"J'ai clamé à celle que j'aime « lambeaux »
que ne m'a-t-elle pas répondu lorsque ce cri est sorti au milieu de la nuit, au milieu de ce sommeil qui ne me possède plus et qui ne m'envisage plus non plus.
Elle a allumé et m'a regardé. Elle a cherché à comprendre.
Je me suis aussitôt retourné afin de ne pas à avoir à lui répondre. Sans doute allais-je devoir le faire le lendemain. C'est à dire dans à peine quelques heures, celles qui séparent le matin de cet instant isolé.
« Que viens tu de dire ? »
Elle ne veut pas me laisser ce répit. Elle exige la réponse immédiate, sans doute pour clore l'incident. De ne à avoir à y penser, juste y faire face dans l'instant.
« J'ai dit Lambeaux.
-et peux tu expliquer que tu aies à clamer cela dans la nuit alors que chacun cherche le sommeil ?
-Ce mot là est installé dans ma tête et veut jaillir à chaque parole que je porte et là, je n'ai pas pu l’empêcher de sortir, comme je le fais depuis des jours et des jours.
-Veux tu dire que tu es « lambeaux » ?
-En fait, je suis la perte de moi-même à chaque fois que je pense le monde tel qu'il est. Toute les chairs du monde se représentent comme une suite sans fin de peau que l'on déchire. Lentement, et on jette dans les bûchers les restes des humaines dépecés.
-En fait, c'est un cauchemar...
-C'est le monde tel que je l'entends se tordre sous les coups. J'ai le goût du sang.
-Comment on fait maintenant ? En fait comme si on n'avait rien entendu, comme si tu avais encore retenu ce cri ?
-Je ne sais pas. Je ne voulais plus en parler mais c'est toi qui veut savoir. Savoir n'est pas la paix. En fait, lorsque je pense cela, je suis à l'extérieur de moi et je visite l'extériorité de mes sensations. Je veux le silence, je veux le silence, je ne veux plus des mots, je ne veux plus. Je ne crois plus en eux. Tous les discours sont la vérité que l'on ne veut pas dire. La vérité est sue mais silencieuse, cachée. Pour ceux qui feignent d'y croire. Le silence est fait de mots qui gardent le sens réel, il ne peut être perverti, il est ce que je veux oublier de ce que par quoi je souffre. Dis moi, peut-on sortir encore quelque chose de tout ce merdier ? « Lambeaux » ou le silence. Mais ce silence qui n'est pas un choix est une violence personnelle que je m'inflige. Mais cette souffrance est moindre par rapport à ce que mes oreilles entendent. Je n'écoute plus rien mis je ne peux empêcher mes organes d'entendre. Je veux ne plus avoir envie de répondre de justifier de communiquer, d'argumenter. Je veux opposer le silence à tous discours à toutes fanfaronnades, toutes les gesticulations sont des agressions non seulement sonores mais également verbales. Ce mot n'est pas le silence que je veux vous imposer mais il est un instant verbal non anticipable. Maintenant, pouvons nous dormir, éloigner tout cela suffisamment de nous pour nous endormir ? »
Sans attendre, je me retourne de nouveau. Et je me dis : « comment expliquer que l'on puisse dire « lambeaux » sans aucune raison?"
 
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