" Non pas simple négation de la vie : car c'est du chaos d'exister lui-même, dont il noue les énergies dans une forme qu'il tire un monde.
Si aucune citation d'aucun poème ne suffira cependant à prouver qu'il opère la suspension-création que je prétends, cette impuissance elle-même fait signe : la genèse ne se démontre pas analytiquement. Elle se contemple avec ébahissement. On en reçoit les coups, on l'aime : c'est pourquoi on voudrait n'en finir jamais avec tel poème, ne jamais tourner la page, rester longtemps à son côté. Machine à retenir du temps. Arrêt sur image de big bang . »
Essayer de changer le monde - Ne se contenter ni de le postuler, ni de poser pour en être crédité - par l'opération du texte même, implique en effet qu'on ne demande pas à son lecteur une admiration béate et sans condition ( et même sans condition de lecture : qui lit vraiment, jusqu'au bout, les livres d'avant-garde?), mais un véritable "travail" intellectuel : le texte doit se comporter comme une machine à penser, à faire penser, à faire grimace la pensée. Or, pour cela, qu'il le veille ou non, l'écrivain à besoin d'une attention pour laquelle il est en concurrence avec une multitude de médias et supports, au premier rang desquels audiovisuels ( du cinéma aux séries TV en passant par Youtube) qui s'accommode qui plus est parfaitement de la passivité de leur récepteur. La concurrence est rude et les forêts d'honneur n'y suffisent."
"Il n'y a pas de génie, une œuvre n'est pas à admirer. C'est un instrument à penser, à créer le monde, qui fait être utilisé : et le poète n'est que le prolétaire qui le fabrique. Son travail est pauvre, élémentaire, il a les mains sans le cambouis de la vie : n'importe qui peut accomplir cette tâche, et tout un chacun le devrait pour redevenir, le poème achevé, son propre maître."
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