dimanche 2 février 2025

Rendre hommage à Bernard Noël. Par M.A.

 Faire découvrir et parler de Bernard Noël.



Comment faire ? Il n’en voudrait sûrement pas des fiches techniques sur auteur. Je ne vais pas faire une fiche Wikipédia.



« Bernard Noël est né… ».



Eh bien, oui il est né et c’est tant mieux pour nous. Tant mieux pour la littérature, la poésie, bref la culture. Il est un bouillon de culture.

Son œuvre est immense, immense et hétéroclite. Capable de parler de tout ce qui le passionne, c’est-à-dire à peu près tout et en parler comme personne n’en parle. Tient, c’est presque ce que dit Michel Surya pour la préface du dernier livre tiré des écrits de Bernard Noël sur André Masson



« Là, il y aura oracle ».



Je recommence.



Découvrir Bernard Noël c’est se dire que la poésie se clame comme dans les temps de la Grèce antique. La poésie se partage, elle ne se susurre pas. Elle ne se lit pas dans un lit douillet pour s’endormir. Le bouquin se casse la gueule et la poésie avec.



Je recommence et je lance :

Bernard Noël est celui qui dit les choses telles qu’on les pense sans savoir que nous les pensons. Il nous les expose telles que nous les voyons, sentons.



Je recommence.



Bernard Noël a fait effraction dans mon univers littéraire par un texte « L’outrage aux mots ». Je le lis. Je le relis. Et plus je le relis plus j’entends ma voix qui s’élève et je me dis



« mais pourquoi le lis tu à haute voix ? ».



La réponse est simple, je me dis. Je ne peux pas faire autrement. Je ne peux pas. Une autre fois, j’ai essayé et puis ça a fait pareil.



« L’outrage aux mots », l’histoire de la littérature qui s’est libéré avec Sade (et à quelle prix pour Sade). Elle doit être libre dans l’absolu et absolument libérée. Aucune barrière, aucune limite.



Bernard Noël est le dernier écrivain au temps de la littérature libérée qui a été jugé pour outrage aux mœurs. La censure qui change de costume devient SENSURE.



Bernard Noël ne peut ni ne veut se défendre car il est innocent, innocent parce qu’il est poète/écrivain et que l’on ne coupe pas les ailes d’un oiseau.

De proie ou pas

il vole.



Il ne se défend pas. Pas beau le juge qui demande qu’il s’explique, qu’il s’excuse pourquoi pas…Pas question de se défendre, Sade est passé par là, tous les écrivains sont libres et peuvent tout dire. Nabokov n’a pas eu de jugement lui, et pourtant…Il fallait qu’il écrive cette Lolita, qu’il la maltraite pour que l’on comprenne peut-être ce que les prédateurs ont dans la tête, leurs mécanismes.

En 1966, il commençait à dénoncer et personne n’a été plus loin que l’œuvre. Sauf pour la pervertir comme l’a fait Kubrick.



Je recommence.



« L’outrage aux mots » parle du récit coupable « Le château de Cènes ». Le récit qui passe en jugement. Le dernier. S’expliquer, expliquer pourquoi on écrit ça, pourquoi il faut que cela arrive sur du papier et qu’on le publie. Expliquer que tout peut être écrit, dit, développer. Rien n’est interdit. Faire attention à qui lit, mais c’est le rôle des parents, pas des écrivains. Eux quand ils écrivent, ils sont seuls, il fait souvent nuit ; pas parce qu’ils se cachent mais parce que l’obscurité permet de ne se plonger dans la lumière intérieure de ce que l’on a à dire. Les écrivains sont libres, les parents moins, ils ont des devoirs, devoir de protéger les gosses des livres difficiles mais aussi de la pornographie facile sur internet, des téléphones lumineux qui passent des vidéos débiles abrutissantes. Et si finalement, ce récit était moins dans dangereux pour l’enfant que toute cette merde internétisée…

Donc, j’ai promis à Bernard de lire « Le château de Cènes », je l’ai lu. Mais je vais le relire.

Je vais faire comme j’ai fait pour « L’histoire de l’œil » de Bataille, je l’ai relu.

Comme « Madame Edwarda », livre magnifique qui demande, nous oblige à lire deux trois fois quatre et pourquoi pas autant que l’on veut, autant que l’on doit.

« Le monde des amants/l’éternel retour » de Surya qui tourne entre le « fini » et le « revenir », lu et relu, et relu encore parce que, il faut, j’ai envie c’est vital, c’est le sang qui circule. Cet ouvrage est une valse endiablée, enivrante. C’est le plus beau roman d’aventure que j’ai lu. Le héros « penser » est plus fort que toutes les énigmes de l’homme. C’est une hémorragie, du plaisir qui ne fuit pas le corps, qui n’est pas animé par autre chose que l’immobilité.

Bernard Noël c’est pareil.



« Les premiers mots » est un dialogue qui glisse entre les mots et le corps qui tente de parler aussi fort, ce sont ces êtres qui ne se regardent que par la parole qu’ils ne peuvent plus échanger.

« La lettre d’Anna », on traîne dans ce corps que la maladie ronge pendant que cette femme devient de plus en plus belle visible existante.



Une question m’est venue dernièrement : Bernard Noël était-il heureux ?



Je recommence.



Bernard Noël est utile. Bernard Noël m’est utile. Bernard Noël est indispensable.



Voilà, la présentation de Bernard Noël et c’est déjà beaucoup, peut-être beaucoup trop, ses textes suffisent. Il faut les lire, les savourer. A déguster.



M.A.

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