mardi 12 août 2025

PROPRIÉTÉ encyclopedie anarchiste de Sébastien Faure

 



La propriété représente la chose possédée en propre ; mais il n’y a de chose possédée, de propriété, que par rapport à l’homme. La propriété, ou appartenance, comprend tout corps qu’un être capable de raisonner se rend propre, s’approprie pour son usage exclusif. Il y a plusieurs espèces de propriétés que l’on désigne sous les noms de : propriété foncière et mobilière ; propriété individuelle et collective ; propriété de droit absolu et de nécessité relative ; propriété corporelle et enfin propriété intellectuelle. Au cours des âges et des situations sociales, l’homme, stimulé par le besoin, approprie à son usage ce qu’il estime pouvoir lui être utile, soit en le produisant lui-même, soit en le recevant du producteur en don, en prêt à loyer ou à titre vénal. En légalisant la possession exclusive qu’elle garantit comme propriété, la société sanctionne le travail qui est censé n’avoir de rapport qu’avec un besoin rationnel et non d’abus. Il va sans dire que partout où il ya société, il y a propriété. Pour vivre, la société, qui est la collection des individualités, légitime la propriété en l’organisant relativement aux circonstances et à l’avantage exclusif des classes dirigeantes. Sans entrer dans des développements qui auront leur place ailleurs, nous allons brièvement nous occuper des propriétés annoncées, et tout particulièrement de la propriété foncière, Selon la période à laquelle on l’analyse, la propriété foncière s’annonce sous un aspect plus ou moins différent quant à son organisation. À l’origine des sociétés, étant donné l’étendue de l’Univers et la faible population qui l’habitait, la propriété foncière prenait certains aspects selon les circonstances et les besoins de ceux qui se l’appropriaient. L’ordre était plus facile à obtenir que de nos jours. De modifications en modifications, la propriété foncière, à travers les âges, aboutira à la propriété individuelle de notre époque. Ces diverses modifications, apportées au droit de propriété, n’ont été possibles que par l’ignorance des peuples tenus à dessein en dehors des connaissances de l’époque. Ce qui a été relativement bien à un moment donné ne l’a pas été à un autre et ne l’est plus à notre époque. Aliénée à un ou à plusieurs, la propriété foncière a été base d’ordre despotique, comme elle sera base d’ordre rationnel lorsqu’elle sera aliénée à tous, ce qui mettra le sol à la disposition de qui voudra l’utiliser. Ainsi, le sol, ou propriété foncière générale, se présente à l’homme sous le caractère de l’indispensabilité. Il n’en est pas de même de la propriété mobilière, qui est le résultat du travail sur ou dans le sol, et qui représente le capital, c’est-à-dire une chose utile qui aidera à la production de richesses nouvelles. Mais l’économie politique, qui est la science de la production organisée pour l’intérêt des classes possédantes et dirigeantes, confond adroitement l’utile avec le nécessaire ; et ce petit tour de passe-passe légitime l’exploitation des masses au profit des minorités régnantes et possédantes. C’est de l’escamotage social fait au nom de la légalité. Quand la liberté est suffisante pour examiner la justice de l’opération, l’appropriation individuelle du sol est un des principaux mobiles de l’anarchie en progrès accéléré. Tenues dans l’ignorance, les masses, à qui on apprend mille choses, et qu’on évite d’instruire sur les causes de leur misère et de leur servitude, s’agitent sur des buts plus ou moins puérils, socialement parlant, et n’agissent pas pour leur véritable intérêt. Elles sont le jouet d’illusions habilement entretenues pour le profit personnel des élites et de leur état-major. Réfléchissons que la propriété mobilière – ou capital – est toujours fonction du régime d’appropriation du sol, et que rien ne peut changer – socialement – tant que la source passive de toute richesse reste appropriée individuellement. Pour arriver à l’ordre social réel, une partie de la propriété mobilière, et provenant des générations passées, doit entrer, avec la propriété foncière, au fonds commun de prévoyance sociale. Quant à la richesse intellectuelle, dans une société organisée dans l’intérêt de tous, elle doit être socialement distribuée et rendue accessible à chacun suivant ses aptitudes. Partout où la propriété s’annonce comme étant la prolongation de la personnalité humaine, cette propriété représente le fondement et le respect de la liberté individuelle qui permet une égalité relative dans une atmosphère de fraternité sociale.


Elie Soubeyran.

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