1/
Jamais.
Jamais le matin je ne me regarde dans un miroir.
Jamais.
Mais ce matin je l'ai fait parce que je savais. Je savais que je ne me verrais pas. Que mon visage ne m'apparaitra plus. Je l'ai disparu.
La veille, j'avais prévenu tout le monde, j'avais fait en sorte que personne ne soit surpris, que chacun puisse s'y préparer.
Et ce matin, je me suis disparu.
Je me suis plus disparu à mes yeux qu'aux yeux des autres. Il me le fallait. Afin de me survivre. Afin de survivre à ce que je me croyais être. Afin de n'être plus que ce que je voulais être. Un corps qui n'offrait plus de visage, qui n'imposait plus de définitif que la définition que chacun voulait y voir.
De mon visage, je n'en ai jamais eu le moindre souvenir. Cela n'allait donc pas m'imposer des regrets ou de vieilles nostalgies.
©M. A. 26/02/24
2/
Je reviens sur la dernière partie de ce que j'ai dit hier. Je n'ai aucun souvenir de mon visage. Car je l'oublie aussitôt qu'il a disparu de mon regard.
A chaque fois que je parle ou que je m'exprime, celui-ci prend une forme à chaque fois différente, il devient ce que je dis ou le sentiment que j'exprime. Je ne veux ressembler qu'à ce que j'exprime.
Il est important pour moi aussi que mes interlocuteurs ne gardent aucun souvenir de mon visage, qu'il n'ait en mémoire que les paroles que je prononce. Et l'intention ou l'intonation.
Il m'est difficile d'entendre les compliments que l'on peut me faire sur mon physique. Ceux-ci me déstabilisent, m'indisposent, je n'y crois pas; ce qui est paradoxal, je sais ces gens sincères. La vision que peuvent en avoir les autres ne peut en aucun cas contrer la violence de mon propre rejet. Je vis mon rejet, je suis mon rejet.
J'ai, semble-t-il, trouvé un confort à raisonner de cette manière. J'y trouve une certaine forme d'élasticité, c est le vocable qui m'est venu dans la réflexion, une élasticité qui me permet d'être et de dire tout ce que j'ai envie de dire.
Je trouve aussi un confort de m'oublier, une assurance que je n'aurais peut-être pas si j'avais en permanence en mémoire les grimaces de mes expressions.
©M. A. 27/02/24
3/
Il est évident que je ne peux m'arrêter à ce qui a été dit hier, il est très important sinon essentiel de poursuivre ma réflexion. Soit j'en ai trop dit ou trop peu.
Je veux ici rassurer ceux qui s'inquiète: je ne souffre pas. Lorsque l'on se rejette avec autant de violence, ou de détermination, et depuis si longtemps, on ne souffre pas de son absence.
On compose.
Pour dire plus ou plus exactement afin de préciser la pensée, il m'arrive parfois, lorsque je suis en conversation, ou lorsque j'argumente sur un sujet qui me passionne, que, soudain, mon visage m'apparaisse. Alors, il se peut que je bégaie, que je devienne écarlate alors il me faut m'éloigner de la conversation, des interlocuteurs, mais surtout de celui qui menait la conversation et qui m'est apparu.
Il m'arrive parfois, également, et l'instant est plus cocasse, que par rapport à mes arguments de ma conversation ou de ma discussion, un visage m'apparaisse mais que celui-ci n'est absolument pas adapté au sujet. Il me faut alors me reconcentrer pour que le masque adéquat me revienne.
Il s'agit simplement du vieux théâtre antique grec.
©M. A. 27/02/24
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