Cet ultime texte fut écrit autour du 15 janvier 2007, quelques jours après que Philippe est sorti de sa seconde expérience de coma. Ebauchées d'abord sous le titre "Postface", ces pages sont posthumes. Elles étaient destinées à la reprise, pour publication, d'un écrit de jeunesse intitulé "la disparition" (1968 - 1969).
Pour ce projet, Philippe avait préparé la page de titre : "préface à la disparition", une dédicace à Gérard Genette, une double épigraphe empruntée à Maurice Blanchot. "L'instant de ma mort" et "L'écriture du désastre". Et cette postface, écrite sur le petit carnet qu'il avait avec lui à l'hôpital. A ma question : "M'autorises-tu à lire ce texte à ton enterrement", Philippe avait répondu : "Attends, il faut que je le reprenne"
C.N.
Deux fois, donc, je suis mort. En l'espace d'à peine quelques mois: 25 mai 2006, 29 décembre de la même année. Chaque fois, usant de puissants moyens, on m'a ramené à la conscience - c'est l'expression consacrée - c'est-à-dire à ce monde en son entier, qui est parce qu'il "parait", sans la moindre exception. Mais à chaque fois j'eus la furtive intuition que ce qui s'offrait comme le monde était avant qu'il "existait" ("qu"il était présent), d'une existence qui précédait imperceptiblement la pleine existence de tout.
Tel fut l'envers de la disparition. Un effacement de la condition de l'exister - cette pure impossibilité. En somme, furtivement, l'impossible me fut possible ( "...un éclair, puis la nuit...") ; et à ce signe je reconnus soudain la condition de l'existence poétique. Laquelle n'est pas de traverser les apparences (il n'y a pas, précisément, d'apparences) mais de se risquer à se tenir au lieu [point] d'origine du paraitre qui est tout. Funambulisme métaphysique sans garde-fou métaphysique. Ou si l'on préfère: expérience métaphysique évidée , pure exposition au néant [dans son absolument retirement même].
 
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