vendredi 4 juillet 2025

29/ La Politique n'est plus qu'un décor creux. Par M A.

 "Capitalisme et Djihadisme: une guerre de religion" est un tout petit ouvrage donc tous les extraits vont tenir dans cet article là.

1/    "Faire, pour commencer, l'hypothèse que deux représentations, ou deux systèmes, ou les représentations de deux systèmes s'opposent: le capitalisme d'un côté, le djihadisme de l'autre. Hypothèse dont on déduira alors (déduction minimale) que c'est la première réelle opposition mondiale ( dans un monde en effet se mondialisant) depuis la chute du mur de Berlin et la fin du communisme historique (la fin d'un monde encore grandement provincialisé).

2/    "Il y aurait donc, selon cette hypothèse d'un côté le capitalisme et de l'autre le djihadisme.

Du capitalisme il est de règle de dire qu'il n'est pas "politique". Parce qu'il a depuis toujours eu peur qu'on le prenne pour ce qu'il est -une idéologie-, quand il s'emploie à passer pour ce qu'il n'est pas - un état de nature. Du djihadisme, il convient de plus en plus de dire qu'il est "politique", pour qu'on ne le confonde pas avec l'islam religieux.

De fait, le capitalisme n'a de cesse de ne pas passer pour ce qu'il est, quand le djihadisme n'a de cesse de passer pour ce qu'il n'est pas: politique pour l'un, religieux pour l'autre."

3/    Je précise, 1 "le capitalisme" ne vaut pas ici pour "la démocratie", dont il procède par abstraction et à laquelle de part en part; 2: "la religion" ne vaut pas ici pour la mystique, qui s'en excepte avec superbe, un peu à la façon dont il arrive que l'amour s'excepte de la reproduction).

4/    On peut en dire ceci cependant, et ce sera fait pour constituer une troisième hypothèse, inattendue ou contestable : "capitalisme et djihadisme sont l'un et l'autre une variante du puritanisme; mieux: ils sont l'un comme l'autre une variante violente d'un même puritanisme à son stade terminal.

5/    Puritains, en ceci qu'ils obéissent chacun à une "passion" (il ne faut pas moins que la passion pour que le puritanisme s'exerce sans reste): la "passion ascétique" (le djihadisme); "la passion narcissique" (le capitalisme).

6/    Au contraire de ce qu'il semble en effet, le capitalisme est un puritanisme aussi et violent dont le commandement est :"jouis!" Pas de commandement plus violent, quand on sait que nul ne jouit, au juste, a fortiori aux conditions du capital.

7/    Le commandement de la passion ascétique est : "Meurs ! "

Sous entendu: aux conditions de Dieu dont il dépend que chacun jouisse de l'éternité, pour le rachat de son existence (seul universel non capitaliste fantasmable).

"Pour le rachat de son existence", que l'ascèse seule rachète en effet, qui ne promet la félicité aux fidèles qu'à la condition qu'ils accèdent à la mort par le moyen du martyre.

8/    "Jouis" est un commandement à peine moindre que "Meurs", qui ne parait d'ailleurs qu'à peine moins comminatoire. par lequel le salut des uns n'est pas davantage assuré que le narcissisme des autres est rassasié. lesquels, par principe, leur échappe. Qui ne satisfont qu'à ceux qui leur commandent.

9/    De ces dichotomies de principe, qui complètent les représentations autant qu'elles les opposent, celles-ci se déduisent:

La guerre sainte est ensorcelante quand le capitalisme n'est qu'hypnotique.

Jouir ne s'échange que contre la transe, quand tuer/mourir s'échange contre une délivrance (transe artificielle contre délivrance réelle).

Dieu se mesure à l'amour (par principe immodéré) quand l'argent n'atteint tout au plus qu'au plaisir (par définition compté).

Les emblèmes emphatiques de la vie qu'arbore l'une, contre l'autre ceux de la mort, qui ne sont pas cependant, à terme, en nature sinon en degré, l'une moins que l'autre mortifères.

L'exubérance de la mort partout répandue, de l'une, cruelle à l'excès, contre la parcimonie pour finir de la jouissance, abrutissante, de l'autre...(à ceci près qu'on ne suffit pas davantage à satisfaire l'irrassasiable appétit de consumation que de consommation).


L'extase de l'instant, ici, contre la latence de la répétition, là, létales dans un cas comme dans l'autre ( à ceci près cette fois que la mort est sans commune mesure plus extasiante que la jouissance).

ETC. 

10/    On le déduirait à tort: la passion narcissique serait par le fait "progressiste", quand le puritanisme qui l'anime et la nourrit est réactif ou régressif aussi, comme l'est celui qui anime et nourrit la passion ascétique.

11/    Nul ne sait d'ailleurs rien encore de l'opposition réelle du djihadisme et du capitalisme. Les pays ( du golfe par exemple) ne manquent pas déjà où la forme exacerbée de l'un s'accommode sans mal de la forme outrancière de l'autre ( de même que le national-socialisme s'est accommodé sans mal du capitalisme qu'il promettait pourtant d'abattre).

12/    Et c'est parce que la désaffectation et la désagrégation des pulsions ne seraient nulle part révolutionnaires que la passion ascétique serait à peu près tout ce qu'il resterait de l'anticapitalisme (pérenne) et de l'antifascisme ( circonstanciel). Ou, parce que le capitalisme serait sans dehors qu'il ne resterait d'anticapitalisme qu'ascétique. Autrement dit, il n'y aurait plus d'anticapitalisme conséquent que religieux, seul à s'opposer à la figure enfin achevée et canonique du marché. La question qui se pose aux anticapitalistes serait dès lors la suivante: auquel de ces deux mondes mortifères faut-il qu'ils s'allient pour qu'au moins l'un d'entre eux disparaisse? Et lequel le premier - deuxième question.

Il n'y a eu, longtemps, qu'un seul nihilisme. Un autre en est né qui, surenchérissant, lui conteste le nihilisme lui-même. Lequel l'emportera? Quoi leur opposer pour qu'aucun des deux ne l'emporte?

13/    Le capitalisme: soit le soutenir dans sa totalité, soit le nier - y remédier ou lui nuire est devenu durablement impossible (tendance lourde du capitalisme: sa consolation définitive). le soutenir ne souffre plus ni détail ni condition. Il en est ainsi depuis 1989 qu'à peu près tout le monde le soutient.

14/     Consolation que le communisme (entre autres révolutionnaires) a paru pouvoir satisfaire, le temps court - tout au plus quelques petites dizaines d'années - entre le moment où l'on n'a plus douté de la mort de Dieu, et celui où l'on s'est convaincu que la naissance de l'argent ( pour tous, en toute hypothèse) était de nature à le remplacer avantageusement.

15/    Dire que l'argent est essentiellement puritain, c'est nécessairement dire, pour peu qu'on poursuive un instant l'hypothèse de la réciprocité constitutive de ces deux passions: s'il n'y a que Dieu à ne pas pouvoir être échangé contre l'argent (fondement des religions), il n'y a que l'argent à pouvoir prétendre à l'état de totalité alternative jadis dévolue à Dieu (fondement du capitalisme).

De là que leur guerre ne puiss en en effet qu'être de religion.

16/    Tueries qu'on n'aura pas entendu les révolutionnaires ou les "insurrectionnalistes" prendre si peu que ce soit en considération, encore moins déplorer, leur préférant d'autres victimes, susceptibles celles-là de consolider leurs alliances stratégiques ou de principe (ainsi que le veut l'irénisme auquel leur situation défensive les réduit). Et leur permettant d'accuser "d'abord" les conséquences il est vrai liberticides est discriminatrices de l'antiterrorisme: "Ce que je vois dans le 11 janvier, c'est d'abord une manœuvre gouvernementale obscène pour s'approprier un choc, pour s'approprier un état d'extrême vulnérabilité générale et la tentative, réussie à ce jour, de retourner en instrument de domination de la population un événement terrible", aura dit l'un d'entre eux.

17/    Affirmation que je ne reproduis ici, et pour voler un moment à leur secours, qu'à l'intention des anticapitalistes ou des révolutionnaires à qui il semble que l'islam doive être défendu, ne serait-ce que parce que ce serait défendre les masses qui s'en réclament; pas à l'intention de ceux qui tiennent qu'aucune religion ne mérite réellement d'être défendue, pour peu qu'on veuille réellement défendre la réclamation de ces masses.


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