dimanche 21 juin 2020

Je n’aime pas la police de mon pays Par Maurice Rajsfus




« Quelques rencontres inopportunes, aussi bien au temps de l’occupation qu’en 1962 ou en 1968, me conseillaient cette indispensable réserve envers ces contemporains qui n’étaient pas de mon monde. Très simplement, les policiers faisaient partie de ceux d’en face, de cette catégorie d’humanoïdes dont il n’était pas souhaitable de rechercher la compagnie. »

« Pourtant, le 22 juillet 1977, en appel, les deux journalistes étaient relaxés à la suite d’une plaidoirie de leur défenseur, qui avait fait remarquer qu’il était « conforme à l’intérêt général que la police, chargée de protéger les citoyens et de faire respecter les lois, s’abstienne de toute irrégularité, et garde en toutes circonstances son sang-froid, que ces manquements répétés à ces règles d’action sont de nature à altérer les rapports de confiance qui doivent exister entre la population et les fonctionnaires de police* ».

« « Les brigades anticriminalité (BAC) représentent un trouble permanent à l’ordre public, dans les quartiers populaires et les banlieues. Par leurs interventions provocatrices violentes et fréquemment racistes, les BAC constituent un ferment de haine et créent régulièrement des situations de conflit. Alors qu’il est surtout question de médiation et de prévention dans le discours du ministre de l’Intérieur, l’intervention des BAC tend à exacerber la haine plutôt qu’à faciliter la paix sociale. C’est pourquoi nous demandons la dissolution de ce corps de police qui n’a pas sa place dans une société démocratique digne de ce nom. » »

La réalité peut dépasser la fiction ! Après avoir vu des gendarmes mobiles et des CRS défoncer à la hache les portes de l’église Saint Bernard, nous savons désormais que, dans un avenir proche, les forces de l’ordre n’hésiteront pas davantage, le cas échéant, à s’attaquer aux portes des locaux syndicaux ou des partis politiques. À ce stade, il ne s’agit que d’échelons à franchir dans l’escalade répressive. Lorsque de telles interventions paraissent naturelles à des hommes chargés d’assurer la sécurité des personnes et des biens – mission de base de la police –, il y a de quoi être inquiet. En effet, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne stipule-t-elle pas dans son article 12 : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique. Cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée… » ? Un autre rappel nous paraît important : l’article 7 du code de déontologie de la police nationale, décrété le 18 mars 1986, est sans équivoque : « placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d’une manière exemplaire. Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques. » Encore une petite, pour la route ? dans le même code, il est dit, à l’article 10 : « toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police, elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence, ni aucun traitement inhumain ou dégradant. » hélas, la réalité peut dépasser la fiction… octobre 1996. »

« Un exemple de brutalité ordinaire : après un passage dans les locaux de la 4e division de la police judiciaire, à paris, un détenu s’est retrouvé avec « une fracture des deux branches mandibulaires, des ecchymoses dorsales stellaires compatibles avec un coup ou un écrasement par une semelle de soulier… » En conclusion de son rapport, le Cpt rappelle que « rien ne saurait justifier que des membres des forces de l’ordre brutalisent une  personne, dès lors qu’elle est maîtrisée ». On ne saurait mieux dire… Juin-juillet 1998. »

« Peine de mort
Faudra-t-il, bientôt, constituer un comité pour l’abolition de la peine de mort ? En effet, il devient trop fréquent de lire dans la presse qu’un citoyen de ce pays est tombé sous les balles d’un policier ou d’un gendarme – lesquels n’étaient nullement en situation de légitime défense. Certes, il serait faux d’affirmer que les quelque 225 000 membres des forces de l’ordre sont tous animés par cet instinct de mort qui conditionne les mercenaires. Il nous faut pourtant constater que nombre de ces hommes se comportent bien plus en justiciers – ce qui n’est pas leur rôle – qu’en gardiens de l’ordre public chargés de la protection des personnes et des biens. D’où ces dérapages meurtriers qui nourrissent trop souvent la chronique. Pour un oui ou pour un non, sans raison, l’arme sort de son étui, se fait menaçante, et le coup part – accidentellement, nous dit-on. Ce n’est que par hasard, bien sûr, si la balle arrive à la tête ou dans un organe sensible. Jamais dans les jambes. Il serait plus que temps d’en finir avec cette idéologie sécuritaire qui alimente la hargne de trop nombreux policiers. Il serait temps de rejeter du corps policier les violents et les racistes, comme tous ceux qui ignorent tous des droits de l’homme à la peau colorée. Il serait temps, dans les écoles de police, d’apprendre aux futurs gardiens de la paix comment ne pas se servir de leur arme… Mars 1999. »

« Trop malpolis pour être honnêtes Monsieur Sarkozy, si vous appreniez la politesse à vos fonctionnaires, la banlieue serait peut-être plus calme. Outre le tutoiement, quasi habituel, destiné aux « individus » que nous sommes, de plus en plus de policiers s’attribuent le droit d’injurier ceux qu’ils interpellent. Il nous revient de sources multiples, chaque jour plus nombreuses, que le traitement verbal réservé aux immigrés colorés en général, et aux Maghrébins en particulier, atteint désormais un niveau insupportable pour les oreilles d’un citoyen élevé dans les principes de la République des droits de l’homme. Les « sale bougnoule » ou « sale raton » bien connus sont complétés par des mots tendres tels que « déchet » ou bien « ordure ». Les femmes sont également victimes, à l’occasion, d’un vocabulaire dont la galanterie est totalement exclue lorsqu’elles sont l’objet de la fureur des forces de l’ordre. Ainsi, « morue » ou « salope », voire « putain » ou « connasse », ou encore « pétasse », quand ce n’est pas plus suggestif : « va te faire sauter. » Quant au commun des mortels, même interpellé par erreur, il n’est pas rare qu’il puisse s’entendre qualifier de « fumier » ou de « salaud ». Si l’on se réfère au guide pratique de la déontologie de la police nationale édité en 1999, on y trouve à propos de « l’image de la fonction policière » ce rappel indispensable : « Comment conserver sa dignité aux yeux du public ? En prescrivant les excès de langage, les familiarités, les gestes déplacés. En faisant preuve de retenue dans les actes et propos. » nous ne trouvons rien d’autre à ajouter à cette leçon de morale. Novembre 2002. »




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