« Dans les cercles
mencheviques , le sentiment envers les bolcheviques est très amer.
L'opinion générale parmi eux est que les communistes, qui
auparavant étaient des sociaux-démocrates, ont trahi Marx et
discrédité le socialisme. R. les appelle « les
révolutionnaires asiatiques » . Il n'existe pas de différence
entre Trotski et le bourreau Stolypine , affirme-t-il, leurs méthodes
sont identiques. De fait, il y avait plus de vie politique sous
Nicolas II qu'il n'y en a aujourd'hui. Les bolchéviks, qui se
prétendent Marxistes, pensent qu'ils vont changer la loi immuable de
l'évolution sociale par des décrets et la terreur : qu'ils
vont, pour ainsi dire, sauter plusieurs marches d'un coup sur
l'échelle du progrès. La révolution de Février était
essentiellement bourgeoise , mais Lénine a tenté par la violence
d'une minorité insignifiante de la transformer en révolution
sociale. Il en résulte la débâcle complète de tous les espoirs.
R. pensent que les communistes ne pourront plus se maintenir
longtemps au pouvoir. La Russie est au bord de l'effondrement
économique total. Les anciennes réserves alimentaires sont
épuisées, la production a quasiment cessé. La militarisation du
travail a échoué. Les calculs de Trotski concernant l'augmentation
progressive de la production sur le « front du travail »
ont explosé comme l'ont fait les prophéties bolcheviques
concernant la révolution mondiale. L'usine n'est pas un champ de
bataille. Convertir le pays en camp de travaux forcés n'est pas
propice à l'effort créatif Cela n'a fait que diviser le peuple en
esclaves et esclavagistes, et a crée une classe puissantes de
bureaucrates soviétiques. Encore plus important, cela a retourné
les ouvriers les plus progressistes contre les communistes.
Désormais, les bolcheviques ne peuvent plus compter ni sur le
paysan, ni sur le prolétariat ; tout le pays est contre eux. Si
il n'y avait pas la politique stupide des alliés, ils auraient été
balayés depuis longtemps. Le blocus et les invasions ont joué en
leur faveur. Les bolchéviks ont besoin de la guerre pour se
maintenir au pouvoir, l'actuelle campagne en Pologne leur convient à
merveille. Mais c'est la dernière goutte qui va faire déborder le
vase. Il va se briser , et ce sera la fin de la sanglante expérience
bolchevique. « L'histoire les retiendra pour avoir été les
ennemis jurés de la révolution. » conclut R. d'un ton
catégorique. » »
« La question reste
ouverte de savoir si les bolchéviks avaient un accord officiel avec
les voleurs, dit Z l'enquêteur littéraire. Mais nous savons tous
qu'ils ont coopéré à un moment donné. Il faut dire qu'ils
étaient aussi des prolétaires , ajoute-til d'un ton sarcastique.
Plus tard, il est vrai, les communistes se sont retournés contre
eux. Mais c'est le sort qu'ont connu la plupart d'entre nous. Les
socialistes-révolutionnaires de gauche, les maximalistes et les
anarchistes ne se sont-ils pas battus tous ensemble avec les
communistes contre les blancs ? Et maintenant , où sont-ils ?
Ceux qui ne sont pas morts au front ont été fusillés ou
emprisonnés par les dictateurs rouges , à moins d'avoir été
soudoyés ou intimidés pour servir la Tcheka. »
« La discussion la
plus animée tourne autour de la dictature du prolétariat. C'est le
problème fondamental , déterminé par la conception, que l'on se
fait de la révolution, laquelle détermine à son tour l'attitude
que l'on a vis-à-vis des bolchéviks. Les plus jeunes condamnent
sans réserve la dictature du parti pour sa violence et ses effusions
de sang , ses mesures punitives et ses effets contre-révolutionnaires
en général. Les anarchistes sovietski , bien qu'ils regrettent le
caractère impitoyable des manières communistes, estiment que la
dictature est inévitable à certains stades de la révolution. La
discussion se prolonge durant des heures, et la question essentielle
est éclipsée par les affirmations théoriques. J'ai le sentiment
que les années de tumulte et de contrainte ont entièrement
déracinée les anciennes valeurs sans qu'aient été clarifiés de
nouveaux concepts en terme de réalité et de vision. »
« Deux des soldats
qui avaient participé à la campagne de Makhno racontaient ce qu'ils
avaient vécu. Ils parlaient librement de ses exploits, des méthodes
originales qui lui permettaient de vaincre des forces largement
supérieures , et des multiples fois où, encerclé par les armées
blanches ou rouges, il avait réussi à s'échapper , souvent d'une
façon qui tenait du miracle. Ils admiraient la ruse habile avec
laquelle Makhno avait pris Ekaterinoslav , alors aux mains de
Petlioura. Une poignée de ses hommes , habillés en paysans, avaient
traversé le pont qui menait à la partie inférieure de la ville,
leurs armes dissimulées dans des charrettes. Arrivés de l'autre
côté, ils avaient ouvert le feu de manière inattendue sur les
hommes de Petlioura qui gardaient les approches . L'attaque soudaine
avait semé la panique dans la garnison, et l'armée de Makhno
s'était emparée facilement de la ville. »
« Tous les deux
avaient été faits prisonniers par Makhno. Ils avaient cru leur
dernière heure arrivée quand on les avait conduits avec d'autres
captifs devant le redouté bat'ka. Un jeune homme élancé aux yeux
vifs et perçants les avait regardés sévèrement en se mettant à
les haranguer . Il disait que que les commissaires bolcheviques ne
valaient pas mieux que les généraux blancs , que les uns comme les
autres opprimaient le peuple et volaient les paysans. Lui, Makhno ,
défendrait la révolution contre tous ses ennemis. Il promettait que
les prisonniers auraient le choix entre se rallier aux povstantsi ou
rentrer chez eux, mais les soldats rouges avaient peur qu'il se moque
d'eux. Cependant, il avait tenu parole. »
« Toutes les
pensées se tournent vers la reconstruction économique. Les cercles
communistes et la presse officielle sont perturbées par la
discussion sur le rôle que doivent avoir les travailleurs dans la
situation actuelle. Il est admis que la militarisation du travail a
échoué. Ses effets, loin de se relever productifs, comme on l'avait
prétendu, ont eu pour conséquence la désorganisation et la
démoralisation. Le nouveau rôle à assigner au prolétariat est le
problème brûlant mais il n'y a pas d'unité d'opinion parmi les
dirigeants blochéviks . Lénine soutient que les syndicats ne sont
pas préparés à diriger les industries : leur mission
principale est de servir d' « écoles du communisme »,
en apportant progressivement une participation croissante dans le
domaine économique. Zinoviev et ses partisans font cause commune
avec Lénine et élaborent ses idées. Mais Trotski est en désaccord
et insiste sur le fait que les ouvriers seront inaptes pendant encore
longtemps à diriger les industries. Il réclame un « front
ouvrier » , soumis à la discipline de fer d'une campagne
militaire . Opposés à cette idée, les éléments ouvriers prônent
la démocratisation immédiate du secteur industriel . Ils
maintiennent que l'exclusion des syndicats d'un rôle décisif dans
la vie économique est lé véritable cause de cette situation
déplorable. Ils sont convaincus que le prolétariat révolutionnaire,
qui a vaincu toute opposition armée, saura également surmonter
l'ennemi dans le domaine économique. Mais il faut en donner la
possibilité aux ouvriers : c'est en agissant qu'ils
apprendront. »
Les événements de
Kronstadt :
Message de radio Moscou :
« Petrograd est
calme et en bon ordre , et même les quelques usines où avaient été
formulées des accusations contre le gouvernement soviétique
comprennent à présent que c'étaient l'oeuvre de provocateurs...Au
moment précis où un nouveau régime républicain prend les rênes
du gouvernement en Amérique et montre la volonté de rétablir des
relations commerciales avec la Russie soviétique , propager des
rumeurs mensongères et organiser des troubles à Kronstadt a pour
seul but d'influencer le président américain afin qu'il change sa
politique vis-à-vis de la Russie. Au même moment, , la conférence
de Londres tient ses sessions et la propagation de rumeurs similaires
doit également influencer la délégation turque pour la rendre plus
soumise aux exigences de l'entente. La rébellion de l'équipage du
petropavlosk fait indubitablement partie d'une vaste conspiration qui
cherche à semer le trouble en Russie soviétique et à nuire à
notre position internationale ...Ce plan est mené en Russie par un
général et d'anciens officiers tsaristes , et leurs activités sont
soutenues par les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires. »
Une résolution a été
votée par les marins de Kronstadt :
« Résolution de
l'assemblée générale des équipages des I et II escadrons de la
flotte de la Baltique tenue le 1 mars 1921 :
Ayant pris connaissance
du rapport des représentants envoyés par l'assemblée générale
des équipages des bateaux à Petrograd pour y étudier la situation
, il a été décidé :
- au vu du fait que les soviets actuels n'expriment pas la volonté des ouvriers et paysans , de tenir immédiatement de nouvelles élections à bulletin secret, la campagne pré-électorale se déroulant dans une liberté totale parmi les ouvriers et les paysans.
- D'établir la liberté d'expression et de la presse pour les ouvriers et les paysans, les anarchistes et les partis socialistes de gauche ;
- de garantir la liberté de rassemblement pour les syndicats ouvriers et les organisations syndicales ;
- de réunir une conférence non partisane des travailleurs , de soldats de l'armée rouge et de marins de Petrograd , de Kronstadt et de la province de Petrograd , pas plus tard que le 19 mars 1921 ;
- de libérer tous les prisonniers politiques des partis socialistes, ainsi que tous les ouvriers, paysans, soldats et marins emprisonnés liés aux mouvements ouvriers et paysans ;
- d'élire une commission chargée de réexaminer les cas de ceux qui sont détenus en prison et dans les camps de concentration ;
- d'abolir tous les politodeli ( bureaux politiques) étant donné qu'aucun parti ne devrait bénéficier de privilèges spéciaux pour propager ses idées, ni recevoir de soutien financier du gouvernement dans ce but. A leur place , il faudrait établir des commissions éducatives et culturelles, élues localement et financées par le gouvernement ;
- d'abolir immédiatement tous les zagraditelniye otryadi (unités armées organisées par les bolchéviks dans le but d'éradiquer le trafic et de confisquer les denrées alimentaires et d'autres produits. Leurs méthodes irresponsables et arbitraires étaient proverbiales dans tout le pays);
- de rendre égales les rations de tous ceux qui travaillent, à l'exception de ceux qui sont employés dans des métiers nocifs pour la santé ;
- d'abolir les détachements communistes de combat dans tous les secteurs de l'armée, ainsi que les gardes communistes encore en service dans les fabriques et les usines. Si de tels gardes ou détachements militaires se révèlent nécessaires, ils doivent être désignés dans l'armée selon les grades, et dans les usines en fonction du jugement des ouvriers ;
- de donner aux paysans une totale liberté d'action par rapport à leur terre , et également le droit d'avoir du bétail , à condition que les paysans y pourvoient par leurs propres moyens , c'est-à-dire sans engager de main d'oeuvre
- de demander à tous les secteurs de l'armée, ainsi qu'à nos camarades , les kursanti militaires, de s'entendre sur nos résolutions
- de réclamer pour ces derniers la publicité dans la presse
- de désigner une commission de contrôle itinérante,
- de permettre la libre production kustarnoye ( individuelle et à petite échelle), par ses efforts personnels.
Résolution adoptée à
l'unanimité par la réunion de brigade , deux personnes s'abstenant
de voter.
Petrichenko président de
la réunion de brigade
Perepelkine secrétaire
résolution adoptée à
une majorité écrasante par la garnison de Kronstadt , Vassiliev
Président
Kalinine et Vassiliev,
votent contre la résolution. »
Trotski lance un
ultimatum :
« Le gouvernement
des travailleurs et des paysans a décrété que Kronstadt et les
bateaux en rébellion doivent se soumettre immédiatement à
l'autorité de la République soviétique. Par conséquent, j'ordonne
à tous ceux qui ont levé la main contre la patrie socialiste de
déposer les armes immédiatement. Ceux qui s'obstinent seront
désarmés et remis aux autorités du soviet. Les commissaires et les
autres représentants du gouvernement qui ont été arrêtés doivent
être libérés sur-le-champ. Seuls ceux qui se rendront sans
condition pourront compter sur la clémence de la république
soviétique.
En même temps, je donne
des ordres pour procéder à la répression de la mutinerie et
soumettre les insurgés à la force des armes. La responsabilité
pour le mal que pourrait subir la population pacifique retombera
entièrement sur les mutins contre-révolutionnaires.
Cet avertissement est le
dernier.
Trotski,
Président du soviet
militaire révolutionnaire de la république
Kamenev,
Commandant en chef »
Les anarchistes proposent
leur aide :
« Président
Zinoviev,
Garder le silence est
devenu impossible, voire criminel. Les récents événements nous
poussent, nous les anarchistes, à prendre la parole et à déclarer
notre position dans la situation présente.
L'effervescence manifeste
parmi les ouvriers et les marins est le résultat de causes qui
réclament une sérieuse attention de notre part. Le froid et la faim
ont provoqué du mécontentement, et l'absence de toute possibilité
de discuter et de critiquer oblige les ouvriers et les marins à
faire connaître leurs doléances ouvertement.
Des bandes de gardes
blancs veulent et pourraient tenter d'exploiter cette insatisfaction
dans leurs propres intérêts. Se cachant derrière les ouvriers et
les marins , ils lancent des slogans sur l'assemblée constituante ,
le commerce libre, et des exigences similaires.
Nous, les anarchistes,
avons longuement fait valoir la fausseté de ces slogans, et nous
déclarons au monde entier que nous combattrons par les armes toute
tentative contre-révolutionnaire , en collaboration avec tous les
amis de la révolution sociale et main dans la main avec les
bolchéviks.
En ce qui concerne le
conflit entre le gouvernement soviétique et les ouvriers et les
marins, nous soutenons qu'il doit être réglé non par la force des
armes, mais par un accord à l'amiable. Recourir à l'effusion de
sang, de la part du gouvernement soviétique, étant donné la
situation, n'intimidera pas et ne calmera pas les ouvriers. Au
contraire, cela ne fera qu'aggraver les choses et renforcera
l'emprise de l'entente et de la contre-révolution intérieure.
Plus important encore,
l'usage de la force par le gouvernement des ouvriers et des paysans
contre des ouvriers et des marins aura un effet démoralisant sur le
mouvement révolutionnaire international et portera un tort
incalculable à la révolution sociale.
Camarade bolchéviks ,
réfléchissez avant qu'il ne soit trop tard ! Ne jouez pas avec
le feu : vous êtes sur le point de prendre une mesure
importante et décisive. Nous vous soumettons par la présente
proposition suivante : sélectionnez une commission constituée
de cinq personnes, comprenant deux anarchistes. Cette commission se
rendra à Kronstadt pour régler le différend par des moyens
pacifiques . Compte tenu de la situation , c'est la méthode la plus
radicale. Elle sera d'une portée révolutionnaire internationale.
Alexandre Berckman Emma
Goldman, Perkus, Petrovski le 5 mars 1921 »
Le 6 mars Kronstadt lance
un message à la radio :
« Notre cause est
juste, nous sommes pour le pouvoir des soviets, non des partis. Nous
sommes pour des représentants des masses laborieuses élus librement
. Les soviets de substitution manipulés par le parti communiste sont
toujours restés sourds à nos besoins et revendications ; la
seule réponse que nous avons toujours obtenue a été de
fusiller...des camarades ! Ils déforment délibérément la
vérité et ont recours à la diffamation la plus ignoble...A
Kronstadt, le pouvoir tout entier est aux mains des marins , des
soldats et des ouvriers révolutionnaires - pas dans celles des
contre-révolutionnaires menés par un certain Kozlovsky , comme la
radio de Moscou qui ment essaye de vous le faire croire ...Ne tardez
pas , camarades ! Rejoignez-nous, prenez contact avec nous :
exigez que vos délégués soient admis à Kronstadt. Eux seuls vous
raconteront toute la vérité et vous révéleront la calomnie
diabolique au sujet du pain finlandais et des propositions de
l'entente.
Longue vie au prolétariat
et à la paysannerie révolutionnaires !
Longue vie au pouvoir des
soviets élus librement ! »
« De sombres
rumeurs circulent en ville . Trois cent détenus politiques auraient
disparus de la Boutyrka. Enlevés de force pendant la nuit, certains
auraient été exécutés. La tchéka refuse de donner des
informations.
Plusieurs jours se
passent dans les affres de l'incertitude – plusieurs de mes amis
font partie des disparus. Les gens qui vivent à proximité de la
prison parlent de cris effrayants entendus cette nuit-là , ainsi que
des bruits d'une lutte désespérée. Les autorités affirment n'être
au courant de rien. »
« Les détenus
politiques n'ont pas participé à la manifestation. Isolés dans une
aile à part, ils avaient obtenue certaines concessions grâce à une
action collective. Leur situation était nettement plus tolérable
que celles des prisonniers de « droit commun ».
Toutefois, par fraternité humaine, ils ont décidé d'intervenir.
Leurs récriminations ont incité la Tchéka à reconnaître que les
revendications des grévistes de la faim étaient justes et à
promettre une amélioration immédiate. De sorte que les droits
communs ont mis fin à leur grève, et que l'incident semblait clos.
Cependant, quelques jours
plus tard, dans la nuit du 25 avril, un détachement de soldats et de
tchékistes a fait irruption dans la prison. Une à une, les cellules
des détenus politiques ont été attaquées, les hommes battus et
les femmes tirées par les cheveux dans la cour , la pluspart en
chemise de nuit. Plusieurs des victimes , craignant d'être
exécutées, ont résisté. Des coups de crosse de fusil et de
revolver les ont réduits au silence. Maîtrisés , on les a forcés
à monter dans des voitures pour les emmener à la gare. »
Communiqué des
bolchéviks aux anarchistes emprisonnés :
« Camarades, au vu
du fait que nous sommes arrivés à la conclusion que votre grève de
la faim ne peut aboutir à votre libération , nous vous invitons par
la présente à y mettre fin.
En même temps, nous vous
informons que des propositions précises nous ont été faites par le
camarade Lounatcharski , au nom du comité central du parti
communiste : a savoir :
- tous les anarchistes détenus dans les prisons de Russie , et qui font actuellement la grève de la faim, seront autorisés à partir dans le pays de leur choix. Il leur sera procuré des passeports et des fonds.
- En ce qui concerne les autres anarchistes emprisonnés ou sortis de prison , le parti prendra demain des mesures définitives. Le camarade Lounatcharski est d'avis que la décision les concernant sera similaire à celle annoncé ci dessus.
- Nous avons reçu la promesse avalisée par Unszlicht que les familles des camarades qui partiront à l'étranger seront autorisés à les suivre si elles le désirent. Afin d'éviter toute conspiration, il devra s'écouler un certain temps avant que cela se fasse
- Les camarades partant pour l'étranger disposeront de deux ou trois jours de liberté avant leur départ de façon à leur permettre de mettre en ordre leurs affaires.
- Ils n'auront pas le droit de revenir en Russie sans le consentement du gouvernement soviétique.
- La plupart de ces conditions sont mentionnées dans la lettre que cette délégation a reçue du comité central du parti communiste par Trotski
- Les camarades étrangers ont été autorisés à veiller à ce que ces conditions soient appliquées en bonne et due forme.
Signatures : Orlandi
(Espagne)
Leval ( Espagne)
Sirolle ( France)
Michel ( France)
A. Shapiro ( Russie)
Le communiqué ci dessus
est validé signé Lounatcharski
Kremlin Moscou
Alexandre Berckman
refuse de signer :
- il est opposé par principe à l'expulsion
- il considère que cette lettre est une réduction arbitraire et injustifiée de la proposition initiale du comité central selon laquelle tous les anarchistes étaient autorisés à quitter la Russie
- Il demande que soit laissé plus de temps en liberté à ceux qui seront relâchés afin de leur permettre de récupérer avant d'être expulsés. »
« Aujourd'hui, à
midi, les grévistes de la faim ont été relâchés de la Taganka ,
deux mois après que le gouvernement s'est engagé à les libérer.
Les hommes ont l'air épuisés , vieillis, dépéris par l'angoisse
et les privations. On les a placé sous surveillance et on leur a
interdit de rencontrer leurs camarades. On dit qu'il se passera des
semaines avant qu'on leur donne la possibilité de quitter le pays.
Ils ne sont pas autorisés à travailler et n'ont aucun moyen de
subsistances. La Tcheka annonce que les autres détenus politiques
ne seront pas libérés. Des arrestations de révolutionnaires ont
lieu dans tout le pays. »
« Les jours qui
passent sont gris. Les braises de l'espoir se sont éteintes une à
une. La terreur et le despotisme ont broyé la vie qui avait vu le
jour en Octobre. On a abjuré les slogans de la révolution ,
étouffés ses idéaux dans le sang du peuple. Le souffle du passé
condamne des millions d’êtres à la mort ; l'ombre du présent
plane tel un voile noir au dessus du pays. La dictature piétine les
masses populaires. La révolution est morte, son esprit hurle dans le
vide.
Il est grand temps de
dire la vérité sur les bolchéviks . Il faut démasquer le sépulcre
blanchi, dévoiler les pieds d'argile du fétiche qui a entrainé le
prolétariat international vers des feux follets fatals. Le mythe
Bolchévik doit être détruit.
J'ai décidé de quitter
la Russie. »