« Non content d’étouffer dans
l’ouvrier la vie intellectuelle et la vie morale, les industriels lui ravissent
encore la vie animale par l’excès de travail et les privations en maintenant
une partie des travailleurs dans le chômage, et en surchargeant l’autre partie
d’un travail excessif. On peut dire sans exagération qu’ils font lentement
mourir les uns de faim et les autres d’épuisement. »
« 31 décembre 1869 Aux
membres de l’Association internationale des travailleurs À tous les
travailleurs Déclaration En présence de l’appel si légitime et presque
désespéré des ouvriers houilleurs de Waldenbourg (Allemagne) adressé aux
membres de l’Association internationale des travailleurs, et dans
l’impossibilité où nous sommes d’intervenir matériellement dans la lutte qu’ils
ont à soutenir en ce moment contre les chefs industriels, pour s’assurer une
existence conforme à la dignité humaine. Nous faisons la déclaration
suivante : La longue période de grèves que nous traversons et qui menace
de se perpétuer épuise chaque jour les caisses des sociétés ouvrières sans
amener d’autre résultat que de faire ressortir l’immoralité des moyens
qu’emploient les détenteurs du capital pour se soustraire aux réclamations
toujours modérées des prolétaires. La situation économique n’est pas changée
elle est encore la même. Partout les détenteurs du capital se sont montrés
indignes ; car partout s’appropriant arbitrairement le produit du travail des
générations passées et de la génération présente, ils se servent des
instruments que le hasard de la naissance, la spéculation ou l’exploitation ont
mis entre leurs mains pour tenir le prolétariat en lisière. L’introduction dans
l’industrie des machines et des procédés scientifiques qui aurait dû améliorer
les conditions physiques, morales et intellectuelles des travailleurs, n’a
contribué, au contraire, qu’à aggraver leur sort. Non content d’étouffer dans
l’ouvrier la vie intellectuelle et la vie morale, les industriels lui ravissent
encore la vie animale par l’excès de travail et les privations en maintenant
une partie des travailleurs dans le chômage, et en surchargeant l’autre partie
d’un travail excessif. On peut dire sans exagération qu’ils font lentement
mourir les uns de faim et les autres d’épuisement. Ils ne tuent pas ils font
mourir. Comme l’a dit le docteur Bridges : « Au sein de nos grandes
et grandissantes cités il y a des plaies en comparaison desquelles les
massacres féodaux semblent des combinaisons heureuses. Il est terrible que le
sang soit versé, mais il est autrement terrible qu’il se dessèche et se
consume. » En un mot, ils mettent constamment les travailleurs dans
l’alternative de subir des conditions impossibles ou de tomber sous les balles
fratricides comme à Lépine, Dour, Seraing, Frameries, La Ricamarie et Aubin. En
présence de cette situation que pouvons-nous faire ? Les grèves se multiplient,
révélant toujours des abus de même nature et sont successivement vaincues,
l’obole de solidarité que l’ouvrier prélève sur son nécessaire, l’association
même sont manifestement insuffisants, le mal est trop profond, il faut d’autres
remèdes. Ce remède ne peut être que dans une transformation radicale de notre
état social. Cette transformation radicale, objet de tous nos vœux, nous
l’appelons de toute notre énergie. Paris, le 31 décembre 1869 A. Combault, rue
de Vaugirard, 289. E. Varlin, rue Dauphine, 33. B. Malon, impasse
Saint-Sébastien, 8, G. Mollin, impasse Saint-Sébastien »
« Quoique nous ne soyons pas
disposés à suivre les libéraux de l’empire dans la voie des petites réformes et
que nous n’attachions que peu d’importance à toutes ces petites mesures, à
toutes ces libertés spéciales que l’on nous accorde avec tant de réticence,
nous qui prétendons arriver au plus vite à la possession de tous nos droits, à
la vraie liberté, celle qui les contient toutes, nous ne devons cependant pas
laisser passer une occasion d’amoindrir l’obstacle qui nous gêne, en attendant
que nous puissions l’anéantir complètement. Plus il sera ébranlé, plus il sera
affaibli et moins nous aurons de peine lorsqu’il faudra donner la dernière
secousse. D’ailleurs les institutions d’un peuple ne peuvent se changer
qu’autant que ses mœurs se modifient. Pour préparer la République, il faut nous
habituer à en pratiquer les usages autant que nous le pouvons, dans toutes les
occasions… Voyez nos sociétés ouvrières de toutes sortes : Crédit
mutuel, résistance, solidarité, chambre syndicale, etc., partout la présidence
autoritaire, dernier vestige de l’idée monarchique, est bannie de nos
organisations, partout nos statuts et règlements, nos lois à nous, sont
discutés et votés directement par ceux qui doivent les respecter…Nous devons
savoir par expérience que les lois ne sont ordinairement abrogées par les
législateurs que quand les mœurs publiques les ont annulées de fait en en
rendant l’application impossible. Agissons donc »
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