Le travailleur, l’homme que l’on désigne sous le nom de prolétaire, est celui qui ne possède pas de fortune, n’occupe pas une situation suffisamment lucrative pour le rendre indépendant. Dans l’Antiquité, à Rome surtout, le prolétaire était, comme de nos jours, un homme pauvre, pour qui la société n’avait guère de considération que pour les enfants qu’il engendrait pour servir de chair à plaisir ou à travail aux classes dirigeantes de l’époque. Il y a plus de différence dans la forme que dans le fonds entre le prolétaire de la Rome antique et celui de notre époque. Le prolétaire a été et est encore plus ou moins ouvertement un esclave collectif et politique. Afin de définir plus nettement notre pensée sur le prolétaire, nous disons : tout membre de la société qui est complètement privé de la propriété d’une partie du sol, ou de ce qui en provient, et qui dépend, pour vivre, des propriétaires fonciers ou des capitalistes est un prolétaire. La propriété d’une richesse est une des conditions indispensables du travail, c’est-à-dire à la possibilité de pourvoir aux nécessités de la vie ; l’autre condition est l’intelligence développée par la participation aux connaissances acquises à la société générale. Quand la domination du sol, et de ce qui en provient, pèse sur la classe moyenne et sur lui, le prolétaire est moins malheureux que lorsque le capital dans son ensemble – c’est-à-dire richesse foncière et richesse mobilière – appartient à la noblesse et l’écrase. Si le travailleur déshérité s’est insurgé pour la bourgeoisie contre la noblesse, c’est qu’il avait été fort longtemps horriblement exploité par celle-ci. De ce fait, il a quelque peu amélioré son sort quant à l’alimentation et à l’existence proprement dite ; mais, par contre, il a appris à sentir davantage, c’est-à-dire à souffrir moralement et, aujourd’hui comme par le passé, il reconnaît avec le fabuliste que : son ennemi c’est son maître. Cette situation de demi esclavage ne peut cesser que par une nouvelle organisation de la propriété, en général, et de la propriété foncière tout particulièrement. C’est de cette organisation sociale nouvelle qui, sans désorganisation et dans l’harmonie sociale, donnera à tous et à chacun les moyens d’être les artisans de leur fortune et de leur destinée, que le prolétariat disparaîtra. La propriété du sol entrée au domaine commun ou social et la participation de tous aux connaissances acquises sont les deux principales réformes à réaliser si l’on veut voir disparaître le prolétaire, le prolétariat et, par suite, le paupérisme. Comme les propriétaires individuels formant des sociétés se combattent entre eux, malgré une apparente solidarité, et, à l’occasion, invoquent le secours des prolétaires pour renforcer leurs avantages, les travailleurs feront bien de se rappeler qu’ils sont encore les esclaves du capital et que leur intérêt véritable, sous toutes les latitudes, consiste à s’émanciper eux-mêmes.
E. S.
 
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