfant lui-même ou de l'extérieur. En ce qui concerne l'enfant lui-même, il convient de distinguer les enfants neurasthéniques, de santé délicate aisément irritables, des enfants vigoureux, hypersthéniques. Les premiers ont avant tout besoin d'un régime fortifiant qui les guérisse de leur débilité, il leur faut des aliments riches en principes nutritifs mais non excitants, au besoin un peu d'huile de foie de morue l'hiver et des préparations phosphatées l'été ; il convient aussi de les habituer à mener une vie bien régulière : coucher et lever aux mêmes heures, etc... Les seconds ont besoin d'une alimentation moins tonique, plus végétarienne, d'une vie active au grand air ; des bains et l'emploi de certains médicaments (bromure de potassium, etc... ) peut être utile. Beaucoup d'enfants-colères de cette dernière catégorie doivent leur tempérament à l'alcoolisme des parents. En ce qui concerne l'influence du milieu, il est évident qu'il importe d'abord d'éviter les motifs de crise, de faire preuve d'un grand calme. Non seulement l'adulte ne doit pas donner l'exemple de la colère, mais il doit conserver son calme lors de la colère enfantine, en évitant tout ce qui pourrait entretenir la crise : ironie, punition (dans la mesure du possible et en tous cas jamais excessive mais toujours appliquée), coups, etc... L'esprit de révolte qui est une des formes de la colère ne se manifeste d'ordinaire qu'après la première enfance ; il survient presque toujours chez l'enfant lorsque celui-ci constate qu'il va être, ou vient d'être, injustement puni. La bouderie est plus fréquente chez les jeunes, elle résulte des premières manifestations du sentiment de la personnalité en conflit avec la volonté d'un adulte. Il importe donc que les adultes évitent de tels conflits lorsqu'ils le peuvent et que, dans les cas où ils se produisent, ils fassent preuve de douceur, de patience et de fermeté. Ce n'est que vers un mois et demi que l'enfant est capable de pleurer et ses premières larmes ne sont qu'un simple reflexe déterminé par l'irritation du nez ou des yeux. Vers quatre ou six mois seulement les larmes de l'enfant peuvent provenir de la douleur morale. Le sourire qui apparaît à la fin du premier mois est tout d'abord un reflexe ; la joie ne se manifeste pas avant le troisième mois ; enfin ce n'est qu'au bout de quatre ou cinq mois que l'enfant éprouve de la sympathie ou de l'antipathie.
Au moment de sa naissance l'enfant ne s'intéresse qu'à ses besoins organiques (besoin d'air, d'aliments, de chaleur, de repos, etc... ) mais bien vite il éprouve le besoin de regarder, d'écouter, de tâter et jusqu'à six mois ce seront les intérêts perceptifs qui prédomineront. Ces intérêts continueront de se développer plus tard mais d'autres intérêts deviendront prépondérants à leur tour. Ce seront en premier lieu l'intérêt pour les mouvements que les petits associeront à leurs perceptions. L'enfant de six mois à deux ans s'intéresse surtout aux mouvements : il s'exerce à prendre, à commander à ses muscles, il apprend à marcher, etc... De deux à trois ans l'intérêt prédominant de l'enfant va au langage et le langage comprend aussi une acquisition motrice et le langage du jeune enfant est dans les débuts un mouvement d'un genre particulier, ce n'est qu'au bout d'un certain temps que l'enfant songe à l'utiliser comme moyen de communication de la pensée. « La première période de la vie de l'enfant, s'étendant jusqu'à trois ans, est en somme occupée par l'acquisition des mouvements nécessaires à la mise en train des activités élémentaires de l'individu : préhension, marche, langage. L'enfant s'y intéresse presque exclusivement. L'acquisition des moyens d'action est le but final de ses mises en oeuvre sensuelles, intellectuelles et affectives et on peut parler d'une période motrice vers l'âge de trois ans. C'est que le mouvement a une importance primordiale dans le développement de la vie psychique et qu'il constitue la base et le substratum de toutes les acquisitions ultérieures. Non seulement il peut seul assurer les réactions adéquates de l'individu, mais il pénètre toute notre vie représentative et affective, et même notre vie inconsciente ... » (Dr Vermeylen.) Rappelons une fois de plus que, par suite des grandes diversités individuelles, l'âge de trois ans n'est qu'approximatif.
Ajoutons que l'intérêt de l'enfant pour le mouvement se prolonge pendant toute l'enfance. D'abord l'enfant agit pour agir ; jusque vers cinq ans, nous le verrons ainsi traîner une brouette à cause du bruit qu'elle fait et de l'occasion de marcher ou de courir qu'elle lui procure. La satisfaction motrice passe avant tout : il coupe pour couper, frappe pour frapper, crie pour le plaisir de crier, etc... Il faut bien se garder de croire que tout cela est inutile, plus il agira, soit qu'il marche, coure, crie, frappe, coupe, déchire, etc... et plus il accumulera d'expériences personnelles. A force de voir certains actes provoquer certains effets, il utilisera ces actes dans le but d'obtenir les effets ou résultats correspondants ; il criera pour faire accourir sa mère, il traînera sa brouette pour porter plus commodément quelque chose, etc...
Après avoir agi instinctivement pour dépenser toute l'énergie qui est en lui, l'enfant agira avec réflexion en vue d'atteindre un but qui donne satisfaction à ses intérêts.
Conséquences pédagogiques.
La colère, la peur et tous les autres sentiments enfantins étant pour une large part le résultat d'une mauvaise santé physique, les parents doivent d'abord se soucier de leur rôle de procréateurs. Les enfants de parents malades, alcooliques, etc... sont les victimes de leurs parents. Après la naissance, les parents doivent continuer de s'efforcer d'assurer à leurs enfants une bonne santé physique. Beaucoup ne savent pas donner à leurs enfants l'alimentation convenable et les soins d'hygiène les plus nécessaires. Cependant les livres de puériculture ne manquent pas et les parents ont le devoir d'étudier de tels ouvrages.
La santé physique n'est pas seulement nécessaire à la santé morale ; elle est encore indispensable au bon développement intellectuel. La pensée naît de l'action. Pour qu'un enfant devienne intelligent, il est nécessaire que, dans son jeune âge, il multiplie les mouvements qui lui permettront d'acquérir un riche trésor de perception et d'expériences.
Plus l'enfant fera d'efforts pour marcher, parler, tâter, frapper, etc., et plus cette application soutenue le préparera à réaliser certains buts. La première éducation de la volonté consiste à permettre et à favoriser cette activité enfantine qui ne résulte pas encore de la volonté, mais qui éveillera la volonté tout comme les premières paroles prononcées sans but de communiquer la pensée éveillent l'idée du langage volontaire.
Ainsi donc le premier souci des éducateurs doit aller à la santé physique de l'enfant nécessaire à son développement moral et intellectuel. Leur second souci devant être de permettre et de stimuler l'activité enfantine. Il est bon que les tout petits enfants soient remuants, bruyants, bavards.
Ceci ne suffit pas pour assurer à l'enfant un développement convenable. Comme nous l'avons vu, les parents devront agir par leur exemple, ils devront éviter un excès de faiblesse qui permettrait à certains enfants de devenir de petits tyrans, Il ne faut pas toujours prendre un enfant qui crie, car alors bien souvent l'enfant crie et pleure parce qu'il a constaté que ses cris le font enlever de son berceau ; d'autre part, il faut éviter un excès de sévérité ; il faut par exemple s'efforcer de reconnaître les cris qui proviennent de quelque souffrance. Pour la santé physique et morale, il est nécessaire aussi d'assurer au petit enfant une vie aussi régulière que possible aussi bien en ce qui concerne les repos que pour les repas.
Enfin il faut au tout petit des règles simples et sans exception. Combien de parents, par exemple, qui, après avoir donné à leur enfant un vieux catalogue qu'ils l'ont vu déchirer en souriant, se fâchent et même donnent une fessée au bébé lorsque celui-ci agit de même façon avec un livre ou une brochure laissés à sa portée. Il faut que les parents apprennent à se placer au point de vue des petits. Pour bien des mamans, avoir des ciseaux et découper dans un vieux torchon c'est bien, découper de même dans un mouchoir c'est mal, mais en faire autant dans la robe de la grande soeur c'est si mal que ça mérite une correction. De même jeter du sable sur le plancher non balayé ne tire pas à conséquence ; mais le faire cinq minutes plus tard provoque des cris sinon des coups. Ainsi, dans tous les cas où l'action d'un enfant nous parait mauvaise, il est légitime que nous songions à éviter le retour d'actions semblables mais nous devons nous efforcer d'y parvenir à l'aide d'une meilleure compréhension de l'enfant souvent moins coupable que nous.

ENFANT n. m. (lat. infans ; de in, non et tari, parler) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Il est d'usage de diviser la vie humaine en trois périodes : 1° la jeunesse qui comprend l'enfance et l'adolescence ; 2° l'âge mûr ou âge adulte ; 3° la vieillesse.
Autrefois l'enfant était considéré comme un adulte en réduction, un « homonculus », ses tendances particulières, ses manières propres de sentir, d'agir, de penser paraissaient être autant de défauts ou d'erreurs dont il fallait s'empresser de le corriger pour l'amener au plus tôt au degré d'adulte.
Aujourd'hui, seuls des parents plus aimants que clairvoyants, continuent d'admirer les enfants qui singent les grandes personnes et ont, en apparence, des raisonnements d'adultes. Physiologistes et psychologues savent bien que l'enfant n'est pas tout à fait une réduction d'homme bien qu'il ne soit pas absolument différent de ce qu'il sera plus tard, ils le considèrent comme un être qui évolue. Le développement physique de l'enfant n'est pas uniforme, tantôt la croissance est ralentie ou arrêtée, tantôt elle est accélérée. Les accélérations rapides, crises de croissance, varient avec le sexe, la race, l'état de santé et les conditions sociales. Les enfants des familles pauvres ont un développement physique entravé par des conditions alimentaires et hygiéniques défectueuses. Les crises de croissance en poids ne correspondent pas aux crises de croissance en taille : l'enfant grandit plus qu'il ne grossit tandis que l'adolescent grossit plus qu'il ne grandit.
La grandeur relative de la tête par rapport à l'ensemble du corps varie d'une façon importante ; proportionnellement le nouveau-né a la tête sept fois plus grosse que l'adulte. La rapidité de la respiration varie également dans de fortes proportions : le nouveau-né respire environ trois fois plus vite que l'adulte ; l'enfant de six ans environ deux fois plus vite.
Le nouveau-né est un être à actions réflexes, ces activités peuvent s'exercer sans l'aide du cerveau imparfaitement développé (voir : cerveau, p. 314, 2ème col.).
Au point de vue psychologique l'enfant ne diffère pas moins de l'adulte : « l'enfant vit dans le présent ; l'adolescent découvre l'avenir ; l'adulte vit dans l'avenir ; le vieillard vit dans le passé » F. Challaye. L'enfant est, a-t-on dit, un être sensori-moteur. Les sensations et les mouvements occupent en effet une large place dans la conscience de l'enfant, Les tendances enfantines, dont la satisfaction produit l'intérêt, naissent les unes après les autres en un ordre constant, elles n'apparaissent ni ne disparaissent subitement mais elles atteignent toujours un point culminant ; c'est ainsi que l'intérêt glossique (au langage) atteint un tel point entre deux et trois ans. De cette prédominance des tendances on a parfois retiré une classification de l'enfance en stades : du suceur, du regardeur, de l'attrapeur, du trotteur, du parlotteur, etc... En résumé les enfants ne sont pas entièrement différents des adultes mais ne sont pas non plus des réductions d'adultes. Ce sont des êtres qui évoluent suivant une certaine périodicité qui varie sous l'influence de multiples facteurs : les sexes, les individus, etc... Les classifications des âges de l'homme, des stades de l'enfance, de l'évolution des intérêts enfantins s'appliquent à des individus moyens qui n'existent pas en réalité ; elles nous renseignent sur l'évolution de l'espèce mais non sur l'évolution individuelle. Tous les individus normaux d'un même âge ont des caractères communs : à un âge donné les enfants sont tous aux mêmes stades de leur développement, physique, affectif et mental et les lois de ce développement sont valables pour eux. Mais tous ces individus ont en propre des hérédités congénitales et ont été modifiés par des éducations différentes selon les sujets.
Il en résulte que chaque enfant présente une double évolution, spécifique et individuelle qui fait qu'il ressemble à tout autre enfant et en diffère.
Conséquences pédagogiques.
On sait bien que le développement physique de l'enfant exige qu'il ne soit pas traité comme un petit homme, que par exemple son alimentation doit différer de celle de l'adulte non seulement en quantité mais encore en qualité. Tout n'est certes pas parfait dans le mode d'alimentation et dans l'hygiène des enfants mais cependant on s'en préoccupe et l'on s'empresse de faire venir le médecin si la santé et le développement physique d'un enfant laissent à désirer.
Quelle différence en ce qui concerne le développement intellectuel et moral! Les mêmes parents qui s'efforçaient de tenir compte du développement physique et de la santé du corps ne s'inquiètent point de ce qui a trait au bon développement intellectuel et affectif. Pour faire de l'enfant un homme on ne sait qu'ordonner et réprimer. Parents et maîtres sont généralement des despotes et l'enfant doit obéir sans discussion. La grande affaire n'est pas de savoir ce qui lui plait, de connaître ses désirs et ses intérêts, mais de l'obliger à agir selon le bon plaisir des adultes.
Les anarchistes, vraiment conscients, qui ont souffert de l'autorité agissent parfois d'une façon tout à fait opposée à celle de ces parents tyranniques. Certains pensent que pour faire de leurs enfants des individualités libres il convient de les laisser grandir dans la liberté la plus absolue. Admis d'un côté des éducateurs qui veulent faire des hommes en traitant les enfants comme des esclaves, qui veulent que chaque enfant réalise un idéal qu'ils se sont créé sans souci des intérêts et des possibilités de l'enfant lui-même ; de l'autre, des éducateurs ennemis de toute contrainte et qui laissent l'enfant agir selon son caprice.
Ces éducateurs ont besoin de la leçon du jardinier.
Lorsque cet artisan veut amener un arbre à fruit, il s'informe de son espèce, il étudie son mode de végétation, car il sait que les poiriers ne se traitent pas comme les pêchers, que parmi les poiriers certaines variétés exigent une taille ou plus courte ou plus longue et qu'enfin deux arbres d'une même variété présentent toujours des différences dont ils doivent tenir compte.
Or le jardinier ayant étudié chacun de ces arbres ne les laisse pas à l'abandon, il courbe, pince, taille, mais n'allez pas croire qu'il taille tout ce qui n'est pas bourgeon à fruit, il sait que chaque bourgeon à fruit ne devient pas tel du jour au lendemain et que tel bourgeon pourra devenir bourgeon à fruit ou bourgeon à bois selon la taille qu'il appliquera au rameau tout entier.
Ainsi font les bons éducateurs qui considèrent les enfants en leur devenir, en leurs possibilités. Pas plus que le jardinier ne se disait : ce bourgeon n'a pas de fruit, il faut le couper, ils ne se disent : cette tendance, cet intérêt ne sont pas utiles à l'homme, il faut les supprimer ; mais quels rôles peuvent-ils jouer dans l'évolution de l'enfant, de cet enfant?
Pour faire vraiment des hommes libres aux individualités fortes il faut d'abord se rendre compte de ce qui caractérise vraiment la liberté et la volonté et il faut ensuite savoir ce que peut chaque enfant, quels germes sont en lui qu'il faut soigneusement cultiver, développer pour le rendre capable d'être libre et lui apprendre à vouloir.
Etre libre, ce n'est pas faire tout ce qu'on veut mais vouloir tout ce qu'on fait et la liberté de chacun est limitée par la liberté des autres. Ceux qui ont une forte individualité ne sont pas ceux qui font tout ce qui leur passe par la tête, mais ceux qui sont capables de faire un choix raisonné parmi un certain nombre d'actions possibles et de se conformer à ce choix. Vouloir n'est pas seulement agir, c'est d'abord juger, déterminer l'action à faire en tenant compte des possibilités, des probabilités, des nécessités, etc., et c'est ensuite juger et déterminer encore à propos des moyens d'action à employer.
Par suite laisser à l'enfant - qui n'a pas encore acquis le développement intellectuel nécessaire - la liberté de faire tout ce qu'il lui plaît, rien que ce qui lui plaît et quand cela lui plaît, ce n'est pas lui donner la possibilité de vouloir et c'est sûrement lui faire acquérir l'habitude d'agir selon ses impulsions, le rendre esclave de ses tendances bonnes ou mauvaises.
L'homme esclave des mauvais penchants que lui ont légués l'hérédité et le milieu n'est pas plus notre idéal que l'homme esclave de la Société. Il est un juste milieu entre la contrainte extérieure, l’abus de l'autorité et l’entière liberté qui apparaît clairement lorsqu'on considère l'enfant comme un être qui évolue. Pour préparer des hommes libres, des individualités fortes il faut tenir compte de la nature même des enfants. Il faut saisir toutes les occasions d'amener les enfants à agir, à se décider par eux-mêmes, à faire preuve d'initiative. Il faut par conséquent ne les guider, les servir, les commander, les dispenser d'efforts que dans la mesure où la chose est indispensable.
Les enfants doivent acquérir progressivement une capacité croissante d'efforts choisis et déterminés par eux. Parce qu'ils ne sont pas encore capables de juger et de se déterminer en toutes choses il est nécessaire que les adultes, dans leur intérêt, jugent parfois à leur place mais il doivent leur permettre de faire preuve d'initiative toutes les fois que la chose est possible.
Il est souhaitable que les enfants aient conscience que les ordres reçus ne résultent pas du caprice des parents ou des maîtres, qu' ils en comprennent les raisons et qu'enfin il leur soit laissé la plus large initiative dans le choix des moyens.
Les ordres bien définis, auxquels les enfants doivent obéir immédiatement devront être aussi rares que possible et il est désirable que les enfants comprennent qu'ils résultent d'une réelle nécessité ; par suite il faut éviter les ordres capricieux, irréguliers et contradictoires.
Les jeunes enfants, lorsqu'ils sentent qu'on les aime et qu'on les commande dans leur intérêt sont rarement désobéissants. L'enfant qui se sent incapable de bien juger obéit aisément, ce n'est que l'adolescent plus apte à reconnaître, à discuter et à raisonner qui obéit avec peine lorsqu'on n'accompagne pas l'ordre des raisons de l'exécuter.
La plupart des désobéissances des jeunes enfants proviennent des maladresses des parents qui n'ont pas su agir de telle façon que les enfants sentent qu'on les commande dans leur propre intérêt. A vrai dire certains parents sont des tyrans égoïstes mais ce ne sont pas les seuls qui ne savent pas user de leur autorité.
Certains parents multiplient les ordres et interviennent à tout propos dans la vie de l'enfant, ne lui laissant nulle occasion d'agir de sa propre initiative ; d'autres substituent sans cesse des contre-ordres aux ordres donnés, soit que les contre-ordres du papa s'appliquent aux ordres de la maman ou vice-versa, soit qu'ils marquent la faiblesse de l'adulte en présence des pleurs, cris ou révolte de l'enfant. Il ne suffit pas que les éducateurs permettent aux enfants de juger, de raisonner, de choisir, de se déterminer et d'agir d'après leur propre initiative toutes les fois que leur développement intellectuel et affectif le leur permet. Les éducateurs doivent encore s'ingénier à fournir aux enfants des occasions de développement. Ils doivent organiser un milieu éducatif dans lequel l'enfant pourra agir et où ses qualités individuelles et sociales pourront se développer. Chaque enfant a des tendances, des intérêts qui pour le bon éducateur sont des points de départ ; il s'agit pour l'adulte de voir où ils peuvent mener l'enfant et de placer sur le chemin de ce dernier de multiples occasions d'agir, et par conséquent d'apprendre à juger, à se déterminer, à vouloir, conformément à ces intérêts. Il est évident que ces occasions que l'éducateur offre ainsi à l'enfant ne sont pas des occasions quelconques, qu'elles résultent d'une sélection faite par l'éducateur qui choisit tout ce qui peut stimuler l'épanouissement de l'individualité enfantine dans le sens convenable.
En résumé, l'adulte ne renonce pas à intervenir dans la vie de l'enfant, mais il y intervient le moins possible, toujours dans l'intérêt de ce dernier et il s'efforce de développer progressivement la capacité de vivre sans l'autorité d'une contrainte extérieure.
* * *
Les psychologues divisent l'enfance en un certain nombre de périodes mais suivant le point de vue auquel ils se sont placés leurs subdivisions varient. Enfin les divisions et les subdivisions sont approximatives en raison des variations sexuelles et individuelles.
En se plaçant au point de vue de la croissance, Claparède établit les divisions suivantes :
1. Première enfance... jusqu’à 7 ans jusqu’à 6-7 ans
2. Seconde enfance... de 7 à 12 de 7 à 10
3. Adolescence.......... de 12 à 15 de10 à 13
4. Puberté.................. de 15 à16 de13 à 14
Au point de vue des intérêts le même auteur établit un plus grand nombre de divisions :
0 à 1 an ; 1 an à 3 ans ; 3 à 7 ans ; 7 à 12 ans ; 12 à 18 ans, etc...
Au même point de vue Nagy propose la division suivante : 0 à 2 ans ; 2 à 7 ans ; 7 à 10 ans ; 10 à 15 ans ; après 15 ans.
Halle a proposé trois divisions qui comportent d'ailleurs des subdivisions : 0 à 7 ans ; 7 à 15 ans ; 15 à 25 ans, etc...
Le Dr Bertillon divise la vie humaine en 17 périodes dont quatre pour la vie intra-utérine ; dans sa classification la première enfance, divisée en trois périodes, prend fin vers 7 ans.
Lacassagne propose : 0 à 7 mois ; 7 mois à 2 ans ; 2 ans à 7 ans ; 7 à 15 ans ; 15 à 20 ans. Verrier donne la division : 0 à 7 ans ; 7 à 14 ans ; 14 à 21 ans. Sringer : 0 à 2 ans ; 2 ans à la puberté (10 à 12 ans) : etc... ; Cruchet : 0 à 2 ans ; 2 à 7 ans ; 7 à 14 ans. La division de Luckey est plus intéressante :
1er Cycle : Enfance
1° de la naissance à 2 à 3 ans : stade affectif.
2° de 2 à 3 ans à 7 à 8 ans : stade volitif.
3° de 8 ans à 12-13 ans : stade intellectuel.
2e Cycle : Adolescence
1° de 13-14 à 16 ans : stade effectif (nouvelle naissance, nouvelle croissance physique entraînant de nouveaux désirs, etc.).
2° de 16-à 18 ans : stade volitif.
3° de 10 à 25 ans : stade intellectuel.
Ferrière propose une division semblable à celle que Claparède était au point de vue de la croissance mais il subdivise cette division en se plaçant au point de vue de l'évolution des intérêts.
Si nous négligeons les différences que présentent ces classifications pour nous attacher aux ressemblances nous constatons que tous distinguent nettement l'enfance de l'adolescence, que presque tous placent dans l'enfance un point de division vers 7 ans et enfin qu'une autre subdivision vers 2 à 3 ans est proposée par la plupart.
En l'un des plus récents ouvrages consacrés à « La psychologie de l'enfant et de l'adolescent » le Dr Vermeylen propose la division suivante :
Première enfance : de 0 à 3 ans.
Deuxième enfance : de 3 à 7 ans.
Troisième enfance : de 7 à 12 ans.
Adolescence : de 12 à 18 ans.
Pour la commodité de notre étude nous adopterons cette division, en rappelant qu'elle est quelque peu arbitraire et que les âges indiqués ne sont qu'approximatifs.

ENFANT n. m. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




L'enfant naît, masse ronde aux membres frêles et sans muscles. Seule, la respiration fonctionne chez lui comme chez l'adulte et pour qu'il se nourrisse normalement, sept années lui seront nécessaires. Vers 13 ou 14 ans, sous nos climats, des troubles nerveux et digestifs, l'apparition de poils sur les organes sexuels et aux aisselles révèlent qu'un mystérieux travail s'est accompli en lui : l'enfant est pubère, la fonction sexuelle a acquis une place importante dans sa vie organique et affective. Le squelette se développe rapidement, la graisse disparait, les membres s'allongent, les muscles se forment. Vers la 23 année - un peu plus tôt chez les filles - le développement physique de l'enfant est achevé. Quant au cerveau, il se développe à peu près régulièrement jusqu'au seuil de la vieillesse. Il convient de tenir compte de ces détails physiologiques. Chaque stade a besoin de son régime particulier. Le nouveau-né ne peut que respirer et - difficilement – digérer : procurons-lui de l'air pur, une nourriture adéquate. Puis, favorisons l'épanouissement sain de ses besoins sentimentaux et leur transition en besoin sexuel. C'est l'âge de l'activité modérée nécessaire aux muscles en formation : jeux, gymnastique, jardinage, sports légers, travaux de ménage, etc. Ce n'est qu'à l'âge adulte qu'il supportera les grandes fatigues. Quant à la nourriture intellectuelle, elle augmentera progressivement, comme le cerveau lui-même, pendant toute la vie. Ceci soit dit en général : le développement de chaque être étant soumis à un rythme particulier dont il faut aussi tenir compte.
Enfant et parents.
Ce n'est certainement pas pour le bien du petit à venir, dont on ne peut prévoir si les joies compenseront les peines, que les parents l'appellent à la vie ; force nous est d'admettre que c'est l'égoïsme qui en est cause : besoin affectif, quelquefois ; le plus souvent, ignorance de la préservation de la grossesse, peur de l'opinion et de la loi, résignation à un sort qu'on croit inévitable, bref : irresponsabilité. L'irréparable accompli, l'enfant une fois venu, il faut bien s'en accommoder et l'élever : les parents, d'ordinaire, s'en acquittent tant bien que mal. A ce titre, ils sont les premiers bienfaiteurs de l'enfant. Celui-ci, d'ailleurs, ne se figure guère que ces bienfaits pourraient lui manquer, et n'en éprouve de reconnaissance... qu'après des sommations réitérées. Au contraire, les parents forment d'abord exclusivement le milieu pour l'enfant, avec tout ce qu'il comporte d'hostile ; c'est à eux de le nettoyer, de le coucher, de lui refuser certaines choses, de lui en administrer d'autres de force... ils sont ses premiers ennemis. Cette hostilité peut s'atténuer par la suite, se transformer en reconnaissance, mais bien souvent, elle subsiste sous des formes différentes : hypocrisie, mensonge, obstination secrète à ne pas satisfaire l'ambition paternelle. Arrivés à point, les parents se voient continuellement obligés de recourir à la contrainte ; de plus en plus ils deviennent les ennemis de leurs enfants, bien que leurs préjugés moraux empêchent les uns et les autres de le reconnaître. La 1oi confère d'ailleurs généreusement aux parents le droit de châtier « justement » leur enfant, de le surmener par ambition, de décider contre son gré de son avenir, d'empêcher son mariage jusqu'à 21 ou 25 ans, de le faire interner s'il regimbe. Mieux : elle leur fait un devoir de l'empoisonner de religiosité, de patriotisme, au risque de lui enlever à jamais toute saine notion des choses. Ceci pour l'enfant de bourgeois. Quant au jeune prolétaire, il grandit « comme l'herbe pousse », ses parents n'ayant pas la moindre notion de la puériculture, de pédagogie. Incapables même de se nourrir intelligemment, comment pourraient-ils songer à s'écarter de leur routine? Bon nombre de tout petits passent leurs jours de la semaine dans l'urine, les dimanches dans les bistros - car les ouvriers modernes et évolués « sortent » leur femme! L'air enfumé rougit les tristes paupières, irrite la gorge sature les bronches... Tard dans la soirée, on s'en retourne à la maison. Chose étrange, le petiot n'a pas faim - il est vrai qu'à plusieurs reprises, on lui a permis de boire - oh si peu! histoire de calmer ses pleurs - au verre maternel, et qu'on lui a donné un bon gros morceau de charcuterie - il l'aime tant! Que nous voici loin des principes énoncés tantôt : air pur, nourriture et culture choisies...
Enfant et Société.
Outre les droits que la Société confère aux parents, il en est qu'elle s'attribue à elle-même. Le plus abominable, bien que le moins combattu, tant on y est accoutumé, est celui d'imposer à l'enfant une nationalité. On s'est à peu près affranchi de l'emprise officielle des religions, mais la religion nationaliste reste, et il semble même paradoxal de « refuser » une nationalité, comme on écarte de nos jours la religion. Il est interdit de refuser de payer, de la sorte, les dettes des autres. Nous sommes « amis » des habitants d'une contrée, « ennemis » de ceux de la contrée voisine. De même que les parents ont décrété tantôt que leur poupon sera marchand de vins et radical et protestant, l'Etat décrète qu'on haïra ses ennemis, et qu'on trimera pour équilibrer le budget! Pour parfaire le tout, on force les enfants mâles à apprendre le métier des armes et à faire usage de ces nobles connaissances contre le premier désigné : chose d'autant plus grave que le conscrit est encore, légalement, un enfant, puisque mineur. Et de fait, bien peu de conscrits comprennent la gravité de cette participation à l'armée ; beaucoup prétendent plus tard qu'ils s'y seraient refusés, s'ils avaient su plus tôt... L'enfant est aussi astreint, dans nombre de pays, à recevoir une instruction de premier degré. Le système d'enseignement varie suivant les pays, mais en tout cas, son but semble beaucoup plus être la propagande en faveur d'une doctrine sociale ou religieuse que le bien de l'enfant (v. enseignement). L'Etat s'occupe avec une sollicitude touchante de la réglementation de la filiation. Les enfants nés de parents mariés ensemble sont légitimes, et ont des droits sur le patrimoine de leurs parents ; les autres sont... naturels! Il y a d'ailleurs plusieurs façons de naître naturellement. En France, l'enfant naturel simple – dont les parents n'ont pas d'engagements légaux ailleurs - a droit, dans une certaine mesure, à leur succession ; il peut être reconnu et légitimé. Quant aux enfants nés de parents ne pouvant se marier ensemble - étant liés ailleurs - la loi en fait d'office des orphelins ; ils ne peuvent être ni reconnus, ni légitimés ; ils n'ont droit qu'à des aliments. Encore au-dessous de ces parias dans l'estime populaire, les enfants naturels incestueux, dont les parents - ne serait-ce que par alliance - sont de la même famille, jouissent des mêmes « droits» que les précédents...
L'enfant et les anarchistes.
Plus que tout autre, l'anarchiste s'intéresse au problème de l'enfance : le charme de celle-ci, les possibilités qu'elle porte en germe expliquent amplement ce fait. Par la force, l'enfant est irrémédiablement condamné à être la propriété de quelque tuteur. Contre l'un de ses tuteurs, l'Etat, l'anarchiste a pris nettement position : institution néfaste, il n'y a qu'à le forcer à disparaître au plus vite (voir Anarchisme, Etat).
Restent les tuteurs naturels : les parents. Ceux-ci ne sont guère qu'un « mal inévitable » pour l'enfant ; parents par malchance, ils considèrent leurs rejetons comme un fardeau haïssable : la propagande anticonceptionnelle diminue chaque jour le nombre des uns et des autres. Les anarchistes ont toujours été à peu près les seuls à la mener activement, les partis ouvriers la trouvant immorale. En France, elle est actuellement interdite. Un instinct puissant pousse d'ailleurs la plupart des parents à se soucier de l'intérêt de leur progéniture. Au nom de cet intérêt, l'anarchiste va s'adresser à ces derniers. Il leur montrera combien ils vont à l'encontre de leur but, en apprenant à l'enfant à tout sacrifier : fierté, indépendance, à une ambition à la vue courte, la plus grande richesse pour chacun étant de se sentir, soi-même, une valeur.
Aidée par la psychologie, la pédagogie moderne seconde d'ailleurs précieusement les anarchistes dans cette tâche. Depuis Fröbel et ses « jardins d'enfants » jusqu'au système Dalton, elle accorde chaque jour plus d'autonomie à l'enfant. En haut lieu, on est peu pressé de mettre en pratique ces dernières acquisitions en matière pédagogique : c'est qu'elles poussent à l'individualisme. Aussi les anarchistes accordent-ils de plus en plus d'attention aux questions touchant l'enfance.
- L. WASTIAUX.

ENFANCE n. f. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




C'est la première période de la vie de l'humain. Elle commence à la naissance, se termine à l'âge de la puberté (Voir puberté, enfant). L'enfance a un charme auquel l'homme sain, en général, est très sensible. Dans une autre partie de cet ouvrage, il sera sans doute parlé des grands amis des enfants, des Vincent de Paul, des Tolstoï, mais ce qu'on ne pourrait rendre, c'est l'enthousiasme qui, depuis des millénaires, anime les artistes, les savants, les penseurs innombrables, tous ceux qui ont entrepris d'exprimer, d'aider, de défendre l'Enfance au charme infini... Ce charme, l'anarchiste l'éprouve, j'ose le dire, plus que tout autre, car sa conscience d'antiautoritaire y est préparée par son regret spécifique des faibles et des sans défense. La vue de l'enfance malheureuse est pour lui une source intarissable d'énergie, un stimulant continuel et puissant. Il écoute douloureusement l'écho des souffrances de cette humanité confiante et, prévoyant ce qu'elle endurera encore demain, il s'efforce de l'équiper pour la lutte, de la rendre plus volontaire, plus indépendante, plus apte au bonheur (voir Education). Je l'ai dit plus haut : d'autres que les anarchistes se sont mis au service de l'enfance, mais seuls, par définition, puisque antiautoritaires, les anarchistes se doivent d'élever l'enfant pour l'enfant ou, si vous le préférez, le mobile égoïste de l'anarchiste cherchant à aider l'enfant est d'un degré « supérieur » à celui de la moyenne de ses concurrents : ceux-ci, en effet, voient surtout dans la protection de l'enfance un moyen d'étendre dans l'avenir leur propagande en faveur de leur système politique ou de leur religion, alors que l'anarchisme bien compris ne forme que des hérétiques. Quoi qu'il en soit, il n'en a pas moins fallu des siècles d'efforts de bon ou de mauvais aloi pour acquérir les maigres résultats actuels ; bien d'autres siècles, sans doute, s'écouleront encore avant que la grande détresse des petits cesse d'arracher des larmes de compassion. Les bonnes oeuvres se sont multipliées ; la « protection légale de l'enfance » a réglé d'une manière moins inique le travail des enfants dans l’industrie : limite d'âge, du nombre d'heures de travail, suppression du travail nocturne, etc. ; la loi garde un oeil ouvert sur les enfants en nourrice, appesantit sa main sur les parents indignes, mais... la plupart de ces progrès restent théoriques, le capitalisme refuse à la grande majorité des enfants la nourriture matérielle ou intellectuelle indispensable, les relègue dans des taudis ; la Mère Patrie crée des bagnes d'enfants, au mépris de la Science et de son déterminisme (voir L. Roubaud : Les Enfants de Caïn (Grasset). La loi conçoit étrangement le mot « indigne « , qu'elle applique trop souvent aux êtres dignes et indépendants, tout en distribuant des palmes aux fous dangereux, mystiques ou patriotes. Beaucoup plus « efficace » que sa protection légale est la prostitution légale et, par des primes et des distinctions, elle encourage une concurrence abominable dans la procréation parmi les misérables et les dégénérés, organisant ainsi le recrutement des armées de semi-humains nécessaires pour assurer un plus grand rendement à l'exploitation de l'homme par l'homme. L'Etat français - suprême honte – en organisant le blocus de l'immense mais faible Russie, en a fait, pendant des années, un enfer de l'enfance squelettique, un foyer de prostitution infantile dont les conséquences damneront encore plusieurs générations. Quant à l'enfance horrible de nos « frères arriérés » des colonies, je renonce à la dépeindre : on n'en rapporte - voyez, entre autres, les ouvrages de Vigné d'Octon et de G. Anquetil - hallucinante suite de viols et de tortures sans nom effectués par la grâce des drapeaux et des Bons Dieux de toutes sortes, de l'alcoolisme, du sadisme et du coffre-fort.

ENERGIE Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




On dit qu'un corps ou système de corps possède l'énergie lorsqu'il est capable de produire du travail. Cette énergie peut exister dans les corps soit à l'état actuel ou cinétique, soit à l'état potentiel.
On entend par énergie actuelle ou cinétique celle que possèdent les corps en mouvement. Nous la trouvons dans la nature produite par les chutes d'eau, les vents, les mouvements de la mer. A cet état, nous savons plus ou moins facilement l'utiliser, c'est-à-dire lui faire produire le travail dont nous avons besoin, et nous devons le faire au lieu et à l'instant où elle se produit. L'énergie potentielle existe à l'état latent ou en puissance, dans certains corps ou systèmes de corps au repos, et peut apparaître à l'état d'énergie actuelle, c'est-à-dire être utilisée, en un lieu et à un moment quelconques. Pour provoquer cette transformation en travail, il suffit d'une faible dépense d'énergie primitive. Considérons, par exemple, une certaine quantité de charbon : le système des corps constitué par le charbon et l'oxygène de l'air possède une énergie potentielle. En effet, il suffira de porter une partie du charbon à une température convenable pour que la combustion, c'est-à
avec l'oxygène, de toute la masse, se produise. Cette combustion permettra, comme on le sait, de vaporiser l'eau d'une chaudière et de mettre en mouvement une machine à vapeur qui produira le travail. L'énergie primitive qu'il a fallu dépenser pour transformer en travail l'énergie potentielle du système charbon-oxygène est représentée par la quantité de chaleur nécessaire pour porter une faible quantité de charbon à une température suffisante pour provoquer la combustion. Il y a différentes formes de l'énergie. On sait qu'on peut mettre en mouvement les machines d'une usine, c'est-à-dire produire du travail soit au moyen d'une chute d'eau, soit en utilisant la chaleur produite elle-même par la combinaison chimique de deux corps, carbone et oxygène (machine à vapeur), soit au moyen d'un moteur électrique alimenté par un courant. Donc, la chute d'un corps (torrent), la chaleur, les phénomènes chimiques, le courant électrique, sont des manifestations de l'énergie : énergie mécanique, thermique, chimique, électrique. On trouve dans la nature, d'une part, la matière ; d'autre part, l'énergie. Pour utiliser convenablement la matière, nous devons la transformer. Ex. : transformation des minéraux en métaux, les calcaires en chaux, etc. De même, la forme de l'énergie doit être transformée pour être utilisée. La possibilité de cette transformation nous est donnée par la machine à vapeur. L'énergie potentielle
chimique de l'ensemble carbone-oxygène s'est transformée en énergie thermique et elle-même en énergie mécanique. Cette énergie peut actionner une dynamo qui donnera de l'énergie électrique. Toutefois, cette transformation nécessite une certaine complexité d'appareils et elle ne se fait qu'à condition de consentir à une perte énorme de l'énergie mise en jeu, environ 90 %. Cependant, on peut transformer l'énergie sans
grande perte et on peut aussi la transformer facilement d'un point à un autre. Chacun sait que l'on peut transporter l'énergie produite par une chute d'eau et préalablement transformée en énergie électrique à plusieurs centaines de kilomètres ; et l'utiliser à son point d'arrivée, sous différentes formes (V. Electrification). On remarque que, dans un système, si aucune action n'intervient de l'extérieur, l'énergie se conserve en quantité invariable, quelle que soit sa transformation. C'est le principe de la conservation de l'énergie. L'énergie ne se crée ni ne disparaît : elle ne fait que se transformer. Si nous considérons une certaine quantité d'énergie électrique et que nous la transformions intégralement, partie en chaleur et partie en travail mécanique, la somme de ces deux dernières formes d'énergie sera rigoureusement égale à la quantité d'énergie première.

ENERGIE n. f. (du grec energeia, de en : dans et ergon : action) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Puissance, force, fermeté. Physiquement l'énergie est la capacité de travail qu'un corps est susceptible d'effectuer. Elle revêt diverses formes : l'énergie mécanique, l'énergie thermique, l'énergie électrique, l'énergie chimique, l'énergie musculaire, etc... Le principe de la conservation de l'énergie est dû à Helmhatz qui, le premier, en 1847, signala que dans un système, si aucune action extérieure n'intervient, l'énergie se conserve en quantité invariable.
L'énergie d'une expression ; l'énergie musculaire ; montrer de l'énergie ; avoir de l'énergie ; se défendre énergiquement ; un remède énergique ; agir énergiquement ; parler énergiquement.
A l'époque où la science n'avait pas encore capté les forces naturelles pour les mettre au service de l'humanité, l'énergie musculaire était presque seule utilisée pour répondre aux nombreux besoins des collectivités. A la contemplation de ce que nous a légué le passé, on reste sidéré de la somme d'énergie que durent dépenser les anciens pour exécuter les travaux indispensables à la vie des hommes et l'on se rend compte alors de ce que la civilisation doit au génie des chercheurs qui transforment leur intelligence en énergie mécanique, permettant à l'homme de triompher des obstacles inaccessibles à l'unique puissance musculaire.
L'énergie, quelle que soit la forme qu'elle emprunte est une source de progrès et il est faux, ainsi que le prétendent certains esprits rétrogrades, qu'elle soit un facteur d'asservissement social. Toute l'histoire oppose un démenti formel à une telle conception de l'énergie sur la vie des hommes.
Il n'est pas en notre pensée de louer la force en soi, quelles que soient ses manifestations. La force, a-t-on dit et répété maintes fois, prime le droit, et il est à redouter que longtemps encore il en soit ainsi. La force brutale, violente, incohérente est évidemment un facteur de domination sociale, cela est indiscutable, mais elle ne peut être combattue et détruite que par une force supérieure capable d'entraîner les hommes vers leur libération. Or, c'est l'énergie, sous toutes ses formes qui réalisera ce miracle car c'est l'énergie qui détermine l'évolution et qui permettra d'atteindre au plus haut sommet de la civilisation humaine.
Energie intellectuelle, énergie sociale, énergie chimique, énergie mécanique, énergie électrique, toutes ces manifestations de l'énergie ne sont en réalité que de l'énergie transformée, et se confondant les unes dans les autres. L'énergie est unique, mais asservie aux hommes elle emprunte certains caractères et travaille à leur émancipation.
La capacité de travail de l'individu a une limite qu'il ne peut dépasser sous peine de mort. La force musculaire est restreinte et s'il est vrai que la civilisation a pour but, non pas la restriction des besoins de l'humanité, mais au contraire leur développement, afin que chacun puisse goûter sainement à toutes les joies, physiques, morales et intellectuelles, il devient nécessaire de chercher en dehors des forces physiques de l'homme, une puissance susceptible de se substituer à la sienne et de produire en un temps moindre une somme de travail beaucoup plus élevée.
Si l'on imagine ce que coûtèrent de souffrances l'édification des monuments anciens, la construction des villes et des cités, l'énergie dépensée musculairement pour assurer l'existence des grandes agglomérations humaines et que l'on considère la vie actuelle des sociétés, on ne peut pas dire que l'énergie ne soit pas une source, un facteur d'évolution.
Suppose-t-on seulement combien de vies sombrèrent dans la construction de la célèbre Pyramide de Chéops, dite la « Grande Pyramide » qui mesure 138 mètres de haut, a 227 mètres à sa base, et une arête de 217 mètres? Maîtres de la mécanique et de l'électricité dont on est arrivé à capter l'énergie, de nos jours, quelque colossales que soient ces exécutions, elles ne présenteraient pas les difficultés du passé. Des travaux d'une autre envergure ont été exécutés, sans que le travailleur soit réduit à l'état de bête de somme, comme dans l'antiquité. N'est-ce pas à l'énergie industrialisée qu'il doit ce succès?
Et dans tous les domaines, les bienfaits de l'énergie se font sentir. N'est-ce pas grâce à elle qu'il est permis aujourd'hui à tous de se déplacer et l'énergie électrique ne permet-elle pas à l'individu de franchir en un laps de temps extrêmement court, des espaces que nos ancêtres directs auraient qualifiés de fantasmagoriques.
Et c'est encore à l'énergie industrialisée que nous sommes redevables, dans une certaine mesure, de la diminution progressive des heures de travail et par extension de la diminution de fatigue qui en résulte.
On pourrait certes objecter qu'aux manifestations bienfaisantes de l'énergie, on doit pour être juste, opposer tous ses bienfaits, et que si elle assure à l'homme d'aujourd'hui un bien-être relativement supérieur à celui dont jouissaient nos ancêtres, elle est également un facteur de destruction, car elle possède la faculté d'abattre, de tuer, de ruiner avec une rapidité et une atrocité déconcertantes. S'il en est ainsi c'est que l'homme ne sait pas se servir de l'outil qu'il a entre les mains et qu'il se trouve dans la situation d'un enfant auquel on donnerait une locomotive à conduire sur une voie ferrée. Ce serait un désastre ; il en est de même avec l'énergie. L'homme n'a pas seulement à son service une énergie musculaire, une énergie brutale, il a également une énergie cérébrale, intellectuelle, qu'il ne doit pas subordonner à l'énergie violente ; au contraire. C'est de sa fermeté, de son énergie morale que dépend tout son bonheur. Pour nous, et nous le disons déjà plus haut, l'énergie est un tout. Prise dans diverses formes qu'elle emprunte, elle peut paraître nuisible ; il est incontestable que l'énergie dépensée militairement ne peut être d'aucune utilité, mais c'est là justement que l'énergie sociale doit apparaître, se manifester hautement pour détruire l'énergie parasitaire qui envenime toutes nos sociétés modernes.
Le peuple peut, s'il le veut, disposer d'une somme d'énergie formidable ; il est le maître absolu de son avenir et, seul, il est responsable de la situation précaire dans laquelle il croupit. C'est à sa mollesse, à sa faiblesse qu'il doit s'attaquer s'il veut ne plus être un esclave, et avoir sa place au soleil. Si les travailleurs, les exploités, les opprimés, les asservis, les parias, dépensaient, pour leur libération, la dixième part de l'énergie qu'ils ont offerte au capitalisme et à la bourgeoisie, il y a longtemps qu'ils ne seraient plus des esclaves, mais des hommes libres. L'énergie est une source de progrès, il faut savoir s'en servir. Industrielle, musculaire ou intellectuelle, c'est elle qui guide et dirige le monde. Les maîtres l'ont accaparée et s'en servent pour dominer leurs sujets. Que les peuples se lèvent, qu'ils se refusent à être un puits de richesses pour une minorité d'oisifs et de profiteurs, qu'ils conservent, pour se défendre, toute leur énergie et ils sortiront victorieux de la bataille que livreront les forces de liberté aux puissances de réaction et de conservation sociale.

ENDORMEUR adj. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Lorsque le chirurgien doit faire une opération douloureuse, il endort le patient afin que celui-ci, ne sentant pas son mal, se laisse faire sans bouger et facilite l'opération. Il a soin cependant d'avertir son client, de lui demander sa permission et de le réveiller une fois l'opération terminée. Dans l'opération sociale qui consiste à dépouiller le malheureux, à le pressurer, à l'affamer, à le faire produire beaucoup et consommer peu, à l'envoyer à la boucherie lorsque ses maîtres l'ont décidé, le malade, c'est-à-dire le peuple, doit être endormi sans le savoir et ne pas se réveiller. Pour le maintenir endormi, il y a tout un tas de sinistres gredins occupés continuellement à lui verser du chloroforme sur le crâne. Les endormeurs sont tous ceux qui travaillent à détourner son attention de sa misérable condition sociale, ou qui l'engagent à accepter celle-ci en le berçant d'espérances pour la vie future, ou qui lui demandent de leur confier ses intérêts pour qu'ils s'en occupent en ses lieu et place.
Endormeur : le curé, de quelque religion qu'il soit, qui fascine la foule avec des cérémonies grandioses, qui s'introduit partout pour maintenir l'autorité de l'Eglise, qui ordonne aux pauvres (qui n'ont rien) d'abandonner les biens de la terre aux riches (qui possèdent tout), avec l'espérance d'obtenir un bonheur sans limite dans l'autre monde, afin que les parasites puissent vivre en paix dans celui ci ; le curé qui répète sans cesse à ceux qui souffrent : « Supportez avec résignation cette épreuve que Dieu vous envoie pour votre bonheur éternel. Soyez humbles. Soyez soumis et priez Dieu ! »
Endormeur : le moraliste qui nous prêche l'obéissance aux parents, aux maîtres, aux chefs, aux patrons, aux gouvernants ; la soumission aux lois, aux coutumes, aux préjugés ; l'amour paternel, maternel, familial, etc... , comme si cela se commandait ; l'amour du pays, du drapeau, de la patrie, bref toutes les amours, sauf l'amour charnel qu'il charge d'entraves jusqu'au point de le détruire ; qui nous conseille le renoncement à la vie, le sacrifice à l'intérêt général, à la grandeur du pays, et enfin, la mort pour la patrie!
Endormeur : l'économiste qui ne voit dans le travailleur qu'un instrument de production qu'il faut alimenter avec le minimum de dépenses, qui, après avoir compté les calories nécessaires à son entretien, lui conseille de se nourrir de haricots ou de lentilles pour assurer la prospérité du pays, qui lui vante la beauté de l'épargne - que des malins lui escroqueront - et de la surproduction qui amènera le chômage, la misère et la guerre.
Endormeur : le journaliste qui empêche le lecteur de penser, qui l'abêtit avec les récits des combats de boxe, des championnats de lutte, de courses, de danses, qui le gave de littérature idiote et malsaine, qui le nourrit de l'horreur des crimes, des scandales, qui fait du bluff autour des discours creux des gouvernants, de leurs faits et de leurs gestes insignifiants, afin de mieux cacher leurs œuvres criminelles et s'ingénie à passionner le peuple par des affaires retentissantes, genre Landru ou autres, lorsque les coquins qui tirent les ficelles de la tragédie sociale préparent leurs plus mauvais coups.
Endormeur : le politicien qui flatte les travailleurs, plaint leur misère, regrette leurs privations, leur reconnaît le droit à davantage de bien-être, mais leur défend bien de prendre eux-mêmes leur dû, leur recommande d'être bien sages et bien tranquilles, vu que lui se charge de leur faire obtenir satisfaction s'ils lui accordent leur confiance, et leur enjoint surtout de ne pas agir par eux-mêmes, car ils feraient tout manquer.
Endormeur : le chef ouvrier, bien casé dans une fonction syndicale, inamovible, vivant tranquillement dans son fromage, entretenu par les gros sous de ses compagnons de travail, ne craignant rien plus que de perdre sa place et d'être obligé de reprendre l'outil ; qui fait des discours enflammés contre le patronat dans les réunions publiques, mais qui est toujours prêt à châtrer l'énergie des ouvriers, lorsque ceux-ci veulent faire un mouvement de grève ou d'action directe ; qui prétend toujours que le moment n'est pas venu, qu'il faut attendre, que lui saura donner le signal au moment opportun, qu'il va intervenir auprès du patron, des pouvoirs publics, etc., et qui finalement, lance les ouvriers qui lui ont donné confiance dans les bras des politiciens.
Enfin, endormeurs aussi : ces entrepreneurs de Révolution, qui, après avoir jugé et condamné le régime capitaliste, ont décidé de se substituer à lui en adoptant ses institutions et en s'y adaptant eux-mêmes ; qui excitent la colère du peuple contre ses profiteurs et lui demandent de leur accorder le pouvoir pour faire, eux seuls, la transformation sociale, le rôle du Peuple devant alors se borner à attendre la Révolution sociale avec une sorte de fatalisme, sans avoir à s'en préoccuper autrement que pour fournir des soldats à l'armée révolutionnaire que les chefs de parti utiliseront comme ils l'entendront...
Et le peuple ainsi endormi par tous ces charlatans, ne sent pas le mal qui le ronge, l'oppression qui le suffoque, la chaîne qui l'étrangle, l'iniquité qui le tue. Il ne vit pas assez pour cela! Si parfois le mal devient si grand qu'il est obligé de l'apercevoir, il attend le guérisseur avec son baume et sa morphine, en l'occurrence le politicien avec ses promesses et ses réformes illusoires. Avec ces calmants, il se rendort de nouveau.
Il est temps de réveiller ce peuple. L'opération qui le dépouille, qui l'opprime, qui l'asservit, qui l'anémie, qui le tue un peu chaque jour quand ce n'est pas d'une façon brutale, a assez duré. Mettons à nu ses plaies, ses misères, ses souffrances, aiguisons sa sensibilité au lieu de l'anesthésier. Il faut qu'il sente son mal pour le connaître et pouvoir le guérir. Il en souffrira davantage? Soit! Il ne tardera pas alors à se révolter et à se débarrasser de tous ceux qui l'endorment pour le torturer et l'empêcher de vivre. Montrons-lui le chemin de la libération, maintenons son activité en éveil, répétons-lui sans cesse : « Si tu veux vivre, prépare ta vie toi-même ; produis, mais prends toi-même ce qui t'est nécessaire pour vivre ; si tu veux être libre, prends toi-même ta liberté ; si tu veux être heureux, puise toi-même aux sources du bonheur. La vie, la liberté, le bonheur ne se reçoivent pas ; ce sont des biens qu'il faut mériter et prendre. Le régime social actuel t'écrase et tu veux le voir remplacer par un autre ; attelle-toi à la besogne au lieu de compter sur ce que feront les autres. Détruis les institutions iniques, remplace-les par tes organisations à toi ; établis ton mode de vie sociale, mais n'oublie jamais que la Révolution ne sera que ce que tu la feras. Si tu restes endormi, si tu n'as pas la force ou le courage d'agir, tant pis pour toi ! Aucun autre ne peut agir à ta place. Ce n'est donc pas de te reposer sur nous que nous te demanderons, ni de nous donner ta confiance, mais d'agir avec nous, avec tous ceux qui souffrent, de travailler avec nous, d'étudier avec nous, d'élaborer avec nous une société qui sera ton oeuvre comme la nôtre et dont personne ne pourra t'enlever les conquêtes et les avantages. Et une fois cela réalisé, ne crois pas que tu puisses laisser les endormeurs tranquilles. Ils ne tarderaient pas à t'endormir de nouveau et à te replonger dans la servitude de l'esclavage. Il te faudra encore veiller sans cesse pour conserver les conquêtes de la vie. Le sommeil, c'est l'hiver, c'est la nuit, c'est la résignation, c'est la mort! »
- E. COTTE