Il est l'heure.
La nuit,
la nuit, c'est le repos que l'on cherche à tout prix,
A tout prix,
Je vais payer le prix de ma paix mais ne sera-t-elle que provisoire ou toute relative?
Après tout elle sera ce que j'en ferais, elle ne nécessite aucune intervention extérieure.
La nuit, cette course sans fin à la recherche d'une quiétude.
Et c'est cette certitude que j'ai trouvé au petit matin m'a permis le sommeil.
Ce sera un récit.
Sans début, sans fin, sans fil.
Je l'ecrirai debout pour aller vite.
Un récit parce que tu maitrises tout, ta liberté. On ne peut juger un récit surtout avec le peu que les gens en connaissent.
Je ne suis pas une histoire.
Je ne veux pas écrire une énième histoire,
une énième jérémiade.
Pas de complaisance, pas de répit et pas de pitié. Je ne veux pas de pitié.
La pitié ça bave partout, ça colle et ca pue; ca salit tout ce qui peut être fait, la pitié c'est forcément un jugement négatif.
Je vais incarner le geste que je m'apprête à faire.
Plutôt à concrétiser. A finaliser.
Parce que, depuis des mois, je le répète mentalement, il n'y a plus qu'à le faire.
Pour tout le monde, je vais devenir le geste; dorenavant, ils ne verront plus que ca, il deviendra le voile définitif.
Je dis c'est aujourd'hui. Définitivement aujourd'hui.
Il a fallu un jour, ca a toujours été celui-là sans que rien ne le signale, ou ne le distingue des autres. C'est celui là qui a pris la décision d'être celui-là.
Pas de date, ni le nom de jour.
Un point sur un parcours.
Un repère dans un temps abîmé.
Je me lève.
Personne alentour.
C'est une suite de gestes maintes fois préparés, prémédités, je regarde encore une fois les objets qui m'entourent. Ils n'ont aucune consistance, ils ne seront pas un obstacle.
Trop de pensées, je me secoue.
Je veux un récit court, lapidaire, ciselé, précis, chirurgical.
Je l'écrirai debout parce qu'en fait, c'est une course.
Ce sera une course.
Sans affect.
Ce que je m'apprête a faire ne me demandera ni courage ni pleurs . Ce sera la finalité d'une décision mûrement réfléchie. Oui, c'est ce qu'il faut faire. Le faire pour ne plus avoir à souffrir moralement, ni plus subir, ne plus imposer à moi et aux autres cette part de moi-même.
Rejeter une dernière fois une part détestable de ce que je suis. Je suis en parti esprit, je suis tristement, laidement, adipeusement aussi un corps, une enveloppe, un carcan que je n'ai pas choisi et que serais je si j'avais pu choisir ?
Je me dirige vers la cuisine.
Nulle part,
nulle part, nul reflet,nulle image,
dans cette maison dans laquelle je me traîne, je ne suis qu'un fantôme mais aucunement humain, c'est à dire plus cette carcasse graisseuse adipeuse.
Je ne m'existe plus, et je m'apprête à ne plus vous exister.
Je vais devenir celui qu'il faudra fuir,
celui sur lequel nul regard ne pourra plus se poser.
Je fais ce récit pour ne plus parler, ni expliquer, il faudra lire. Je deviendrai le visage de ce qui n'autorise plus les paroles, les conversations.
Il le faut.
Ce monde. Ce monde haï sera le coupable, s'il en faut un, de ce que je vais accomplir.
Et puis, ce n'est pas la haine contre quelque chose d'extérieure mais bien une répulsion qui m'est propre.
Dépasser la haine.
Pas de haine, pas de haine.
Dépasser la haine, le chagrin, ces questionnements perpétuels, juste une certitude de la solution idéale.
Elle ne l'est peut-être pas, mais pour moi, elle est la seule.
Le seule que j'accepte, la seule que je tolère.
Qui me jugera ne m'aimera pas.
Je vais devenir mon propre exil. Ma propre camisole. Je vais incarner enfin ce que je vais disparaître.
Un récit.
Un court récit comme un coup de scalpel.
Ce sera une plaie, une douleur dont je vais devenir amoureux. Je vais devenir l'amant de ma plaie, de mes plaies.
Un avenir est dans ce qui va disparaître aussi, je vais offrir à ceux qui oseront me regarder le peu de souvenir que j'étais.
Il est temps.
Un récit viendra après, au sang, au scalpel.
Le pas est ferme.
La main ne tremble pas.
J'arrive dans la salle de bain.
Je prends une photo de la scène car il faut quand même de l avant qui doit rester. Juste un décor, pas de personnage.
Le geste sera vif, précis et surtout, surtout sans retour. Précisément il est indispensable qu il soit sans retour.
Donc, face à la dernière glace de la maison, je plante mes pieds dans le tapis de bain et là, je sais que je n'ai pas le choix, je vais devoir me regarder.
Mais c'est la dernière fois. L'ultime fois, forcément la dernière.
Je mets mes gants, je prends la serviette, je la plonge dans le récipient en fonte. Je mets mes lunettes de plongée. J'attrape la serviette rapidement et, sans aucune hésitation, je la jette sur mon visage.
Ce que je décris à partir de maintenant, je l'ai écrit une fois que je me suis réveillé.
La douleur
Une douleur qui m'a coupé les jambes, qui m'a tellement coupé le souffle que je n'ai même pas hurlé et pourtant...
Donc, après m'être réveillé, m'être assis, il a fallu que j'enlève les lunettes qui avaient commencé à fondre.
A ce moment, la douleur est revenue, aiguë, rentrant dans mes chairs.
Je me suis levé.
J'ai relevé la tête et j'ai vu :
la Cicatrimorphose.
J'ai enfin fini mon récit, en plus, j'ai le titre, je l'envoie à mon ami Michel.
Il devient un confident.
M.A. 30/11/24
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