samedi 18 novembre 2023

« La souveraineté alimentaire » par M.A.

 


Conférence sur le sujet organisée par l’Université populaire de Fécamp avec un intervenant d’Artisan du Monde.

 

Si l’initiative de cette conférence sur le sujet peut être louable, elle pose un problème sur le fond et sur la forme, et, surtout, sur la finalité de la question. Elle interroge et laisse sur leur faim les plus exigeants.

Sur le fond :

Comment parler des échanges commerciaux internationaux sans évoquer la guerre de 1945 et les décisions qui en ont suivi ?

La guerre mondiale vient de s’achever avec des millions de morts et l’ensemble de l’Europe détruit par les belligérants. A peine la paix signée, sous couvert de reconstruire entièrement les pays et les villes ravagées et stabiliser une situation économique catastrophique, les dirigeants se sont réunis pour créer des instances diverses et variées afin de parvenir à leur fin. Mais en réalité, la finalité de ces décisions est de reconstruire le fameux monde d’avant (déjà !) c’est-à-dire un monde capitaliste, mondialisé pour le coup afin d’éviter tout nouveau conflit et surtout, faire en sorte que les pays du Nord restent les maitres du monde et les pays du Sud ceux qu’il faut piller car ils possèdent énormément de matières premières.

La première de ces organisations est l’ONU.

L’ONU est une organisation qui s’est constituée afin de prendre la place de la Société des Nations par 50 premières nations à la fin de la guerre au printemps 1945.

Aujourd’hui 193 pays sont entrés dans l’ONU.

L’ONU prend des résolutions sur les conflits en cours dans le monde mais qui n’a aucun pouvoir de contrainte. Par exemple, puisque c’est l’actualité, pour le conflit Israélo-palestinien, 226 résolutions ont été lancées contre Israël sans qu’aucune n’ait jamais été suivi d’effet.

 

 

 

Viennent ensuite  Les accords de Bretton woods ont été signés le 22 juillet 1944 ce qui a donné par la suite la création de la banque mondiale et le fond monétaire international.  Les négociations ont duré du 1 au 21 juillet 1944.

Ces accords voulaient mettre en place des organes qui permettraient de garantir les systèmes monétaires et des marchés afin de ne plus subir les crises  comme celle de 1929 qui entraina les pays dans les grandes crises économiques et pour finir dans la guerre.

Mais surtout les Etats-Unis voulaient garder le monopole du pouvoir sur les autres pays avec le dollar donc ils n’ont pas voulu par exemple que la proposition de Keynes économiste anglais de créér une banque mondiale qui permettrait d’émettre une seule et même monnaie le « bancor »  les Etats-Unis ont refusé.

A la suite des accords de Bretton Woods, deux grandes organisations sont créées :

·         La Banque Mondiale  fut créé en 27 décembre 1945 avec aujourd’hui 189 pays membres

·         Le Fond monétaire international   regroupe 190 pays

Ces deux organismes sont donc chargés à la demande des pays en difficultés de prêter de l’argent afin d’améliorer les structures du pays et d’aider à la relance de l’économie. Mais, dans ce système libéral qui nous mène à la catastrophe, il faut que le pays en question privatise à peu près tout ce qui est de l’ordre de l’Etat. Bien évidemment, tous les marchés sont gagnés par des entreprises des pays du nord qui viennent tranquillement pomper l’argent de l’aide et les matières premières du pays. Sur place la main d’œuvre ne coûte rien.

Dans la foulée de la création de ces deux institutions, il fut un signé un autre accord qui devait régler les problèmes de tarifs douaniers entre les signataires. Il s’appela le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), en Français Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce.

Suite aux 8 étapes qui ont permis d’aller au bout des premières négociations, le GATT a cédé la place lors des accords de Marrakech à la création de l’OMC Organisation Mondiale du Commerce qui allait très vite entrer dans un nouveau cycle de conférence qui allait permettre d’étendre le nombre des membres mais aussi d’aller plus loin dans la mondialisation et la libéralisation de la vie économique et sociale des pays membres.

En avril 1994, les états- membres signent l’acte fondateur de l’OMC. Outre une nouvelle réduction des tarifs douaniers ont été négociés un accord sur les mesures non tarifaires :

·         l’agriculture via l’accord sur l’agriculture  dans cet accord il y avait le danger de voir arrivés sur notre sol des bovins argentins gavés de produits interdits en Europe ou du maïs transgéniques des USA ou Canada. Il était dit dans cet accord que les pays devaient privilégier les exportations afin d’avoir des aides. Par exemple : le Cambodge autonome en matière de riz et auto suffisant pour son pays avec aussi des exportations s’est vu obligé d’exporter en priorité sa production à des prix très bas, pour ensuite être obligé d’en importer pour nourrir sa population mais à des prix plus élevés.

·         les services via l’accord général sur le commerce des services il était question en fait de privatiser tout ce qui était privatisable. Il a même été question de privatiser l’éducation nationale car très beau marché et aussi le marché de la santé nous voyons que nous sommes bien avancés dans le cycle de la destruction du système de santé.

·         la propriété intellectuelle via l’aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce le problème de la propriété intellectuelle en France a soulevé un mouvement de contestation car on voulait garder « l’exception française » et ne pas être submerger par les produits culturelles des Etats-Unis. Nous voyons ce qu’il en est aujourd’hui.  Nous assistons aussi à de la monopolisation des marchés comme le livre où Leclerc avec des « espaces culturels » diminue au maximum en la qualité de l’offre ainsi que de sa diversité. A part les têtes banquables on trouve rarement des produits de qualité littéraire pour ne trouver en majorité que de la littérature de divertissement. Utile possible mais qui ne doit pas prendre toute la place.

·         les investissements mesures concernant les investissements et liées au commerce.

 

En fait ces traités globaux sont tous remis en question par des accords bilatéraux entre pays directs ce qui fait que les décisions sont court-circuitées.

Il est important de connaitre ces organismes là pour comprendre que « la souveraineté alimentaire » ne peut se suffire de la création d’un nouveau protagoniste dans le monde du commerce. Les « artisans du Monde » n’ont aucune volonté de changer quoi que ce soit, ils sont une proposition supplémentaire dans l’offre commerciale. Ils sont à ce point si peu dangereux qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Et encore : l’exemple donné hier de la confiture qu’ils ont tenté d’importer s’est tout de même soldé par un échec puisque pour que le produit soit commercialisé en France il a fallu changer la recette. Ce qui n’est pas la même chose que de réussir à importer le produit tel qu’il a été fabriqué. Si ils dérangeaient vraiment il y a longtemps qu’ils seraient avalés et transformer en autre chose. Il faut savoir que l’OMC compte 194 pays membres et en attente de l’entrée de 25 autres. Cette organisation détient les 98% du commerce mondial.

Alors, sur la forme : que le présentateur de cette « conférence » soit un acteur du secteur du commerce pose la question de la finalité de cette conférence : est-on là pour parler des chiffres, se faire peur, se rassurer en se disant « nous on achète équitable » et vraiment ne rien vouloir changer fondamentalement..

 

Bref, après avoir vu ce qui se mettait en place au-dessus de nous, sans nous, avec tous les gouvernements de droite libérale ou de gauche libérale, donc pour une même politique commerciale, il existe en face ceux qui ont tenté de se battre.

 

Alors que l’OMC venait de naitre en 1994, à Seattle, en 1999, il y eut la première manifestation contre l’OMC. Elle réunit tous ceux qui ne veulent pas de l’ordre libéral. Lors des conférences de l’OMC qui se trouve de plus en plus bankerisé à cause des manifestations, des paysans se suicident, et même dans une des manifestations, l’un d’eux s’est immolé. Et pour bien montrer que ces gens-là n’œuvrent pas pour les populations ni pour leur bonheur ou leur « souveraineté alimentaire » Pascal Lamy alors directeur de l’OMC avait dit : « « l’AGCS est avant tout un instrument au bénéfice des milieux d’affaires »

Depuis, il s’est créé le Forum Social Mondial, dont le premier eut lieu en 2001 à Porto Allegre. D’ailleurs des députés français y étaient allés dont Marie-Georges Buffet critiqué par un ministre délégué à l’enseignement professionnel, un certain Jean-Luc Mélenchon.

Alors le Forum Social Mondial est devenue sa propre caricature, un genre d’exercice que les bobos se sont appropriés pour pouvoir dire à leurs petits enfants « tu sais, j’ai lutté contre » c’est un peu comme les « nuits debout » où on a chassé les plus radicaux pour finir en atelier macramé sur la place de la République ou les économistes qui clament haut et fort que pour changer tout ça il ne va pas suffire de s’assoir en tailleur en disant « non » mais en faisant la prise du pouvoir économique et social.

Par contre toutes les conférences de l’OMC, et les grandes messes libérales ont été l’objet de manifestations européennes jusqu’à Göteborg la première manifestation lors de laquelle la police a commencé a tiré à balles réelles, pour arriver à Gênes avec l’assassinat à bout porteur de Carlo Giuiani et les violences policières multiples accompagnées de tortures commandées par le premier ministre italien de l’époque, un certain Silvio Berlusconi.

 

Ce qu’il faut bien comprendre si nous voulons revenir vers une alimentation saine dont on aurait la souveraineté, sur des circuits courts et en respectant des produits de saisons ou avec des importations/exportations en respectant les producteurs comme les consommateurs, c’est le système complet à mettre par terre. C’est une mobilisation générale de toutes les volontés (d’ailleurs toutes les manifestations ont fini par faire avorter un certain nombre de conférence, du moins à les ralentir) pour manifester et comprendre que la société capitaliste n’est pas le système indépassable, et n’est pas non plus le moins pire. Il en existe au moins un autre mais il faut s’investir, ne plus déléguer et se prendre en main. Donc pas un système de consommateurs mais d’acteurs.

 

Pour information, le système dont je parle et qui a été très productif est le système qui s’est mis en place en Espagne dans les années trente suite au coup d’état de Franco. Partout où ce système s’est mis en place, les productions ont toutes augmentées, toutes les populations ont pu se nourrir selon leurs besoins.

Je vous conseille de lire sur le sujet le livre de Gaston Leval : « Espagne Libertaire »

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